Je vous prie d'excuser le président de l'UNCCAS, M. Patrick Kanner, qui m'a chargée de le représenter, en tant que vice-présidente chargée du dossier des personnes âgées et des personnes handicapées.
L'UNCCAS est une très vieille dame, née en 1926, mais toujours dynamique. Structurée en délégations départementales, elle représente 43 millions de citoyens. Son réseau est également ouvert sur l'Europe, puisqu'elle est à l'origine de la création du réseau ELISAN (European Local Inclusion and Social Action Network).
Le budget consolidé de l'ensemble des centres communaux d'action sociale atteint environ 2,6 milliards d'euros. Les adhérents de l'UNCCAS servent 80 millions de repas à domicile, assure 25 millions d'heures de prestations d'aide à domicile et gère environ 70 % des foyers-logements.
En ce qui concerne la réforme, ils ont adopté une position un peu particulière, même si leurs propositions recoupent parfois celles du GR 31, un regroupement de 31 associations et partenaires qui réfléchissent sur la question de la dépendance.
M. Balmary a fait état du vieillissement de la population et du nombre croissant des personnes handicapées. Je tiens, pour ma part, à insister sur l'épuisement des aidants familiaux : sur 4 millions, 6 sur 10 sont des femmes et plus de la moitié a plus de 80 ans !
La façon dont on répond actuellement à la dépendance n'est pas exempte de critiques.
En premier lieu, la barrière de l'âge est devenue incohérente. Par exemple, une personne de moins de 60 ans atteinte de la maladie d'Alzheimer, considérée comme personne handicapée, bénéficiera à ce titre de certaines prestations. Toutefois, après 60 ans, cette même personne, toujours malade, verra certaines de ses aides diminuer de façon très substantielle.
En deuxième lieu, il est anormal que les conditions et les modalités d'attribution de l'APA et celles de la prestation de compensation du handicap (PCH) soient différentes, en particulier en ce qui concerne la prise en compte des ressources et la possibilité de récupération sur succession.
En troisième lieu, le financement de l'APA est très insuffisant et inéquitable. Selon les départements, son montant varie : il est en moyenne de 432 euros dans la Drôme, contre 530 euros dans le Territoire de Belfort. Les plafonds varient aussi, tout comme le financement des GIR 2 et 3 ou le reste à charge : par exemple, pour l'aide à domicile, le reste à charge peut aller de 88 euros à 140 ou 150 euros, et ce pour des situations identiques.
Enfin, les équipements sont eux-mêmes insuffisants. Les plans Solidarité Grand Âge et le plan Alzheimer prévoyaient bien des créations de lits, mais sans aucun rapport avec les besoins. La Cour des comptes a d'ailleurs relevé que les besoins de financement du plan Solidarité Grand Âge ont été sous-évalués. Alors que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) pour 2011 aurait dû augmenter de 7 %, il ne progressera que de 4,5 %. Dans ces conditions, il est évident que nous allons être confrontés à des difficultés.
Face à de telles carences, les centres communaux ont adopté une position un peu particulière. Il faut dire, d'une part, que nous gérons des populations aux faibles ressources, souvent isolées, avec des ruptures d'accès aux droits et des parcours de vie chaotiques et, d'autre part, que nous employons dans nos établissements des personnels dont la situation est bien spécifique. Ainsi, la filière médicosociale, qui date de 1995, est moins attractive que les filières hospitalières. Cette filière ayant été mise en place à un moment où l'on gérait essentiellement des foyers-logements, il en résulte que les statuts des infirmières – lesquelles doivent passer les concours administratifs de la fonction publique territoriale –, des aides soignantes et, surtout, des personnels techniques ne prennent pas suffisamment en compte les horaires de travail – 24 heures sur 24 et le week-end. Outre que le système des primes est différent de celui de la filière hospitalière, les nouveaux métiers ne sont pas pris en compte dans la filière médicosociale. Il faut donc harmoniser les statuts, revaloriser la filière et renforcer les possibilités de validation des acquis de l'expérience.
Dans le domaine de l'aide à domicile, nous sommes à la fois gestionnaires – en général, de petits services – et financeurs, dans la mesure où nous accordons souvent des subventions d'équilibre aux services gérés par des associations. Nous souhaitons donc appeler votre attention sur les conséquences de la suppression des exonérations de charges sur les services à la personne. Dans mon propre service, cette suppression se traduira par une augmentation de notre budget de l'ordre de 300 000 euros, qu'il faudra bien assumer. Étant donné le risque d'augmentation du coût de l'heure d'intervention à domicile, l'Assemblée des départements de France (ADF) a donc lancé une réflexion sur la mutualisation des services et sur une nouvelle logique de tarification de l'aide à domicile
La gestion de nos nombreux foyers-logements – 70 % des 2 300 foyers-logements du territoire national – nous préoccupe également.
D'une part, ces structures réclament des travaux de réhabilitation et de mise aux normes, que nous avons du mal à financer : les primes à l'amélioration des logements à usage locatif (PALULOS) ont été supprimés et la CNSA ne prend pas en compte la modernisation des foyers-logements. Nous allons devoir lancer une concertation sur ce thème.
D'autre part, bien que relativement valides, les personnes qui rentrent dans les foyers-logements avancent en âge. Elles bénéficiaient jusqu'à présent d'un forfait de soins courants, permettant l'intervention de personnel infirmier, prise en charge par la sécurité sociale ou la caisse de retraite. Or, ce forfait de soins courants a disparu et n'a pas encore été remplacé par le « forfait autonomie », dont la mise en place est à l'étude depuis 2008. Il faudra très rapidement se pencher sur celui-ci, sinon, nous risquons, sur le plan financier, de nous trouver dans une complète illégalité.
Il conviendra enfin de réfléchir au financement des soins en établissement. Le soin est financé comme dans les hôpitaux : n'est financé pour ce soin que le personnel effectuant celui-ci, les charges de structures – comptabilité, gestion…– étant réparties sur l'hébergement ou sur la dépendance. Cette situation n'est pas très équitable : mieux vaudrait répartir l'ensemble des charges de structures sur les trois budgets. Je précise que le même raisonnement peut s'appliquer aux amortissements – grosses réparations ou investissements – qui ne pèsent aujourd'hui que sur l'hébergement et la dépendance.
J'en viens à nos propositions en matière de droit à l'autonomie. Certaines d'entre elles reprennent celles que viens d'avancer le président de l'UNIOPSS. De fait, nous avons travaillé ensemble, dans le cadre du GR 31, sur la politique de prévention, qu'il s'agisse de la prévention des accidents de la vie courante ou encore du dépistage de la maladie d'Alzheimer.
Nous devons faire en sorte que tous les professionnels, aussi bien du monde de la santé que du monde médicosocial, travaillent en concertation sur le processus d'accompagnement de la personne âgée tout au long de son parcours de vie, du domicile à l'établissement.
Nous souhaitons défendre le droit universel à l'aide à l'autonomie, le libre choix de la personne, le soutien aux aidants et le financement de cette prestation, tout en proposant aux intéressés une réponse individualisée, susceptible de compenser la perte de leur autonomie dans tous les actes de la vie quotidienne.
L'UNCCAS considère que ce droit à l'autonomie doit reposer sur la solidarité nationale. Selon nous, il faut réfléchir au moyen de financer tout de suite la dépendance qui touche déjà de très nombreuses personnes. Toutefois, il faut aussi réfléchir, à long terme, à la construction d'un cinquième risque, financé de manière pérenne par une cotisation assise sur les revenus – qu'elles proviennent du travail ou du capital – et étalée dans le temps sur un nombre d'années suffisant pour permettre une réelle garantie, comme on l'a fait pour l'assurance maladie. Pour ceux qui n'auraient pas été en capacité de travailler ou qui auraient eu des parcours chaotiques, une « CMU dépendance » devrait être mise en place. Le pic de croissance du nombre des personnes âgées dépendantes étant attendu dans les années 2030, nous devons y réfléchir dès maintenant.
Pour faire face rapidement à la grande dépendance actuelle, nous ne sommes pas forcément hostiles à un éventuel recours partiel à l'assurance, à condition que soit préalablement mis en place un panier global de services dont pourrait bénéficier l'ensemble de la population et qui serait financé par la solidarité nationale.
Comment financer ce panier de services ? Plusieurs pistes ont déjà été évoquées, telles que la mobilisation d'une seconde journée de solidarité, la majoration du taux de CSG, le relèvement des droits de succession, la suppression du bouclier fiscal, l'institution d'une taxe sur le revenu du capital ou la mise en place d'une TVA sociale. Nous aborderons le sujet au sein de notre conseil d'administration, mais je peux d'ores et déjà vous indiquer que nous ne saurions cautionner des propositions de financement reposant sur le recours sur succession ou sur le viager. De telles solutions risquent, en effet, d'avoir un effet dissuasif et d'aboutir à une prise en charge à deux vitesses, ce qui serait inacceptable. Souvenez-vous de ce qui s'était passé avec la prestation spécifique dépendance (PSD) : la moitié des personnes dépendantes, qui en avaient pourtant besoin et remplissaient le conditions pour l'obtenir, ne l'avait pas demandée.
En dernier lieu, nous sommes très favorables à ce que la CNSA se voit confier un rôle pivot dans la gouvernance du dossier de la dépendance. Les agences régionales de santé pourraient assurer le financement des établissements et services sociaux et médicosociaux. Et sur le plan local, une caisse d'assurance « autonomie » permettrait un accès aux droits, s'agissant des prestations que nous souhaiterions mettre en place à long terme.