…pour entraîner ses partenaires européens dans la construction d'une défense européenne qui donnerait tout son sens à notre union politique.
Permettez-moi, monsieur le ministre d'État, d'attirer votre attention sur un second point, qui porte sur la nécessité de préserver notre influence au sein de l'Alliance. La France a pu obtenir en 2009 deux grands commandements alliés. Il nous faudra veiller à ce que nos idées et notre vision des choses puissent prévaloir dans les années à venir.
Par ailleurs, à l'occasion du sommet, les vingt-huit membres de l'OTAN et leurs alliés ont officiellement annoncé le retrait progressif des forces armées présentes en Afghanistan, ainsi que le lancement du processus de transfert des responsabilités à la police et à l'armée afghanes. Il s'agit là d'une décision politique d'une importance cruciale pour nos forces armées, car elle indique clairement le chemin à suivre.
L'Alliance a une stratégie en Afghanistan. Ceux qui affirment le contraire semblent l'oublier. Les forces françaises mettent en oeuvre la stratégie décidée par les plus hautes autorités de l'État français, et ce de manière tout à fait cohérente avec les décisions prises par l'Alliance, sans perte d'indépendance pour notre pays.
Nous ne pouvons que soutenir un processus par lequel le peuple afghan pourra recouvrer sa souveraineté et surtout devenir maître de son destin. Nous connaissons tous l'importance stratégique de l'Afghanistan. Nous ne pouvons pas imaginer que ce pays puisse redevenir le havre de prospérité pour le terrorisme qu'il a été depuis dix ans. Nous ne pouvons pas baisser les bras dans le combat que nous devons mener contre le terrorisme. La mort de deux de nos compatriotes au Niger, il y a à peine un mois, et l'enlèvement de plusieurs autres Français par des mouvements proches d'Al-Qaida nous donnent une obligation morale, celle de lutter contre le terrorisme, y compris et surtout en Afghanistan. Aujourd'hui, le peuple afghan reconnaît l'apport de la communauté internationale, même si la population afghane a souvent une attitude de défiance face aux puissances étrangères.
Sur la défense antimissile, je note deux aspects qui me semblent très positifs dans les décisions prises à Lisbonne. D'une part, les membres de l'OTAN, partageant le même constat sur les futures menaces balistiques, ont décidé de développer une capacité de défense antimissile. D'autre part, la Russie, qui avait pu craindre que cette défense ne soit tournée contre elle, a pu être rassurée sur les intentions des alliés, notamment sur leur volonté de coopération avec elle. C'est pourquoi le Président russe a annoncé lors du sommet que son pays acceptait de coopérer au projet, sous réserve d'une meilleure compréhension de son contenu. Je considère comme essentiel de veiller à ce que soit maintenu un dialogue permanent et transparent avec la Russie sur ce programme.
La question de savoir si la défense antimissile pourrait affaiblir notre dissuasion mérite aussi d'être posée. Je me rallie bien volontiers au point de vue du Président de la République, qui a rappelé le 15 octobre dernier que ce dispositif constituait « un complément utile à la force de dissuasion ». Nous devons intégrer la possible émergence de pouvoirs caractérisés par une certaine irrationalité. Or, ne l'oublions pas, la dissuasion a été créée pour dissuader des acteurs rationnels.
La question me semble ailleurs : un système de défense antimissile protégeant le territoire européen devra être intégré, compte tenu de la vitesse des missiles. Toute décision devra donc être prise rapidement. L'enjeu essentiel semble, dès lors, résider dans notre capacité à conjuguer l'efficacité opérationnelle et le respect de notre souveraineté par des mécanismes de décision adaptés.
Je suis tout à fait convaincu que notre liberté et notre indépendance seront mieux assurées grâce à un système qui pourrait compléter la défense de théâtre représentée par les systèmes de missiles sol-air nationaux basés à terre ou à bord de nos navires de guerre.
Nous ne pouvons pas prendre le risque que nos forces, tout comme nos populations, soient à l'avenir exposées à une menace balistique. Or nous savons que plusieurs États sont prêts à consentir de gros sacrifices pour accéder aux technologies nécessaires. C'est pourquoi la coopération qui s'annonce au sein de l'Alliance atlantique me semble prometteuse, sous réserve qu'elle ne se résume pas à adopter des standards d'un des pays membres de l'Alliance ou à se fournir en systèmes anti-balistiques auprès de son industrie.
Notre industrie, française et européenne, dispose d'un savoir-faire technologique que nous devons valoriser auprès de nos alliés. Même si les Européens ne peuvent envisager de développer et construire un tel système, il n'y a aucune raison pour que nous ne sachions pas valoriser ce savoir-faire, auprès de nos alliés américains en particulier.
Enfin, les Alliés se sont entendus à Lisbonne pour que l'OTAN procède à une refonte de ses structures, avec une forte baisse des effectifs militaires affectés à l'organisation, ainsi que du nombre de quartiers généraux et des agences existantes, qui seront réduits dans une proportion d'un tiers environ. Il nous faudra être vigilants sur l'avancement des négociations sur ce sujet, afin qu'elles puissent être terminées à l'été 2011, comme prévu. Il me semble normal, en période de crise, que les organisations internationales participent aux efforts de maîtrise des dépenses. L'OTAN dispose aujourd'hui d'une « RGPP » adaptée à ses structures et à ses procédures, il nous faudra maintenir une pression minimum pour que cette modernisation puisse aboutir.
En conclusion, le débat que nous avons aujourd'hui intervient près d'un an après la reprise, par la France, de sa place dans les structures militaires intégrées. Même s'il est encore un peu tôt, sans doute, pour dresser un bilan de cette réintégration – bien que la commission de la défense se soit prêtée à cet exercice –, force est de constater qu'elle a été sans impact, qu'on le veuille ou non, et contrairement à ce qui avait été dit, sur l'indépendance de la politique étrangère de la France, dans le sens où sa marge de manoeuvre est restée entière, avec une politique de défense dont l'autonomie a été entièrement préservée.
Qu'il me soit aussi permis de rappeler que l'Alliance atlantique est une alliance à vocation purement défensive, qu'elle a représenté pendant plus d'un demi-siècle un facteur de paix sur le continent européen et qu'elle est la seule organisation militaire intégrée existant aujourd'hui dans le monde. Son efficacité et son caractère démocratique font que l'Organisation des nations unies s'en remet à elle fréquemment pour mettre en oeuvre ses décisions, afin de maintenir la paix et la sécurité internationale. C'est pourquoi notre gouvernement a eu raison d'approfondir la relation que notre pays entretient aujourd'hui avec cette alliance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(Mme Élisabeth Guigou remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)