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Intervention de Alain Juppé

Réunion du 2 février 2011 à 15h00
Débat sur l'otan et les orientations données aux forces armées françaises

Alain Juppé :

Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de me donner l'occasion de participer à ce débat de qualité qui reste pleinement d'actualité. Les principes qui ont été adoptés à Lisbonne les 19 et 20 novembre derniers constituent une feuille de route qu'il va falloir maintenant faire vivre et sur laquelle nous avons beaucoup de travail à accomplir. Nous aurons sans doute l'occasion d'en parler dans diverses circonstances.

Aujourd'hui, je me réjouis d'intervenir devant vous sur l'OTAN et les orientations données aux forces armées françaises. Il ne s'agit pas de brosser un tableau exhaustif de l'état de l'Alliance, mais d'expliquer en quoi les deux derniers sommets, celui de Strasbourg et celui de Lisbonne, changent d'une certaine manière la donne pour nos forces françaises. À cet égard, je tiens à remercier le président de la commission de la défense d'avoir salué le rôle que la France a joué dans le sommet de Lisbonne. Comme il l'a expliqué, cela nous a permis d'assurer une bonne cohérence entre notre vision politique et les choix que nous faisons pour nos armées.

Cela est vrai d'abord sur le plan stratégique. J'en veux pour preuve l'analyse des évolutions de notre environnement de sécurité qui apparaît dans le nouveau concept stratégique adopté à Lisbonne. Cette analyse, qui prend en compte les nouvelles menaces en matière de terrorisme, de prolifération ou de cyberdéfense, rejoint pleinement celle que nous avons faite en 2008 dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

J'en veux aussi pour preuve la définition des missions de l'Alliance. En réaffirmant la responsabilité première de l'OTAN, qui est de protéger et de défendre le territoire et la population de ses pays membres, conformément à l'article 5 du traité de Washington, mais aussi sa vocation à « gérer les crises les plus difficiles » et à « oeuvrer avec d'autres organisations et d'autres pays pour promouvoir la stabilité internationale », le nouveau concept stratégique confie à l'OTAN des missions conformes à celles de nos forces et confirme le niveau de notre ambition.

J'en veux enfin pour preuve les moyens attribués à l'Alliance pour assurer ces missions. Le nouveau concept souligne en effet la détermination des alliés à veiller à ce que le l'OTAN dispose de tout l'éventail des capacités nécessaires, y compris une capacité de défense antimissile balistique. Cette détermination conforte nos propres choix stratégiques.

À Lisbonne, le rôle irremplaçable de la dissuasion nucléaire a été préservé et réaffirmé. Non, monsieur Fabius, nous n'avons pas entériné les décisions de Lisbonne en nous disant que « nous verrions bien » ensuite. Nous avons en effet obtenu des assurances formelles, notamment sur le fait que la défense antimissile n'est en aucune manière un substitut à la dissuasion nucléaire. Vous évoquez l'hypothèse selon laquelle, un jour, un bouclier antimissile rendra inutile la dissuasion nucléaire ; c'est un fantasme que même les Américains ne caressent pas puisque, M. Beaudouin l'a rappelé, dans le cadre du dernier traité START qui vient d'être ratifié par le Congrès, ils n'ont pas renoncé aux 1 500 têtes nucléaires qui assurent leur dissuasion.

Notre position en la matière n'est donc pas négociable. Nos partenaires le savent et l'ont bien compris. D'ailleurs, dans l'entretien que j'ai eu la semaine dernière avec le secrétaire général de l'Alliance, Anders Fogh Rasmussen, j'ai vérifié cette détermination qui nous est commune : il m'a très clairement confirmé sa volonté de rester des plus ferme sur le sujet. Le concept stratégique de l'Alliance prévoit noir sur blanc que la dissuasion reste nucléaire tant qu'il y aura des armes nucléaires sur la planète et tant que la question de la prolifération nucléaire n'aura pas trouvé de solution.

La défense antimissile vient en complément de la dissuasion, la renforce et devient partie intégrante de notre posture générale de défense. Elle est aussi en parfaite cohérence avec les orientations définies par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, aux termes desquelles la France, « dans le cadre de l'Union européenne et de l'Alliance atlantique, [prendrait] part aux efforts collectifs pouvant conduire, à terme, à une capacité de défense active contre les missiles balistiques ».

Cette décision n'est pas le fruit de je ne sais quelle impulsion ; elle figurait bien parmi les orientations stratégiques proposées par le Livre blanc. C'est du reste dans cet esprit que la loi de programmation militaire prévoit le financement d'une capacité autonome d'alerte avancée et d'une capacité autonome de défense antimissile de théâtre destinée à protéger nos forces déployées.

Au-delà de la défense antimissile de théâtre, notre pays prendra sa part à l'effort décidé à Lisbonne pour étendre cette capacité de défense antimissile à la protection des populations, du territoire et des forces de tous les pays européens de l'OTAN. Nous avons cependant veillé – M. Folliot l'a souligné – à ce que seul le système de commandement et de contrôle, qui permettra le raccordement et le fonctionnement au sein d'une architecture intégrée des systèmes d'interception et des capteurs apportés librement par les nations, soit financé en commun, et en aucune manière les dispositifs techniques qui relèveront de l'initiative de chacune des nations concernées, principalement des États-Unis d'Amérique.

Dès 2012, nous contribuerons à ce projet par nos batteries de tir de missiles sol-air moyenne portée terrestres, aptes à traiter des menaces de type courte portée. Au-delà, la contribution française sera conforme à ce que prévoit la programmation militaire, centrée autour de capacités d'alerte avancée, notamment au moyen de satellites et d'un radar longue portée de suivi de trajectoire. Notre participation à la grande aventure de la défense antimissile est un élément essentiel pour nous permettre de « rester dans le coup » en matière d'innovation, de recherche et de technologie, ainsi que M. Beaudouin l'a rappelé.

Le sommet de Lisbonne reprend également, à l'échelle de l'OTAN, la démarche de modernisation et de rationalisation de notre propre outil de défense engagée en 2008. Ce point n'a peut-être pas été suffisamment souligné au cours de la discussion.

Lors de cette rencontre, les alliés ont arrêté un cadre pour la nouvelle structure de commandement de l'OTAN. Avec une diminution importante du nombre de quartiers généraux et une réduction des effectifs de 35 %, soit près de 5 000 postes, voire plus, si nous le pouvons, le système de commandement allié sera plus resserré, plus efficace et moins coûteux. On ne peut pas demander à la fois aux États membres d'adopter des politiques budgétaires rigoureuses et laisser l'Alliance fonctionner de manière laxiste.

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