De plus, la guerre du Golfe avait déjà révélé que des divergences doctrinales ou une interopérabilité insuffisante avec nos alliés pouvait mettre en péril la vie de nos soldats. Le sommet de Strasbourg-Kehl a donc su tirer toutes les conséquences de ces constats, répondant ainsi au voeu de la majorité de nos armées.
L'Alliance atlantique constitue aujourd'hui le cadre de plusieurs de nos opérations extérieures. Je vais les évoquer rapidement. Ce sera aussi pour moi une manière de rendre un hommage fort à nos soldats qui y sont engagés et qui, par leurs capacités professionnelles, démontrent le savoir-faire du soldat français tant dans le combat que dans l'aide apportée aux populations des territoires concernés.
La France participe aujourd'hui à trois opérations majeures aux côtés de l'OTAN : en Afghanistan, avec la force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS ; dans les Balkans, avec l'opération Joint Enterprise ; en Méditerranée, avec l'opération de lutte contre la piraterie Active Endeavour. La France a par ailleurs contribué sur le plan financier à la mission de formation de l'armée irakienne menée par l'OTAN.
Dans les Balkans, l'OTAN conduit actuellement une mission de maintien de la paix au Kosovo et aide les gouvernements de Bosnie-Herzégovine et de Macédoine à restructurer leurs forces armées. Dans ce cadre, la France assure le commandement du bataillon multinational Nord de la KFOR. Elle est, avec près de 800 hommes sur le terrain, le quatrième contributeur de l'opération au Kosovo.
La lutte contre le terrorisme est au coeur de la mission de la FIAS en Afghanistan et de l'opération Active Endeavour en Méditerranée. En Afghanistan, la France est le quatrième contributeur pour ce qui est des troupes, avec près de 4 000 hommes déployés. Une task force du niveau brigade à deux bataillons est présente dans les districts de Surobi et Kapisa, appuyée par un matériel performant comprenant canons Caesar, hélicoptères d'attaque Tigre et véhicules blindés de combat et d'infanterie. De plus, les troupes françaises bénéficient de moyens d'appui aérien à Kandahar et au Tadjikistan. Enfin, dans la perspective de confier à terme la gestion de leur sécurité aux Afghans, la France contribue très largement à la formation de l'armée et de la police afghanes.
Stabilisation aux frontières de l'Union européenne et lutte contre le terrorisme, telles sont les deux missions que notre pays mène aux côtés de nos partenaires de l'OTAN. Je doute que quiconque puisse remettre en cause leur nécessité ou leur légitimité.
S'agissant des conséquences de la réintégration de la France dans la structure militaire intégrée de l'OTAN, hors plan nucléaire, plusieurs craintes avaient été formulées par ses opposants. Toutes se révèlent d'ores et déjà infondées.
Certains redoutaient d'abord une France à l'influence diluée, noyée au milieu de vingt-sept autres États membres, incapable de faire entendre sa voix face aux États-Unis. Or, il faut le rappeler, le retour de la France au sein de l'OTAN s'est fait par la grande porte. En témoignent, pour les plus symboliques, les nominations du général Stoltz au commandement interarmées de l'OTAN à Lisbonne et du général Abrial à la tête du commandement allié Transformation, l'un des deux commandements stratégiques de l'OTAN. Ce dernier poste revêtait une importance toute particulière, à l'heure où s'élaborait la réflexion sur le nouveau concept stratégique de l'OTAN, nous l'avons vu à Lisbonne. Notre pays dispose donc désormais d'une capacité réelle à peser sur les orientations de l'Alliance.
Autre crainte agitée par les opposants à la réintégration, celle relative à notre dissuasion nucléaire. Celle-ci représente « l'assurance-vie de la nation » depuis plus de cinquante ans et a naturellement vocation à le demeurer. Notre attachement à ce socle de notre défense nationale a récemment été illustré en novembre dernier à l'occasion du sommet de l'OTAN de Lisbonne, au cours duquel le Président de la République a fait preuve de fermeté pour réaffirmer et faire admettre à nos partenaires le rôle central que conserve la dissuasion nucléaire et sa complémentarité avec le projet de bouclier anti-missiles. La déclaration finale du sommet affirme explicitement que les États membres de l'Alliance entendent « maintenir une combinaison appropriée de forces conventionnelles, nucléaires et de défense anti-missiles ». Le même texte, comme l'avait souhaité le Président de la République, prévoit que la souveraineté de la France sur sa force de dissuasion nucléaire est totalement garantie. Du reste, si la dissuasion nucléaire était incompatible avec une défense anti-missiles balistique, pourquoi des États nucléaires tels que les États-Unis, la Russie, la Chine ou encore l'Inde seraient-ils intéressés par un tel système ?
La France conservera donc la maîtrise de son arme nucléaire, comme elle conservera sa pleine souveraineté. Les décisions à l'OTAN se prennent à l'unanimité et je rappellerai que l'Allemagne, malgré son attachement historique à l'OTAN, s'est abstenue de participer à la guerre en Irak. Si, au sein de l'OTAN, nous devons naturellement faire preuve de solidarité à l'égard de nos alliés – comme la décision de 1966 ne nous a, du reste, jamais empêchés de le faire –, nous conserverons la maîtrise de nos décisions. J'en veux pour preuve la récente vente à la Russie de deux bâtiments de projection et de commandement de la classe Mistral. Les réticences des États-Unis et des pays baltes ne nous ont pas empêchés de faire aboutir cette coopération sans précédent, qui témoigne, en outre, de notre capacité à jouer le rôle d'intermédiaire entre l'Alliance et la Russie.
De même, s'agissant de notre soutien de principe au projet de défense anti-missiles, notre choix n'a en rien été contraint.
D'abord, notre pays a, de longue date, manifesté son intérêt pour cet outil. Dans son discours de l'île Longue, en janvier 2006, le Président Jacques Chirac déclarait que s'il « ne pouvait être considéré comme un substitut de la dissuasion », il « pouvait la compléter en diminuant nos vulnérabilités ».
Ensuite, la défense anti-missiles représente un réel intérêt pour la sécurité nationale. Dans un contexte où un nombre croissant de puissances cherchent à se doter de missiles balistiques d'une portée suffisante pour leur permettre d'atteindre l'Europe et la France, il importe de se prémunir contre les risques futurs. C'est pourquoi le Livre blanc prévoyait en 2008 que « la France se doterait d'une capacité de détection et d'alerte avancée interopérable avec les moyens de nos alliés et partenaires » et qu'elle « prendrait part aux efforts collectifs pouvant conduire, à terme, à une capacité de défense active contre les missiles ».
La défense anti-missiles balistique représente par ailleurs un enjeu stratégique essentiel : toutes les puissances majeures cherchent à s'en doter. La France, qui a su accompagner toutes les grandes évolutions stratégiques depuis 1945, ne saurait passer à côté d'une telle évolution sans connaître une perte sensible de son influence.
Ce dispositif est aussi un enjeu diplomatique : on constate tout le profit que tirent les États-Unis en proposant à leurs alliés d'en bénéficier. Là non plus, la France ne peut demeurer à l'écart.
Enfin, les conditions dans lesquelles la France a apporté son soutien au projet porté par l'OTAN sont pleinement satisfaisantes. Outre les garanties sur le maintien de notre souveraineté en matière de dissuasion, elle a obtenu, monsieur Fabius, que seul le système de commandement et de contrôle fasse l'objet d'un financement commun, chaque État demeurant responsable des systèmes d'interception et des capteurs qui viendront s'y greffer.
J'ajouterai encore que, compte tenu du savoir-faire français en matière balistique, incomparable en Europe, un tel projet représente une formidable opportunité pour notre recherche et notre industrie de défense car il est susceptible de générer d'importantes retombées économiques et technologiques. Il importera, certes, de faire valoir ce savoir-faire, en particulier dans le cadre de coopérations industrielles européennes, qui pourraient constituer une étape décisive dans la construction d'une industrie de défense européenne. Au contraire, notre refus de participer serait susceptible d'engendrer un retard, non seulement dans le domaine militaire mais aussi dans le domaine civil, et c'est alors que notre dépendance à l'égard des États-Unis s'accroîtrait.
Mais il faudra naturellement demeurer vigilant sur deux points : d'une part, le coût réel, puisqu'il ne faudrait pas nuire à notre effort national de défense par un effet d'éviction sur nos programmes d'équipement ; d'autre part, la question de la maîtrise du système de commandement et de contrôle, en particulier des règles d'engagement, qu'il ne saurait être question de laisser aux seuls États-Unis. Sur ces deux points, monsieur le ministre, je serais heureux d'entendre vos précisions.
Autre crainte, enfin, assez paradoxale, celle voulant que notre réintégration pleine et entière à l'OTAN constitue un frein à la construction de l'Europe de la défense. Compte tenu du fort attachement de la plupart de nos partenaires à l'Alliance atlantique, c'est bien plutôt notre position en marge de l'OTAN qui était susceptible d'entraver la mise en place d'une politique commune de sécurité et de défense et d'une défense commune.
Loin d'être antagonistes, l'OTAN et l'Europe de la défense sont en réalité complémentaires, ce que réaffirme d'ailleurs le nouveau concept stratégique de l'OTAN adopté en novembre dernier. L'Europe de la défense est aujourd'hui sur le point de connaître de nouveaux développements. En témoignent plusieurs signes encourageants enregistrés récemment : le traité de défense commune franco-britannique tout d'abord, puis la lettre de Weimar, signée par les ministres français, allemands et polonais de la défense et des affaires étrangères, et le papier germano-suédois promouvant le pooling and sharing. Cette dernière initiative propose par exemple de mettre en commun les capacités et structures dans les domaines où une coopération renforcée est possible sans créer de trop fortes dépendances, par exemple en matière de transport aérien, voire de partager des capacités dans les domaines où la dépendance mutuelle est acceptable, par exemple en matière d'exercices ou de formation.
Si ces initiatives sont aussi motivées par un contexte budgétaire difficile, il ne fait pas de doute que notre plein retour au sein de l'OTAN a contribué à rassurer nos partenaires, souvent prompts à nous soupçonner d'arrière-pensées dès lors qu'il était question d'Europe de la défense.
Dans un monde où les menaces évoluent rapidement en matière de piraterie, de terrorisme protéiforme et de prolifération nucléaire – à cet égard, permettez-moi d'avoir une pensée pour l'ensemble des otages français privés aujourd'hui de liberté – et qui connaît des mutations brutales – je pense aux secousses politiques que vit actuellement le monde arabe –, la France ne peut agir seule. Son action est amplifiée car elle est pleinement inscrite dans un cadre multilatéral – ONU, OTAN, Union européenne – au sein duquel elle doit être en mesure de peser.
J'ai la conviction que les clarifications opérées ces dernières années ont contribué à renforcer notre poids et qu'elles permettent en conséquence à la France de jouer un rôle encore plus déterminant dans la redéfinition du rôle de l'OTAN, actée lors du sommet de Lisbonne, et dans la relance de l'Europe de la défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)