Je vous présenterai aujourd'hui ma feuille de route pour l'année 2011.
On commet souvent l'erreur, quand on arrive dans un nouveau ministère, de faire de grandes déclarations d'intention ; il me semble préférable de prendre le temps d'écouter les uns et les autres pour prendre la dimension de ce ministère particulier.
Au lieu de m'attarder sur le constat, j'aborderai tout de suite les grands chantiers à venir.
Le premier d'entre eux, sur lequel vous vous êtes tous fortement mobilisés, est le droit à la retraite pour les sportifs amateurs de haut niveau. Il s'agit d'un engagement fort et ferme du Président de la République, qui a souhaité qu'un projet de loi soit soumis à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année. L'enjeu est de réparer une injustice en ciblant le dispositif sur les sportifs non professionnels qui ne touchent pas une rémunération suffisante pour valider les trimestres nécessaires pour leur retraite, parce qu'ils sont obligés de s'entraîner énormément – trente heures par semaine pour Thibaut Fauconnet, par exemple – et qu'ils participent à des compétitions. Des disciplines fréquemment médaillées, comme le judo, l'escrime, l'aviron, le canoë-kayak ou l'athlétisme, sont concernées.
J'engagerai d'ici à la fin février une concertation avec le mouvement sportif sur le principe d'une prise en charge de la dépense, non par la sécurité sociale, mais par l'État. Bien évidemment, votre Commission y sera associée.
La situation présente montre les limites ce que l'on appelle le double projet et l'insuffisante insertion professionnelle des sportifs de haut niveau. Afin d'y remédier, Luc Chatel et moi-même avons demandé à une mission conjointe de l'inspection générale de la jeunesse et des sports et de l'inspection générale de l'éducation nationale de nous faire des propositions afin d'améliorer les dispositifs existants en matière d'aménagement de la scolarité et de suivi individualisé dans le secondaire. Par ailleurs, le Président de la République a souhaité que le plan Campus prévoie la réalisation d'équipements sportifs et que l'on renforce les aménagements des cursus universitaires pour les sportifs de haut niveau. Enfin, nous travaillons à une amélioration du contrat d'insertion professionnelle.
L'amélioration de la gouvernance, avec la création d'une « assemblée du sport », constitue ma deuxième priorité. La pratique et le modèle sportifs ont beaucoup évolué au cours des dernières années ; du coup, notre organisation peut paraître désuète. D'où la nécessité d'instituer un lieu de discussion quasi permanent avec les parties prenantes du sport afin, d'une part, de fixer les grandes orientations d'une politique nationale du sport et, d'autre part, de suivre la mise en oeuvre des différentes actions. Y seront représentés non seulement le monde sportif et l'État, mais aussi les collectivités, les élus – c'est pourquoi nous avons souhaité la présence d'au moins six députés –, le monde économique et la société civile : il importe en effet que le tissu associatif soit associé aux réflexions sur des sujets tels que l'insertion dans les quartiers ou l'accessibilité des personnes en situation de handicap aux pratiques sportives.
L'assemblée du sport sera installée d'ici à la fin février, l'objectif étant qu'elle rende ses premières conclusions en juin. Il ne s'agit pas pour autant d'états généraux, puisque cette structure a vocation à se réunir régulièrement afin d'assurer le suivi des décisions. Elle permettra de donner plus de place aux collectivités, qui sont très mal représentées dans les organismes de gouvernance, notamment au sein du Centre national pour le développement du sport (CNDS), alors qu'elles jouent un rôle essentiel en matière de financement et d'intégration sociale.
Ma troisième priorité est de lutter contre les inégalités territoriales. Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir une vision claire de la situation actuelle. C'est pourquoi la direction des sports est en train de réaliser un atlas national, à partir des données du recensement des équipements sportifs. Par ailleurs, afin de mieux connaître les pratiques et les aspirations des sportifs, nous proposons aux collectivités territoriales de dresser des diagnostics, sur le modèle des expérimentations menées en Île-de-France et dans le Nord-Pas-de-Calais. Enfin, nous souhaitons améliorer la coordination et renforcer la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur.
Dans cette perspective, le CNDS joue un rôle fondamental. Il existait auparavant dix-huit à vingt thématiques que les clubs devaient obligatoirement suivre pour obtenir des subventions. Dorénavant, celles-ci seront attribuées à un projet à vocation éducative et sociale. Je suis convaincue que, pour développer le sport pour tous et renforcer la cohésion sociale, il faut s'appuyer sur les clubs. Actuellement, l'État aide, via le CNDS, environ 28 000 clubs et 6 400 comités ; je me suis opposée à un relèvement du seuil de subvention, qui restera de 750 euros au moins jusqu'à 2013 car, si nous le relevions de nouveau, nous exclurions de nombreux clubs ruraux.
Cela ne signifie pas que nous abandonnons les investissements dans les grands équipements. L'adoption de l'amendement Trucy en loi de finances pour 2011 permettra ainsi le financement du plan de construction et de rénovation des stades pour l'Euro 2016 ; par ailleurs, nous nous efforçons de rattraper notre retard en matière d'équipements permettant d'accueillir des compétitions sportives en salle – retard d'autant plus regrettable que nous venons d'assister à une magnifique victoire de nos handballeurs. Sept projets dits « Arena » sont actuellement en cours de réalisation ; le CNDS a dégagé une enveloppe de quelque 10 millions d'euros par an, soit 50 millions sur cinq ans, pour les financer. Plusieurs rapports parlementaires ont réclamé la création d'un label confirmant la dimension internationale ainsi que la viabilité économique de tels équipements ; j'ai décidé de les suivre, mais en étendant ce label à l'ensemble des grands équipements, et non aux seules salles Arena.
Quatrième priorité : l'éthique, avec les problèmes liés au dopage, à la corruption, à la violence dans les stades et aux dérives financières. Dans ce dernier domaine, Michel Platini a fait des propositions concrètes visant à promouvoir le fair-play financier. Nous devons lui apporter notre soutien et examiner la manière d'inciter l'ensemble des disciplines et des fédérations à adopter des mesures d'autorégulation. En particulier, je souhaite encourager les efforts de l'Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP), qui défend le mécanisme de fair-play financier et l'embauche des joueurs formés localement.
S'agissant du dopage, nous avons bien progressé sur le volet de la répression. L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) font un important travail de fond et ont ciblé les sports collectifs. Le drame, ce n'est pas seulement la permanence du dopage, mais c'est surtout le fait que celui-ci touche aussi les milieux amateurs.
Cela signifie qu'il faut concentrer nos efforts sur la prévention. Notre objectif est d'aboutir d'ici au mois de juin à un plan permettant de toucher les sportifs amateurs, qui n'ont pas toujours conscience de s'engager dans la spirale du dopage.
S'agissant des paris en ligne, la loi a permis de clarifier et d'encadrer les choses. En 2010, les paris en ligne ont représenté 450 millions d'euros ; si l'on ajoute les paris dans le réseau, on atteint la somme de 1,5 milliard d'euros. Il faut impérativement prévenir toute tentation de corruption. C'est pourquoi nous avons saisi l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), qui doit nous transmettre ses propositions au mois de mars.
S'agissant des violences dans les stades, le Président de la République a rappelé un principe très simple : mieux vaut un stade à moitié rempli qu'un stade mal rempli. Je soutiens fermement la politique courageuse qu'a engagée, en dépit des pressions, le président du Paris-Saint-Germain ; il n'y a pas à transiger sur le sujet. En matière de prévention, des propositions intéressantes ont été faites dans le cadre des réflexions sur le supportérisme. Nous souhaitons créer un comité du supportérisme, qui définirait une charte et associerait les mouvements de supporteurs à la préparation et à l'organisation des matches.
Ma dernière priorité est le rayonnement international et la crédibilité du sport français. Nous avons essuyé un échec la semaine dernière, puisque l'organisation du championnat du monde de handball en 2015 a été attribuée au Qatar. Cela nous rappelle de mauvais souvenirs, notamment l'échec de nos candidatures à l'organisation des Jeux olympiques de 2008 et de 2012, et cela nous incite à nous interroger sur notre capacité à défendre de telles candidatures – d'autant plus qu'il y a aujourd'hui davantage de candidats qu'auparavant.
Toutefois, ne versons pas dans le catastrophisme ! La France reste très active dans ce domaine : cette année, nous accueillerons les championnats du monde d'haltérophilie, de gymnastique rythmique et de judo, ainsi que les Jeux du Pacifique ; en 2013, ce sera le tour des Jeux de la Francophonie, en 2014, des Jeux équestres mondiaux et, en 2016, de l'Euro de football. Nous sommes en outre candidats à l'organisation de la Ryder Cup en 2018.
Cela étant, il semble que nous n'ayons pas tiré les enseignements de nos échecs antérieurs. D'où le projet de créer un « bureau international », qui prendrait la suite de la cellule, pilotée par Guy Drut, chargée de l'international pour Annecy 2018. Ce bureau aurait pour mission de définir quels types de candidature nous devons présenter, d'organiser un réseau international – sachant que des Français siègent dans plusieurs organisations internationales – et de définir, en liaison avec le ministère des affaires étrangères, une stratégie à l'international.
Quant à la candidature d'Annecy pour les Jeux olympiques d'hiver de 2018, son organisation a été reconfigurée. Un groupement d'intérêt public (GIP) a été créé, avec à sa tête une équipe comprenant un chef d'entreprise, Charles Beigbeder – qui se penchera sur la question des moyens –, ainsi que des sportifs comme Jean-Pierre Vidal – plus particulièrement chargé des volets développement durable et écologie – et Pernilla Wiberg, une très grande championne suédoise – elle a remporté trente-deux titres mondiaux et le titre olympique dans les cinq disciplines de ski ! – qui a décidé de soutenir la candidature française. Le projet dispose d'un budget qui, s'il reste inférieur à celui des autres concurrents, s'élève tout de même à 18 millions d'euros. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas sûre que la France s'honorerait à participer à la course à l'argent entre les candidats.
Il reste que nous avons besoin de quelques moyens supplémentaires. Nous venons d'ores et déjà d'obtenir 1,5 million d'euros supplémentaires, ce qui prouve que notre candidature retrouve une certaine crédibilité.