Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Thomas Piketty

Réunion du 26 janvier 2011 à 10h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Thomas Piketty, professeur à l'école d'économie de Paris :

Mais pour d'autres générations, comme celle des trentenaires, l'héritage ou les donations jouent un rôle essentiel dans l'achat d'un appartement. Il en résulte des taux d'endettement extrêmement différents. Bien sûr, de nombreux facteurs aléatoires doivent également être pris en compte – comme le fait d'avoir acheté ou vendu au bon moment ou au bon endroit – ; ils contribuent à éloigner les revenus du patrimoine de la notion de mérite, contrairement à ceux du travail. Quoi qu'il en soit, le patrimoine net est un indice d'une capacité contributive, mais cela implique de déduire le montant des dettes. De ce point de vue, la taxe foncière, même avec des valeurs cadastrales parfaites, resterait un impôt imparfait.

En ce qui concerne l'évaluation des biens professionnels, je vous invite de nouveau à consulter le site revolutionfiscale.fr pour trouver des éléments détaillés. Pour les obtenir, nous avons croisé de nombreuses sources différentes, ce que n'a pas fait le ministère des finances. Celui-ci abrite certes des personnes admirables, mais on trouve aussi des compétences en d'autres lieux, par exemple à l'étranger ou dans les universités. En outre, les agents du ministère, accaparés par les demandes des cabinets, n'ont pas nécessairement le temps d'effectuer ce type de travail.

Enfin, les chercheurs sont peut-être plus indépendants. Pour notre part, nous avons donc croisé les trois grandes sources fiscales habituelles – déclarations de revenus, de fortune ou de succession – avec les résultats d'enquêtes sur les patrimoines, les données de la Banque de France sur les différents types d'actifs, etc. La confrontation de ces informations permet d'estimer l'ampleur des biens professionnels et les effets de la réduction des niches fiscales ou de l'élargissement de l'assiette de l'impôt sur la fortune. Nous ne prétendons pas que ces estimations soient parfaites, mais elles ont le mérite d'avoir été effectuées de façon transparente.

Tout le monde peut avoir accès aux données, télécharger nos programmes, voire les améliorer. On a le droit de ne pas être d'accord avec nos conclusions, mais à condition de proposer mieux – sinon, c'est un peu facile.

S'agissant de la taxation des revenus du patrimoine, la solution que je défends est une absorption de l'impôt sur le revenu par la CSG. Ainsi, le mode de prélèvement à la source actuellement utilisé pour la CSG remplacerait à la fois le prélèvement libératoire et le barème de l'impôt sur le revenu. Les revenus du patrimoine tels que définis actuellement par l'assiette de la CSG seraient taxés de la même façon, mais avec un barème progressif. Cela me semble être la meilleure solution, car la plus simple. Elle est techniquement réalisable, puisque, depuis deux ans, le prélèvement à la source de la CSG s'applique même aux dividendes. Et elle pourrait devenir une référence pour d'autres pays.

Aujourd'hui, à l'échelle internationale, on n'observe aucune tendance nette en matière de prélèvement libératoire et de taxation des revenus du patrimoine : chaque pays tentant d'inventer une nouvelle solution, les initiatives partent dans toutes les directions. À terme, dans ce domaine, il est évident que les propositions devraient être examinées au niveau européen.

À la limite, on pourrait proposer l'option inverse : un impôt sur le revenu qui absorbe la CSG. En revanche, la voie médiane défendue par Philippe Bruneau me laisse très sceptique. La complexité est certes une source de revenus pour les conseillers fiscaux, et personne ne peut leur reprocher d'en vivre…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion