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Intervention de Emmanuel de Rengervé

Réunion du 26 janvier 2011 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Emmanuel de Rengervé, délégué général du Syndicat national des auteurs et compositeurs :

Pour certains, le livre numérique constitue une révolution, pour d'autres, il ne représente qu'une évolution. Pour le moment, pour les auteurs, c'est une évolution incontestable. Cela peut devenir une révolution et c'est pour cette raison qu'il faut fixer les règles dès maintenant. Actuellement on ne sait pas ce qu'est l'oeuvre numérique, il s'agit d'une zone de non droit. Le livre numérique ne représente qu'une évolution pour le moment parce qu'il faut reconnaître qu'il n'y a pas de marché, sauf dans quelques secteurs très spécialisés comme celui du livre scientifique et technique. La bande dessinée commence à développer une offre mais elle ne marche pas. Pour l'instant, le livre numérique ne fait donc figure que de produit d'appel pour le livre papier.

Est-il opportun de légiférer aujourd'hui ?

Plusieurs questions ont été abordées : la TVA, le prix unique du livre et les droits d'auteur. Sur les deux premiers points, il y a déjà des initiatives parlementaires, et il est opportun de légiférer.

Sur les droits d'auteur, la situation est moins claire. Le droit d'auteur est d'abord le droit pour les auteurs de vivre de leur métier. La question que l'on doit se poser est de savoir si l'on souhaite encore avoir des auteurs professionnels à échéance de quelques dizaines années ? Si on ne donne pas aux auteurs la possibilité de vivre de ces droits et de l'exploitation de leurs oeuvres, alors il faut peut-être envisager un autre système proche du copyright et du salariat, consistant à payer l'auteur uniquement au stade de la création. On abandonnerait alors tout le système des droits d'auteur hérité du siècle des Lumières. On peut tout envisager juridiquement mais il faut se mettre d'accord sur ce que l'on souhaite.

S'agissant des droits d'auteur dans l'univers numérique, les dispositions relatives au contrat d'édition sont actuellement définies par la loi du 3 mars 1957. Le législateur de l'époque n'avait évidemment pas envisagé la diffusion des oeuvres écrites en mode numérique. Selon la loi actuelle, le rôle de l'éditeur est de fabriquer des exemplaires. Qu'est-ce que cela signifie dans l'univers numérique ?

La loi parle également de diffusion d'exemplaires, de l'épuisement des oeuvres, d'une « exploitation permanente et suivie » du livre physique. Qu'est-ce qu'une « exploitation permanente et suivie » dans le monde numérique ?

La loi dispose également que l'éditeur doit publier l'oeuvre dans la forme qui a été définie par son auteur. Qu'est-ce que cela implique dans le monde numérique ? À titre d'exemple, lorsqu'un auteur de bande dessinée fait une planche, il a un concept de création qui implique un sens de lecture particulier. Est-ce que les cessionnaires de droits des oeuvres numériques, auront la possibilité de faire comme ils le veulent ? La réponse est non.

Les auteurs se demandent comment des solutions pourront être trouvées en partenariat avec les éditeurs. Ils ne refusent pas ce partenariat car ils ont besoin, pour publier leurs oeuvres, des éditeurs avec qui ils souhaitent cependant une véritable négociation. Des discussions ont actuellement lieu entre le Conseil permanent des écrivains (CPE), qui regroupe seize associations professionnelles, et le Syndicat national de l'édition. Elles n'ont pas encore débouché sur une solution satisfaisante. Le ministre de la culture et de la communication a été interrogé par des sénateurs et des députés sur le contrat d'édition et l'évolution du rôle de l'éditeur dans l'univers numérique. Le ministre estime qu'il est prématuré de légiférer, point de vue que nous ne partageons pas, et souhaite donner le temps à la discussion professionnelle de faire évoluer le cadre contractuel collectif des contrats d'édition, afin que soit trouvé un nouvel équilibre dans le respect du concept du droit d'auteur. Nous attendons de voir si les résultats de la négociation seront satisfaisants. À défaut, nous pensons qu'il incombera au législateur de définir des règles équilibrées entre auteurs et éditeurs dans l'univers numérique.

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