Madame la présidente, je collabore au réseau « Toxicomanie » de Toulouse depuis 1996. En 2004, nous avons assisté aux premières dérives. Je connais la consoeur dont vous avez évoqué le cas, et ce que vous avez dit est exact : les toxicomanes passaient de l'autre côté de son comptoir et se servaient directement. Elle a été mise en danger physiquement, et la police s'est montrée totalement défaillante. Finir devant la justice et être traînée dans la boue a été pour elle traumatisant.
Le réseau de Toulouse est un de ceux qui fonctionnent le mieux. Nous avons travaillé sans problème avec la sécurité sociale et les organismes de contrôle. Si nous avons sans doute outrepassé ce que la réglementation en vigueur nous permettait de faire, c'est que, dès 2004, nous nous étions rendu compte que les interventions de police n'auraient pas d'impact auprès des populations concernées. Ainsi, médecins, pharmaciens, travailleurs sociaux, travailleurs de rue, associations et sécurité sociale ont organisé un système de « délation ». Lorsqu'on sentait qu'un toxicomane était à la dérive, qu'il avait une polyconsommation, on allait voir le médecin et le pharmacien concernés. De plus, des réunions réunissant tous les acteurs du réseau avaient lieu tous les quinze jours, ce qui permettait de repérer les personnes et de cibler les demandes de remboursement.
Ce système a permis, non seulement de lutter contre le mésusage du Subutex, mais aussi de détecter des fraudes que l'on n'attendait pas : des médecins gardaient les cartes Vitale de patients bénéficiant de la couverture maladie universelle (CMU) et facturaient trois ou quatre visites par semaine alors que ces patients ne mettaient pas les pieds chez eux ou n'y venaient que tous les huit ou quinze jours. Certains ont facturé, sur la même carte Vitale, jusqu'à quinze ou vingt consultations dans le mois !
On peut remettre en cause ces méthodes, mais elles ont prouvé leur efficacité. Et même si le mésusage demeure, car tout n'est malheureusement pas parfait, il n'en reste pas moins que ce réseau est en alerte constante et que d'autres réseaux ont été mis en place dans d'autres villes.
J'en viens à mes questions.
Ne pensez-vous pas que le dossier pharmaceutique ou le dossier médical personnel (DMP) ne sont d'aucune utilité contre la fraude sociale dans la mesure où les patients ont le droit de cacher des informations ?
Par ailleurs, lors de l'examen des crédits de la santé, un grand débat a eu lieu sur les fraudes commises pas les bénéficiaires de l'aide médicale d'État. En effet, ces patients n'ont pas de carte Vitale et les facturations qui les concernent ne sont pas transmises sous une forme sécurisée. Est-ce que l'ordre des pharmaciens a connaissance de fraudes aux médicaments ? Si oui, les avez-vous évaluées ?