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Intervention de Jean-François Colosimo

Réunion du 26 janvier 2011 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-François Colosimo, président du Centre national du livre :

Il ne faudrait pas engager de faux débat entre révolution et évolution. La révolution est du côté de la dématérialisation de l'information, l'évolution est du côté du livre, la lecture constituant une passerelle entre les deux. Notre grand modèle de lecture est hérité du XVIIIe siècle, de l'éducation nationale, de la démocratisation, de l'alphabétisation, la lecture méditative au long cours, en solitaire. Elle est censée construire le for intérieur par l'évasion ou, au contraire, le sens critique, et fonde pour nous une certaine représentation de l'articulation entre le sujet personnel et le sujet « social » - citoyen, civique. Cette lecture-là est menacée. Elle l'est parce que les propositions de livre numérisé faites sur Internet invitent d'une part à une mégamémoire inassimilable d'un point de vue humain, et d'autre part, à une lecture aléatoire rejoignant la lecture « zapping » dominant sur Internet pour d'autres supports que le livre. C'est donc là où l'articulation se révèle difficile, et où le livre numérique constitue une évolution.

L'analogie avec le livre de poche vaut, d'autant plus que s'agissant de la baisse du prix du livre numérisé, le lien entre le livre de poche et le livre numérisé fonctionne à plein. C'est la proximité entre livre de poche et livre numérisé qui ferait que le livre de poche ne souffrirait pas trop du prix plancher du livre numérisé. Cet élément, qui n'a pas été évoqué, est important ; dans le cadre d'une évolution lente et dans l'optique de préserver les métiers, la sauvegarde du livre de poche implique que le prix du livre numérisé soit déterminé aussi par rapport à celui du livre de poche.

On parle souvent du modèle anglo-saxon ou chinois, et pas assez de ce qui se passe en Russie. Aujourd'hui, tous les livres numérisés qui paraissent dans ce pays peuvent être téléchargés gratuitement. Pourquoi ? Parce que les éditeurs en Russie ne paient forfaitairement que le premier tirage ; ils ne rétribuent pas les auteurs sur les tirages suivants, et n'assurent pas d'obligation d'exploitation. De ce fait, il existe un petit marché du livre imprimé qui est sous la maîtrise des éditeurs, à côté duquel les auteurs disposent de la liberté de diffuser leurs oeuvres à titre gratuit. Aussi, depuis deux ans, le marché du livre en Russie enregistre-t-il une baisse de 3 % en raison même de cette absence de solidarité entre les auteurs et les éditeurs qui conduit à une double paupérisation. La question que posent les auteurs est donc non seulement une question de principe, sur le statut de l'auteur, mais aussi une question économique. Si un mécanisme de solidarité n'est pas trouvé entre auteurs et éditeurs, les premiers en souffriront immédiatement, mais les seconds finiront par en souffrir également.

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