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Intervention de Françoise Forette

Réunion du 26 janvier 2011 à 10h00
Commission des affaires sociales

Françoise Forette, professeure de médecine interne et de gériatrie à l'université de Paris V :

Je partage totalement les revendications sémantiques de mon ami Bernard Ennuyer. Le mot « dépendance » n'est employé qu'en France : ailleurs, on parle de besoin de soins ou d'aide de longue durée. Cela étant dit, dans la mesure où un grand chantier est ouvert, nous sommes obligés de parler de dépendance, même si ce terme est discriminant.

Je soutiens également ses revendications quant à la discrimination par l'âge, qu'il faut absolument faire disparaître : aucune barrière d'âge ne devrait exister, ni à l'entrée à l'université, ni dans l'industrie ou ailleurs. Cette notion est obsolète : c'est la compétence des gens qui compte !

Je ne partage pas le pessimisme ambiant quant au coût prétendument faramineux de la dépendance. On compte environ un million de personnes dépendantes en France et leur pourcentage est faible : 7 % des plus de 60 ans ; moins de 20 % entre 80 et 90 ans, un peu plus après 90 ans. Les personnes de plus de 90 ans, dont le nombre augmente à la faveur de l'extraordinaire progression de la longévité, ne seront donc pas toutes dépendantes à l'avenir.

Parmi les systèmes étrangers, l'assurance dépendance au Japon est très intéressante, si ce n'est que les Japonais ne commencent à cotiser qu'à 40 ans, erreur fondamentale qu'ils vont certainement corriger.

Sachant qu'en France, 26 millions de personnes travaillent et que 14 millions de retraités devraient cotiser comme les autres, le rapport entre cotisants et bénéficiaires est extraordinairement favorable : un sur quarante contre un sur quatre et bientôt un pour trois pour les retraites, dont la situation est donc bien plus préoccupante.

La dépendance sera d'autant moins un problème que nous mènerons en la matière la politique de prévention qui fait aujourd'hui cruellement défaut. En effet, la dépendance est toujours liée à une maladie invalidante et la majorité des maladies liées à l'âge peuvent être prévenues, car elles dépendent de facteurs de risques parfaitement maîtrisables. Ainsi, le traitement de l'hypertension artérielle, même après 80 ans, réduit de 40 % l'incidence des accidents vasculaires cérébraux qui sont une source importante de dépendance. Il faut développer une conscience préventive dans toutes les couches et à tous les âges de la population : c'est avant 20 ans que l'on constitue son capital osseux pour prévenir l'ostéoporose, ou que l'on se fabrique de bonnes artères coronaires pour éviter un infarctus du myocarde à 50 ou 60 ans. Qui plus est, la prévention n'est pas onéreuse : elle repose essentiellement sur un style de vie – bonne nutrition, activité physique, activité intellectuelle prolongée – et non sur la prise de médicaments qui représente un coût. Selon moi, des actions de prévention – et nous avons des projets de recherche dans ce domaine – doivent être menées en entreprise : qui a envie, le soir à la maison ou le week-end, de chercher des conseils de prévention ou de consulter le site, pourtant remarquable, de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) ? C'est donc en entreprise qu'il faut combattre l'inégalité majeure devant le vieillissement qui fait qu'à 35 ans, un cadre peut espérer vivre sept ans de plus qu'un ouvrier – 46 ans contre 39 !

Je nuancerai toutefois mon propos dans la mesure où 70 % des causes de la dépendance sont liées à la maladie d'Alzheimer et aux maladies apparentées : 72 % des demandes d'APA concernent cette population. Nous essayons d'avancer, mais il n'y a pour l'heure ni prévention efficace ni traitement. À cet égard, je tiens à saluer le plan Alzheimer promu par le Président de la République, car des progrès dans ce domaine permettront une prévention efficace de la dépendance. Les solutions viendront d'une équipe de recherche ou d'une autre dans le monde. Ces efforts peuvent couper court à tous les problèmes de la dépendance. En effet, les projections pour 2050 sont totalement erronées : envisager 80 millions de personnes atteintes – contre 40 millions actuellement – c'est faire de peu de cas du progrès médical, il n'est qu'à regarder les progrès enregistrés depuis 1950 pour s'en persuader !

Comme l'ont montré des travaux de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), la diminution de la dépendance observée entre 1990 et 1999 a été bien supérieure à la diminution attendue. Autrement dit, les efforts de prévention permettent de diminuer la dépendance dans chaque classe d'âge. Ne baissons pas les bras : la prévention est le vrai traitement de la dépendance.

Pour terminer, un facteur d'espoir : si, jusqu'à présent, la science du vieillissement était peu développée dans notre pays, un des candidats aux futurs instituts hospitalo-universitaires (IHU), financés par le grand emprunt, a choisi comme thème le vieillissement et la prévention de la dépendance.

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