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Intervention de Xavier Darcos

Réunion du 26 janvier 2011 à 11h00
Commission des affaires étrangères

Xavier Darcos, ambassadeur pour la politique culturelle extérieure de la France :

Mesdames et messieurs les députés, pour avoir voté la loi du 27 juillet 2011 qui l'a créé, vous connaissez déjà les principes sur lesquels s'appuie l'Institut français. Je les rappellerai cependant, avant de faire le point sur la mise en place de l'Institut.

Nous avons commencé à travailler dès le mois de septembre : installation – provisoire –, préparation des décrets, premiers recrutements de responsables, mise en place des dispositifs budgétaires, et enfin négociation avec leurs ministères d'origine des affectations de personnels devant être rattachés à l'Institut. Après avoir ainsi avancé à marche forcée, nous avons réussi à faire publier les décrets dans les temps, le 30 décembre.

Au contraire de l'association Culturesfrance, qui l'a précédé, et dont la tutelle était assurée à la fois par le ministère de affaires étrangères et celui de la culture, l'Institut français est l'opérateur du seul ministère des affaires étrangères et européennes pour ses actions à caractères culturelles. C'est avec ce ministère qu'il définit ses stratégies. Même si le ministère de la culture aura connaissance de notre convention d'objectifs et de moyens, c'est bien le ministère des affaires étrangères qui oriente notre action. Autrement dit, loin de se limiter à l'organisation de déplacements d'artistes, d'écrivains ou de penseurs, l'Institut français a pour mission d'apporter aux stratégies diplomatiques de la France le soutien et les moyens de l'action culturelle.

Le choix des pays cités par le président Poniatowski découle de nos intérêts stratégiques, au sein de l'Union pour la Méditerranée – la Syrie –, dans la région du Golfe persique – le Koweit – , en Asie – l'Inde et Singapour – ou encore en Afrique – le Sénégal ou le Ghana. L'« année du Mexique » nous amènera aussi à nous intéresser à ce pays.

Notre action consiste à essayer de traduire en actes les principes posés par la loi du 27 juillet 2011.

À l'étranger, la France est représentée, selon les cas, par des services culturels, des instituts français, ou encore des organismes de toute nature, dont des alliances françaises. Aussi, le premier principe – c'est la première mission de l'Institut français – à mettre en application consiste à faire en sorte que chaque pays ne comporte plus qu'un seul interlocuteur, un institut français local, regroupant les divers services. L'objectif est d'assurer une meilleure lisibilité de notre action. Comme le prévoit la loi, chacun de ces instituts uniques sera ensuite rattaché à l'Institut français à Paris et deviendra l'une de ses succursales. Cette structure nouvelle est calquée sur celle du British Council.

Dans cinq ans, le président de l'Institut français disposera ainsi d'un outil exceptionnel qui lui permettra depuis Paris de connaître parfaitement la vie de chaque institut et d'être en lien direct avec lui.

Le deuxième principe à mettre en oeuvre consiste en l'installation à Paris d'un opérateur unique. Il regroupe 99 personnes issues de Culturesfrance, une quarantaine venant du ministère des affaires étrangères, dix provenant du ministère de l'éducation nationale et un peu moins du ministère de la culture. L'effectif actuel est d'environ 150 personnes, la loi prévoyant que cette structure parisienne puisse compter jusqu'à 200 équivalents temps plein travaillés (ETPT). En revanche, dans le monde, ce sont environ 6 000 personnes qui ont vocation à être rattachées à l'Institut français.

Le troisième principe à appliquer doit se traduire par l'institution d'une marque unique. Si la dénomination d' « Institut français » – les noms d'Institut Victor Hugo ou Institut Jules Vernes avaient aussi été envisagés – présente l'inconvénient d'être identique à celle de chacun des actuels instituts relevant des postes – le French Institute de New York, par exemple –, elle offre l'avantage d'être non seulement unique, mais aussi claire et lisible. Chaque fois qu'une action culturelle recevra l'aide de l'État français, la seule signalétique en sera celle de l'Institut français. La multiplicité des sigles actuels est illisible pour les étrangers – au reste, dès ma nomination, j'ai été frappé par ce manque de lisibilité.

En 2011, nous allons rattacher directement à l'Institut français l'institut de chacun des treize pays mentionnés par le président Poniatowski. Si l'expérience est concluante, nous continuerons à faire progresser la mise en oeuvre de la loi, jusqu'à l'intégration de la totalité des instituts français dans le monde.

Cette tâche de longue haleine est rendue particulièrement complexe par le large recours, de la part des services culturels sur place, au recrutement sur contrats de droit local. Nous travaillons à remplacer ces contrats par un contrat unique rattachant ces personnels à la maison-mère parisienne, placée sous régime de droit français.

Pour assurer sa crédibilité, l'Institut français a été doté du statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC), ce qui lui donne les compétences nécessaires pour attirer des fonds, solliciter des fondations, mobiliser des aides de toute nature et engager des opérations à caractère commercial.

L'État a également alloué à l'Institut, en loi de finances, un budget annuel – convenable – de 45 millions d'euros environ, sanctuarisé pour une période de trois ans, jusqu'en 2013. Même si quelques gels de crédits sont toujours possibles, c'est pratiquement le double du budget de Culturesfrance, dont les missions, certes un peu moins étendues, étaient largement identiques.

Quels défis se présentent à nous ?

Si, avec 150 instituts français et plus de 1 000 alliances françaises, notre réseau culturel est très visible et partout présent, il est en revanche ancien. Il faut en moderniser le fonctionnement : nous expédions encore des bobines de films ! Prochainement, tous les postes auront accès à une plateforme numérique sur laquelle ils pourront très rapidement récupérer les fichiers numériques des films qu'ils auront choisi de programmer ; la diffusion du cinéma patrimonial – mais non celle du cinéma commercial – entre en effet dans nos missions.

Outre nos outils, nous devons aussi moderniser la formation de nos personnels. La plupart de nos conseillers culturels sont recrutés sur des contrats provisoires à l'issue desquels, ceux d'entre eux qui sont professeurs, par exemple, sont de nouveau affectés, bon gré mal gré, dans des établissements d'enseignement secondaire. En tant que ministre de l'éducation nationale, j'ai eu à gérer leurs frustrations. Nous devons former ces personnels, construire des carrières à leur attention et les accompagner. Parmi nos missions, la loi prévoit la mise en place d'actions de formation initiale et continue, en accord avec les autres acteurs qui peuvent y contribuer, comme les grandes directions du ministère de la culture, que j'ai rencontrées la semaine dernière à cette fin.

La mondialisation rend acharnée la compétition pour les idées et les savoirs, car derrière les idées et les savoirs, il n'y a pas simplement des connaissances objectives, il y a aussi des valeurs, des concepts, des théories du développement ou de l'humain, des idées sur les relations entre l'État laïque et la religion… Moderniser notre réseau, c'est aussi travailler à ne pas nous laisser prendre de vitesse dans une compétition très intense.

Nous devons faire accéder nos artistes, nos penseurs et nos valeurs aux systèmes de communication internationale commandés par la Toile. Or nous en sommes loin. Tous les outils numériques disponibles via Internet sont en effet américains.

La culture doit être analysée non seulement comme une juxtaposition d'actions de caractère artistique mais comme un moyen de défendre les valeurs de la Nation. Pour cette raison, outre le cinéma et la formation du personnel, l'Institut français a reçu une compétence nouvelle : le débat d'idées. Nous avons reçu mission d'aider nos intellectuels et nos artistes à être présents dans les grands think thanks internationaux, à faire traduire leurs ouvrages, à s'exprimer dans le monde, et à diffuser hors de nos frontières les débats qui nous font nous interroger nous-mêmes, bref, à exporter l'intelligence française.

Plusieurs difficultés se présentent à nous.

Elles sont d'abord internes. Un ambassadeur qui apprend que ses services culturels vont être regroupés sous un seul statut, et que le nouvel ensemble sera rattaché directement à l'Institut français à Paris, craint forcément d'être dépossédé d'un partie de son pouvoir. Nous avons donc dû longuement montrer aux responsables de notre diplomatie que l'Institut français n'avait aucune vocation à imposer des règles à tous. Selon les territoires, les pays, les situations, l'action culturelle française est extrêmement diverse : l'ambassadeur restera l'incitateur principal des actions à conduire localement.

Le choix des treize pays de lancement du nouveau dispositif a été fondé d'abord sur le volontariat. Ce sont les ambassadeurs eux-mêmes qui se sont portés candidats. Notre ambassadeur en Inde notamment a souhaité pouvoir participer à ce qui pour lui était une expérience, de façon à en tirer les conclusions.

Nous devons aussi trouver avec les autres acteurs culturels et linguistiques des modes de fonctionnement cohérents. Nous y travaillons aujourd'hui avec les alliances françaises, avec lesquelles nous avons d'excellentes relations. Leurs chefs de délégations ont participé hier à Paris à un colloque sur ces questions. Nous souhaitons en effet qu'elles s'inscrivent autant que possible dans notre logique d'intégration des objectifs communs ; cette intégration devrait prendre forme d'elle-même.

Nous devons aussi aider nos postes à se moderniser. Dans les pays les plus modestes, nombre d'entre eux ne disposent que de bibliothèques vieillottes ou anciennes. Il nous faut créer des réseaux de médiathèques bien connectés, reliées à des banques de données configurées par l'Institut français.

Ces réalisations feront l'objet de conventions. Nous allons en signer une avec les alliances françaises. Nous en signons actuellement une avec Unifrance, pour le cinéma. Pour les relations entre l'économie et la culture, nous nous sommes rapprochés d'Ubifrance. Nous sommes aussi en contact avec le Centre national de la cinématographie et le Centre national du livre. Nous souhaitons élaborer avec l'ensemble de ces acteurs une convention commune sur les objectifs de l'action culturelle française à l'étranger. Chacun admet la nécessité d'une coordination d'ensemble.

Nos objectifs, enfin, sont au nombre de cinq.

Le premier est la professionnalisation du réseau. Il nous faut développer la formation, créer une plateforme professionnelle et offrir un dialogue permanent à nos agents. Nous devons accompagner l'évolution, rapide, des métiers de la diplomatie culturelle.

Le deuxième est le développement de notre rôle de facilitateur de la gestion politique culturelle à l'étranger. Aider à la mutualisation des moyens, faire connaître les bonnes pratiques, aider à construire des images et des projets, voilà autant de tâches qui relèvent de notre mission. Nous devons surtout mettre en place des indicateurs de performances et de résultats. Faute d'évaluation, la qualité, pourtant réelle, des actions menées est très difficile à prouver.

Notre troisième objectif est le développement de projets emblématiques communs. À la plateforme de téléchargement de films « Univerciné » va s'ajouter un projet commun de bibliothèques numériques, Culturethèque.

Nous rapprocher des collectivités territoriales est notre quatrième objectif. Dans les grandes villes et les régions, les projets sont légion, qui bénéficient de moyens très substantiels. Des fédérations de projets autour de thèmes, en fonction des années, doivent être possibles? Nous avons déjà ouvert des discussions avec les représentants des collectivités, notamment ceux des régions et des départements. Je suis néanmoins conscient que les collectivités s'administrent librement.

Nous devons aussi nous tourner vers L'Union européenne – c'est notre cinquième objectif. Alors que nous partageons désormais des consulats, avec l'Allemagne par exemple, il serait étrange que nous ne puissions pas mettre en oeuvre quelques projets stratégiques communs porteurs de valeurs européennes, par exemple dans les pays du Golfe, sachant que nous conduisons nombre d'actions à Abu Dhabi ou au Koweit.

Enfin, je regrette que la loi n'ait pas mieux organisé nos relations avec l'audiovisuel extérieur, auquel beaucoup de moyens sont consacrés. Quelle que soit la qualité de nos relations avec France 24 et TV5, elles ne sont pas institutionnelles. Nous souhaitons pouvoir avancer, au moins avec TV5, sur la diffusion du module d'enseignement du français que nous avons élaboré. Nous n'allons tout de même pas devoir recourir à de nouveaux canaux audiovisuels !

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