Les tensions au sein de la filière nucléaire dépassent largement le cadre de la gestion des déchets. Elles concernent le groupe Areva, la loi NOME et l'exportation.
Concernant le groupe Areva, sa création en 2001 visait à constituer une entreprise compétitive au niveau international, en regroupant les compétences de service de l'industrie nucléaire française. Force est de constater que les efforts d'Anne Lauvergeon ont permis de concrétiser cet objectif en faisant du groupe Areva le leader mondial de son secteur. Pourtant, les rumeurs de son départ reviennent sans cesse et le groupe Areva fait l'objet d'annonces répétées de restructuration. Nous tenons à dire ici, haut et fort, que le remplacement d'Anne Lauvergeon serait contre-productif et un regroupement différent des activités de la filière un frein, plutôt qu'une aide, au développement international. De plus, ces changements n'aideraient, en rien, à résoudre des problèmes d'EDF, comme la faiblesse du coefficient d'utilisation du parc nucléaire, ou les retards de construction de l'European Pressurized Reactor (EPR) de Flamanville.
Concernant la loi NOME, elle s'appuie sur un modèle inadapté, celui d'activités dépendant d'un réseau dont le coût d'utilisation se limite essentiellement aux frais de maintenance, comme pour les télécoms, le gaz ou l'électricité. Ce schéma s'avère inadapté, car il ouvre la porte de l'offre électronucléaire à des “passagers clandestins”, qui profiteraient des bas coûts de la production nucléaire, sans supporter les contreparties en termes d'engagement de responsabilité. Nous opposons à ce modèle celui des pays du Nord de l'Europe, comme les consortiums finlandais (Fortum, TVO, Fennovoima), au sein desquels des entreprises se regroupent, pour investir conjointement dans la construction des centrales nucléaires, et se partager ensuite les parts de production. Ce modèle peut rendre compatible un “accès” à l'offre électronucléaire, et une tarification favorable au consommateur.
Le dernier point de tension a été mis en évidence par la perte du marché d'Abou Dhabi. Il s'agit du manque de coordination de l'offre nucléaire française à l'étranger. Mais la très grande diversité des attentes des clients internationaux, incluant des pays primo-accédants, des pays déjà équipés et des opérateurs, pour certains concurrents d'EDF, s'oppose à la mise en place d'une offre monolithique, d'où l'intérêt de maintenir l'autonomie des différents acteurs de notre filière nucléaire, notamment celle d'Areva vis-à-vis d'EDF. La qualité de l'offre française doit reposer sur une cohésion plurielle et non sur une offre monopolistique. A cet égard, nous suggérons notamment de renforcer la structure créée en 2008 par le CEA : l'Agence France Nucléaire Internationale (AFNI) qui a été conçue pour combiner au mieux les efforts à conduire simultanément dans les domaines de l'investissement, de la sûreté et de la formation pour établir un « système » nucléaire. A ce sujet, j'ajoute qu'il conviendrait d'avancer très vite sur la normalisation internationale en matière de sûreté des centrales nucléaires. En effet, La France n'est pas, pour l'instant, à égalité avec des pays tels que la Corée, moins exigeants en ce domaine.