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Intervention de Marie-Ève Joël

Réunion du 26 janvier 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Marie-Ève Joël, économiste, professeure à l'université de Paris-Dauphine, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale pour la solidarité et l'autonomie, CNSA :

Je commencerai par l'aspect sémantique de la dépendance. On parle en effet aujourd'hui, à juste titre, de soins de longue durée, « long term care », expression qui s'attache non pas à une caractéristique individuelle mais à un secteur producteur d'un certain type de services. Complexes, à la fois médicaux et sociaux, de longue durée, plus ou moins efficaces, ils s'adressent à des personnes qui souffrent de certaines incapacités.

Nous devons surtout nous intéresser aux causes de ces incapacités : la maladie bien sûr, sachant qu'une pathologie en voie de guérison peut en cacher une autre, mais aussi l'environnement, en particulier le manque d'aménagement du domicile où, selon l'enquête Handicaps, incapacités, dépendance, de nombreuses pièces sont inaccessibles. Au lieu d'investir dans les EHPAD, pourquoi la collectivité ne consacrerait-elle pas 20 à 30 000 euros à aménager chaque logement ?

L'espace public est un autre élément de l'environnement : j'ai parlé de l'installation de bancs pour inciter les personnes à sortir davantage. La mise à disposition de services de soins de long terme est également importante : la difficulté de trouver une infirmière le dimanche en grande banlieue ne peut que conduire à se tourner vers l'hôpital.

Les innovations technologiques et techniques peuvent aussi être sources de difficultés pour certaines personnes : certes, la carte bleue facilite notre vie, mais pour quelqu'un qui ne mémorise plus son code, c'est bien plus compliqué… De la sorte, les innovations deviennent parfois des obstacles pour les populations fragiles.

Nombre de personnes sont hébergées en raison de leur incapacité non pas physique ou psychique mais « économico-administrative » dans leur vie courante, pour leurs démarches administratives face aux assureurs ou aux services fiscaux par exemple. Pourquoi ne pas s'inspirer de cette association qui envoie des retraités des impôts et de la banque aider à régler ces problèmes au domicile des intéressés ?

On le voit, la complexité de notre environnement favorise la perte d'autonomie. C'est donc à la collectivité d'intervenir de façon rapide et efficace.

Faire la part de ce qui relève de la solidarité familiale et de la solidarité publique est au coeur du débat. Cette distinction n'est pas facile et ne saurait se prêter à la démagogie. En Allemagne, la solidarité publique prend en charge une sorte de « panier de services » et l'on décide, de façon un peu brutale, de qui bénéficiera à ce titre d'une allocation. Je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure solution.

Pour notre part, je crois que nous devons regarder de façon beaucoup plus positive le fait que nos concitoyens acceptent de verser des sommes considérables pour la solidarité, sous forme de cotisations et d'impôts.

Notre vision des familles est elle aussi trop souvent négative. Les aidants ne demandent pas que l'on reconnaisse leur souffrance, mais tout simplement de pouvoir gérer la situation.

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