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Intervention de Jean-François Colosimo

Réunion du 26 janvier 2011 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-François Colosimo, président du Centre national du livre :

La révolution que vous avez décrite s'articule avec celle, plus vaste, de l'information qui, depuis le passage au numérique et l'apparition d'Internet, se place désormais sous les auspices de la totalité et de l'infini. Nous sommes témoins d'une mutation anthropologique, réalisant une sorte de mythe marqué par la transformation de tout contenu en information, la raréfaction de l'espace et du temps, l'abolition des frontières, l'instauration d'une mégamémoire, la décorporéisation du sujet, l'instantanéité et l'éternisation des données.

Le livre est évidemment affecté par cette révolution globale. Celle-ci met en oeuvre une idéologie révolutionnaire de type utopique, qui suppose l'innocence des acteurs, la gratuité des contenus et la naturalisation des actions présentées comme légitimes. Reste qu'il existe un écart symbolique entre la revendication d'une zone de non-droit et le fait que celle-ci constitue une bulle économique extrêmement financiarisée.

Le livre dispose néanmoins de certains atouts pour limiter cette révolution à une évolution. Les changements qui l'ont affecté ont toujours été très lents. Le passage au codex, qui a permis l'édification du sujet critique tel que nous le reconnaissons, a duré plusieurs siècles. L'avènement de la Galaxie Gutenberg, la naissance d'une industrie de masse puis la démocratisation de l'imprimé ont également demandé beaucoup de temps. Par rapport à d'autres industries culturelles, l'écrit offre l'avantage de laisser se superposer des médias très différents. Non maîtrisée, la numérisation de l'écrit menacerait la première industrie culturelle française, mais celle-ci a su mutualiser ses intérêts et entretenir avec les pouvoirs publics une relation exemplaire dont la loi sur le prix unique a été le grand tournant.

Expert en médiologie, Régis Debray a montré qu'un contenu n'existe pas sans support. Dans le cas du livre, il faut aussi considérer ces tuyaux que sont les bibliothèques et les librairies. La diffusion est non seulement une extension mais une condition de la création et elle détermine in fine son statut. Le marché physique du livre, qui implique une structuration du territoire, de la convivialité et de la culture, doit être notre premier souci, puisque l'apparition du livre numérisé aura un impact considérable sur les librairies et les bibliothèques, au risque d'une certaine destruction de valeur.

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