La question fiscale est complexe partout, et pas seulement en France, mais les comparaisons internationales sont utiles pour se situer par rapport aux autres pays de l'OCDE, non seulement par rapport aux États membres de l'Union européenne, mais aussi par rapport au Japon, au Canada et aux États-Unis.
Première remarque : beaucoup d'impôts frappent le patrimoine et aucun ne doit être considéré isolément. On distingue d'abord les impôts périodiques sur la propriété immobilière tels que la taxe foncière. Ils existent dans tous les pays de l'OCDE et sont réglés soit par les ménages, soit par les sociétés. Certains pays comme la France y ont superposé d'autres taxes, du type taxe sur l'enlèvement des ordures ménagères. Depuis dix ans, de nombreux pays cèdent à cette tentation en évitant soigneusement de les appeler « impôt », mais la dénomination ne change rien à l'affaire. Globalement, ces impôts périodiques représentent en France 2,2 % du PIB, contre 1 % pour la moyenne des pays de l'OCDE, soit plus du double.
Viennent ensuite les impôts périodiques sur l'actif net, qui sont en vigueur dans très peu de pays, le produit de l'impôt de solidarité sur la fortune représentant en France 0,2 % du PIB.
En revanche, les impôts sur les mutations se sont généralisés, à deux ou trois exceptions près. Là encore, la France fait la course en tête en prélevant ainsi 0,4 % du PIB, pour une moyenne de 0,1 % dans l'OCDE.
Pour ce qui est des impôts sur les transactions immobilières, la France se situe dans la moyenne avec 0,6 % du PIB, contre 0,5 % dans l'ensemble de l'OCDE.
En ce qui concerne les autres impôts, en France, le taux marginal de l'impôt sur le revenu des personnes physiques dépasse 45 % en France, tandis que la moyenne de l'OCDE excède légèrement 42 % ; l'impôt sur les sociétés est de 34 %, contre 26 % pour la moyenne de l'OCDE ; et l'imposition sur les dividendes de 32 %, contre 21 % ailleurs en moyenne.
S'agissant de l'impôt sur les sociétés, depuis trente ans, la tendance générale est à la baisse. En 1980, nombreux étaient les pays dont le taux tournait autour de 45 %. Aujourd'hui, rares sont ceux où il dépasse 30 %. Ainsi, juste avant Noël, le Japon a abaissé son taux d'imposition. Les Britanniques visent 20 % et, la semaine dernière, le Président Obama a annoncé une baisse à 28 %.
L'essentiel des impôts sur le patrimoine provient en France des impôts périodiques, ce qui est une bonne chose car ils sont les moins destructeurs.
Quelles sont les tendances observées dans l'ensemble des pays depuis une dizaine d'années ?
On constate, à l'intérieur des impositions du patrimoine, une stabilité des recettes provenant des impôts périodiques sur la propriété immobilière, la part qu'elles représentent étant toujours plus élevée dans les pays anglo-saxons. Le problème vient de l'assiette, qui n'est pas toujours, comme il le faudrait, la valeur de marché.
L'impôt périodique sur l'actif net était pratiqué en 1976 dans dix pays, en 1995 dans quinze ; aujourd'hui dans trois pays : la France, la Norvège et la Suisse. Les Pays-Bas ont un système un peu particulier mais dont les effets sont comparables. Le cas allemand est une curiosité dans la mesure où l'impôt sur l'actif net existe toujours mais son application a été suspendue par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. En tout état de cause, la tendance de fond est à sa disparition.
Les impôts sur les transactions immobilières sont monnaie courante car, à l'inverse des économistes qui ne les aiment pas, les fiscalistes apprécient leur rendement et leur simplicité de gestion, sans oublier qu'ils peuvent contribuer à freiner la spéculation immobilière. À cet égard, une des causes de la crise aux États-Unis réside, à mon avis, dans les incitations fiscales qui poussaient les ménages américains à acheter sans cesse plus grand et plus cher.
Du côté de l'impôt général sur le revenu, partout, les taux marginaux ont eu tendance à diminuer. Dans les pays nordiques et aux Pays-Bas, il a été remplacé par un système d'imposition duale des revenus qui prévoit une imposition proportionnelle des revenus du capital.
En conclusion, les nombreux changements intervenus depuis dix ans dans la fiscalité du patrimoine ne sauraient dispenser d'une approche globale. Avant d'engager une réforme même ponctuelle, il faut passer en revue tous les impôts de même nature, et même, dans l'idéal, aller au-delà.
La France a sans doute besoin d'une réforme fiscale de fond.
La première raison des réformes fiscales a été la compétitivité fiscale, tous les ministres des finances rêvant d'annoncer une baisse des taux d'impôt sur les sociétés et sur le revenu des personnes physiques ; et la seconde le souci d'équité fiscale, d'où le réexamen en cours, dans différents pays, des niches fiscales. Le débat ne se limite pas à la France même si elles y sont plus nombreuses qu'ailleurs. Le troisième facteur est la stabilisation des bases d'imposition par le biais de la lutte contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux, qui a enregistré d'énormes progrès depuis deux ans.