Monsieur le ministre d'État, la volonté du général de Gaulle de faire sortir la France de l'OTAN en 1966, mais non pas, je le rappelle car on entretient souvent la confusion, de l'Alliance atlantique, répondait à deux ambitions : ne pas s'en remettre à d'autres du soin d'assurer notre défense et ne pas se laisser entraîner par le jeu de systèmes d'alliances croisées dans des conflits qui ne sont pas les nôtres. Le retour de la France dans l'OTAN en 2009 avait, quant à lui, officiellement pour principale justification le renforcement de la défense européenne.
C'est au regard de ces trois enjeux que doit être appréciée, aujourd'hui, la question de notre présence au sein de ce commandement intégré.
D'abord, préservons-nous toujours l'autonomie de notre propre défense ?
Le récent sommet de Lisbonne avait principalement pour objet la définition d'un concept stratégique de l'OTAN qui, à force de vouloir être consensuel, finit par ne plus rien avoir de conceptuel. Cela ne serait pas gênant si notre politique avait eu ces dernières années plus de lisibilité, et pour tout dire, plus de caractère.
Cependant il y a une réserve qui concerne les défenses antimissiles sujet sur lequel se pose dès aujourd'hui les vraies questions.
La première est celle de la compatibilité avec la dissuasion, car ni le territoire sanctuarisé ni les intérêts vitaux n'y ont la même définition. Il s'agit ensuite, de celle de la chaîne de commandement où la place respective des États-Unis et de leurs alliés n'est toujours pas clarifiée. Enfin, pourquoi ne pas avoir fait de ce système une ambition purement européenne qui nous aurait permis de définir un concept commun, éventuellement élargi à nos voisins, et de projeter tant pour notre recherche que pour notre industrie une nouvelle frontière technologique ?
Par ailleurs éviterons-nous ainsi de nous laisser entraîner dans des conflits qui ne seraient pas les nôtres ?
Sans doute était-il conforme à l'esprit de solidarité de l'Alliance que nous nous soyons engagés au lendemain des attentats du 11 septembre. En revanche, aujourd'hui, que signifie notre présence militaire en Afghanistan, dans un conflit qui devrait relever d'abord de la responsabilité des puissances régionales, et où, outre les pertes qui nous touchent directement, les pertes nombreuses infligées aux civils dressent contre nous une part toujours plus nombreuse de la population afghane et souvent de ceux-là mêmes que nous soutenions dans les années 80 ? Il est clair que notre présence militaire devrait être relayée au plus tôt par un effort vraiment significatif de coopération et de développement. Or on peut se demander aujourd'hui si notre retour dans l'OTAN nous permet de nous déterminer librement.
Enfin, avons-nous fait progresser la défense européenne ?
Je sais, monsieur le ministre d'État, quelle est la force de votre engagement pour la construction de l'Europe et je ne doute pas que vous ayez la volonté de faire avancer la défense européenne. Toutefois quelle est votre marge d'initiative ?
En revenant dans l'OTAN, nous avons abandonné la position qui nous permettait de proposer une véritable alternative à nos partenaires. Souvenez-vous, monsieur le ministre d'État, car vous l'avez soutenue, de l'ambition de créer un pilier européen de l'Alliance atlantique. Où en est aujourd'hui ce pilier ? Sur quelles forces comptez-vous vous appuyer ?
J'ajoute que les tensions que subissent aujourd'hui l'ensemble des budgets de défense en Europe nous font craindre que la tentation de s'abriter plus ou moins sous le parapluie américain ne se renforce. L'appartenance à l'OTAN ne peut malheureusement qu'appuyer cette inclination.
Monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, le retour dans l'OTAN ne sert pas la France. Il ne sert pas non plus l'Europe. C'est pour cela que nous devons le remettre en cause.