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Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 2 février 2011 à 15h00
Débat sur l'otan et les orientations données aux forces armées françaises

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Fabius :

C'est excessif, notamment sur le deuxième point, mais cela contient tout de même un petit signal d'alarme. Il y a une raison sans doute pour laquelle les présidents de la République successifs et les majorités successives ne l'ont pas accepté jusqu'au 15 octobre, date d'une visite de M. Rasmussen à la suite de laquelle M. Sarkozy nous annonçait que la France – en tout cas lui-même – avait changé de position.

Il y a des évolutions technologiques, qu'il ne faut pas laisser de côté. En outre, il faut avoir à l'esprit que même si cela peut nous poser un problème, à nous Français, il faut assurer la défense de nos voisins européens, en particulier de nos partenaires de l'ancienne Europe de l'Est. Nous devons garder cela à l'esprit. Pour autant, accepter le principe d'un bouclier antimissile – car c'est une action de principe – dans un document qui fixe le nouveau concept stratégique de l'OTAN pour des années, alors qu'énormément de sujets ne sont pas tranchés, sans vouloir vous choquer, monsieur le ministre d'État, c'est s'engager à la légère.

Pourquoi ? D'abord, parce que personne n'en connaît le coût. La seule chose que l'on sache, c'est qu'en parlant de 100 millions d'euros, nos amis américains ont suscité un énorme éclat de rire de la part des spécialistes – je vois M. Giscard d'Estaing qui approuve –, car cela ne correspond à rien de réel. Il s'agit en fait de milliards et de milliards. Et si l'on pense que ce sont les États-Unis d'Amérique qui paieront, on se paie de mots.

Ensuite, concernant l'aspect industriel, qui fournira les « briques » ? La France, dit-on. Peut-être, mais ce qui sera déterminant, c'est la menace. Or celle-ci n'est pas précisée. On a parlé de l'Iran. Peut-être. Mais quelle est réellement la menace ?

Enfin, et surtout, qui va contrôler et qui va commander ? Je pense n'être démenti par aucun de vous en disant que ce seront les États-Unis d'Amérique. Ce qui signifie, puisque l'on accepte la dissuasion nucléaire avec comme fondement le bouclier antimissile, que le poids de la décision américaine sera beaucoup plus lourd qu'auparavant. Cela n'est pas sans poser une série de problèmes, notamment à la dissuasion française. Que fera le Président de la République, l'actuel ou un de ses successeurs, face à une menace, dans l'hypothèse où il y aura un bouclier antimissile ? Le fondement de notre dissuasion nucléaire, c'est la dissuasion absolue ; il n'y a pas de mesure intermédiaire. Rappelez-vous que c'est pour sortir du concept de la riposte graduée que nous étions sortis de l'OTAN. Or, avec le bouclier antimissile, cette gradation est réintroduite. Ce n'est pas uniquement une affaire de spécialistes, vous le savez tous. Nos amis militaires y réfléchissent et cela leur pose énormément de problèmes. À ces arguments, il est répondu que, pour l'instant, il s'agit d'accepter un concept, on verra ce qu'il adviendra.

Monsieur le ministre d'État, je pense que vous êtes d'accord pour estimer que c'est une acceptation trop rapide. Non seulement vous partagez ce sentiment, mais vous l'avez écrit.

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