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Intervention de Nora Berra

Réunion du 8 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Discussion d'un projet de loi

Nora Berra, secrétaire d'état chargée de la santé :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, ainsi que Xavier Bertrand vient de le souligner, ce projet de loi sur la bioéthique constitue une interrogation essentielle sur notre responsabilité et sur les valeurs qui fondent notre société.

La présente discussion repose sur le principe consistant à protéger et à préserver chaque Français, en particulier les plus vulnérables, contre des pratiques qui bafoueraient l'intégrité et l'inviolabilité du corps humain, et exploiteraient des éléments et des produits du corps.

Notre devoir est de préserver la dignité de la personne humaine. Le texte sur lequel vous avez mené un travail très dense, dont je salue la qualité et la profondeur, vise avant tout à informer, accompagner, responsabiliser les patients et leur entourage. Il s'agit également de tenir compte des avancées scientifiques et de l'évolution des moeurs, avec des enjeux énormes, non seulement pour ce qui concerne l'exercice des libertés individuelles, mais aussi parce que, plus de quinze ans après le vote des premières lois de bioéthique, nous devons nous adapter à une perspective qui a changé.

La demande sociale d'aménagement et d'assouplissement tournée vers la satisfaction des aspirations individuelles a progressé. Néanmoins, une demande d'encadrement continue de s'exprimer, notamment face aux progrès rapides de technologies médicales qui peuvent en effet multiplier les risques de dérive – d'où notre vigilance.

Cette vigilance doit aussi s'exercer sur les propos que l'on tient. Quand, en effet, j'entends, depuis ce matin, évoquer un « bébé médicament », je trouve l'expression pour le moins déplacée car ce bébé est avant tout le fruit d'un projet parental, même si, certes, il permet de guérir un membre de la fratrie parce qu'on a constaté dans sa famille une maladie génétique. J'approuve donc la prouesse médicale et scientifique mais ne puis consentir à l'instrumentalisation de la conception, conception qui doit avant tout reposer sur le désir d'être parents.

En ce qui concerne le don, il nous fallait remédier à une pénurie préoccupante en organes pouvant être greffés. Les techniques chirurgicales et les traitements anti-rejet ont fait la preuve de leur efficacité. La qualité de vie des patients qui ont bénéficié d'une greffe s'est incomparablement améliorée. Pourtant, depuis 2004, le nombre de greffes n'a que très faiblement augmenté, avec un nombre très réduit et stable de donneurs vivants.

Le texte présente une avancée significative que vous avez soutenue en commission car il prévoit la possibilité d'organiser la pratique de dons croisés entre donneurs vivants, en ne réservant donc plus ce type de greffe à la seule parentèle proche, mais en assurant un encadrement renforcé de ces prélèvements.

Tant l'Agence de biomédecine que le Conseil d'État dans son rapport d'avril 2009 avaient insisté sur le fait que cette pratique devait être rigoureusement encadrée en élargissant le cercle de donneurs. Il était impératif d'empêcher toute possibilité de pression sur le donneur – je pense aux dons en retour, au danger de marchandisation du corps humain.

Autant, pour le receveur, le contenu des formalités est inchangé, avec la nécessité d'être inscrit sur une liste nationale d'attente ; autant, pour le donneur vivant, la procédure de consentement a été maintenue pour s'assurer de l'absence de coercition sur le donneur. Il est informé par le comité d'experts des risques qu'il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement. Il exprime son consentement libre et éclairé, consentement qui est révocable à tout moment.

Enfin, sur le plan pratique, il est demandé que les prélèvements et les greffes soient réalisés de manière simultanée – procédure lourde mais qui apparaît indispensable au succès des interventions. Cette disposition est de nature à augmenter de 25 à 40 % le nombre de greffons de donneurs vivants, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Pour ce qui est des nouvelles techniques d'assistance médicale à la procréation, le premier point important est de conditionner l'accès à l'assistance médicale à la procréation au constat d'une infertilité médicalement constatée au sein d'un couple.

Il me paraît essentiel que, dans ce projet, l'accent soit mis sur l'information de la femme enceinte aux différentes étapes du diagnostic prénatal. Ce dernier comporte des examens de dépistage et, le cas échéant, des examens de diagnostic en cas de suspicion d'anomalie. Cependant, à tout moment, grâce au renforcement de l'information lors de ces différents examens, la mère doit rester libre de ses choix.

Par ailleurs, pour toute démarche d'assistance médicale à la procréation, il paraît important de s'assurer de l'existence d'une vie commune des deux futurs parents. Ce sujet fera l'objet, à n'en pas douter, d'échanges importants.

La recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires, pour sa part, reste très discutée et suscite des craintes légitimes. Le principe d'interdiction de toute recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires devrait être maintenu et placé, comme actuellement, sous le contrôle de l'autorisation de l'Agence de biomédecine.

Il était primordial d'affirmer l'importance que notre société accorde à la protection de l'embryon, qui est le point de départ du vivant.

Pour autoriser ces recherches, la notion de « progrès thérapeutique majeur » serait remplacée par celle de « progrès médical majeur ». Cette distinction de terminologie n'est pas anodine : il s'agit de dépasser la notion de finalité thérapeutique en précisant qu'il s'agit non seulement de soigner ou de traiter une maladie mais aussi de la prévoir ou de la diagnostiquer. L'aspect thérapeutique, en effet, ne doit venir qu'après une appréhension plus globale de la recherche.

Le Gouvernement vous propose par conséquent de maintenir le dispositif actuel, c'est-à-dire celui consistant à interdire toute recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires, avec toutefois des dérogations autorisées par l'Agence de biomédecine. Cette dernière évalue les projets de recherche, sélectionne les plus pertinents sur le plan scientifique et respectueux en matière éthique. L'élan des chercheurs dans ce domaine ne devrait pas être pénalisé.

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