Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, en commençant mon intervention – en vous remerciant d'avoir bien voulu accéder à notre demande d'un débat sur l'OTAN et les orientations données aux forces armées françaises –, le mot qui me vient à l'esprit est décalage.
Une partie du décalage se comprend. Notre attention est surtout attirée aujourd'hui par ce qui se passe dans les pays arabes. Bien évidemment, cela n'entre pas directement dans le champ de notre discussion de cet après-midi, mais nous souhaitons – je ne sais si vous pourrez nous donner des assurances sur ce point, monsieur le ministre d'État – qu'il y ait rapidement un débat, ici, dans cette maison sur ces sujets : les pays arabes, les révolutions et l'attitude de la France et de l'Europe.
Ce n'est pas à ce décalage-là que je pense, mais plutôt à celui qui tient à nous-mêmes, plutôt à vous. Vous vous rappelez sans doute qu'il y a de cela près de deux ans, en mars, nous avions discuté de la réintégration dans le commandement militaire de l'OTAN. Nous avions des positions différentes et je me rappelle fort bien, puisque j'étais monté à la tribune au nom de mon groupe, que nous avions demandé au Gouvernement – et j'ai le sentiment qu'il avait accepté, mais peut-être me trompé-je – de faire le bilan de cette réintégration un an après. Nous sommes, malheureusement, plutôt deux ans après, et nous allons le faire, même très rapidement, à l'occasion de cette séance. Toutefois, il faudrait prendre l'habitude, si on le peut, de tenir ses engagements, car cela éviterait ce sentiment de décalage.
Nous avons le même sentiment de décalage, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, par rapport à l'importante réunion qui s'est tenue à Lisbonne, au mois de novembre. Sans doute est-il fort intéressant de parler aujourd'hui de ce qui s'est décidé à Lisbonne, mais il aurait été encore plus intéressant de pouvoir intervenir juste après sur ce sujet ; même chose en ce qui concerne l'Afghanistan.
Le décalage dont je parle est celui qui existe entre les grandes décisions prises par le pouvoir d'État et le rôle que nous devons avoir ici, en qualité de parlementaires de la République. Tout cela pour souhaiter qu'à l'avenir, et compte tenu de l'expérience qui est la vôtre, monsieur le ministre d'État, vous veilliez, si possible avant que de grandes décisions soient prises dans ce domaine qui relève de notre compétence, à ce que nous puissions être saisis.
Je voudrais, comme l'ont fait les collègues avant moi, rendre un double hommage à nos forces armées et à nos diplomates puisque, dans ces domaines, avec bien sûr des conséquences différentes, les uns et les autres appliquent les décisions que nous prenons, que vous prenez. Les forces armées ont à agir dans des conditions extrêmement difficiles, parfois au péril de leur vie, et nous pensons à ceux qui sont tombés, nombreux ; nos diplomates agissent dans des conditions difficiles, surtout dans certains pays. Je pense aussi, comme vous tous aujourd'hui, c'est évident, aux otages, à ceux qui ont été heureusement libérés, mais qui ont été marqués par cette expérience terrible, à ceux qui y ont laissé la vie, aux otages actuels, dont c'est aujourd'hui, pour certains, le quatre centième jour de détention.
Je ne peux, monsieur le ministre d'État, aborder tous les sujets, mais je voudrais formuler trois séries d'observations qui entrent directement dans le thème que nous avons choisi pour notre débat.
Je pensais que vous alliez – mais c'est votre liberté – délivrer votre discours et que nous pourrions ensuite réagir. Les choses sont à l'envers, peu importe ! Mais du même coup, ne m'en veuillez pas si, ne pouvant faire référence au discours que vous allez prononcer dans quelques instants, je me réfère – ce sera un peu plus difficile – à deux discours que vous avez prononcés sur les mêmes sujets, il y a quelques mois, à une époque où, il est vrai, vous n'étiez pas encore au Gouvernement.
Sur la première question centrale, qui est celle de la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré, vous vous souvenez sans doute, mes chers collègues, puisque vous étiez tous présents étant spécialistes du sujet, qu'à l'époque régnait entre nous une opposition ; elle persiste. Nous pensions que cette réintégration, qui rompait à la fois avec la tradition de la France et avec le consensus, n'était pas utile, pas nécessaire et même, à certains égards, dangereuse. Vous, vous nous disiez, « non – c'était plutôt M. le Président Sarkozy qui le disait –, il faut cette réintégration ». Je me rappelle fort bien les deux motifs donnés à l'époque : nous allons avoir plus d'influence au sein de l'OTAN et nous allons pouvoir relancer la défense européenne. C'est sur ces deux points que nous nous opposions terme à terme.
Parmi vous, d'ailleurs – et je ne veux pas jeter le trouble en disant cela –, M. Alain Juppé, avec les compétences qu'on lui connaît, interrogé sur cette question de principe, avait répondu par écrit. À l'écrit on est tout à fait maître de ce que l'on dit, à l'inverse de ce que je suis en train de faire à la tribune. (Sourires.) Dans un texte du mois de juin ou du mois de septembre 2010, M. Juppé se le rappelle en tout cas parfaitement, il disait : « J'ai dit, à l'époque, que je n'étais pas hostile en principe à ce retour,…