Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Francine Mariani-Ducray

Réunion du 19 janvier 2011 à 10h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Francine Mariani-Ducray, présidente du Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques :

Je vous parlerai du rôle actuel du Conseil des ventes, de l'avancée que constitue la transposition de la directive « services » et des dispositions propres au marché français figurant dans la proposition de loi en cours d'examen.

Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques a été créé par la loi n° 2000-642 du 10 juillet 2000 qui a mis fin au monopole historique, de plus de cinq cents ans, des commissaires-priseurs français et qui a ainsi complètement modifié le secteur des ventes publiques et par là même la structure du marché de l'art en France.

Le rôle du Conseil consiste à contrôler et à accompagner l'accès des opérateurs du marché des ventes volontaires au statut, aujourd'hui, de société de ventes volontaires et, demain, d'opérateur de ventes volontaires. Les formes juridiques seront alors beaucoup plus libres qu'actuellement. Nous passerons du régime de l'agrément à celui du récépissé de simple déclaration, c'est-à-dire du contrôle a priori, en pratique assez léger, à un système de veille sur le marché afin que le maximum d'opérateurs se trouve placé dans des conditions de saine concurrence.

Le Conseil conservera à la fois son rôle administratif et disciplinaire : la capacité de sanctionner les comportements contraires à la réglementation demeurera. Le nombre de décisions disciplinaires est, heureusement, extrêmement faible chaque année, car il existe bien d'autres manières d'agir. Mais il arrive aussi au Conseil, lorsque les démarches amiables sont inefficaces, de porter certaines affaires devant le juge, notamment lorsqu'il constate que des sociétés de ventes volontaires ne répondent pas à l'ensemble des exigences de qualification, compte tenu du rôle essentiel dévolu au commissaire-priseur.

Avec la Chambre nationale des commissaires priseurs judiciaires, le Conseil participe par ailleurs à la formation des commissaires-priseurs. Il exerce enfin un rôle d'observation du marché afin d'en appréhender les éléments constitutifs, le marché des enchères étant en permanence en interaction avec le marché de l'art au sens le plus large.

La vente volontaire aux enchères est une forme de commerce qui ne vaut pas seulement pour les objets d'art et de collection mais aussi, aujourd'hui, pour l'ensemble des biens d'occasion, et qui vaudra demain également pour les biens neufs. Parmi les biens adjugés, plus de la moitié concerne l'art au sens large, mais une autre partie porte sur des objets industriels tels que les automobiles d'occasion, et même sur des bêtes – les ventes de chevaux ont beaucoup augmenté au cours des dernières années.

La présence, au sein du Conseil des ventes, de professionnels du marché de l'art est un élément précieux de sa composition. Elle pose cependant un problème au regard du droit européen et des droits de la défense entendus au sens large. Mais, à titre personnel, je me réjouis que la Commission des lois de l'Assemblée nationale soit parvenue à trouver une formule maintenant un Conseil qui, dans sa formation plénière, comporte des professionnels, y compris en activité, qu'il s'agisse de marchands ou de commissaires priseurs. Sans eux, nous ne pourrions avoir de débats éclairés sur les questions qui se posent dans le marché de l'art. Il est en revanche normal que, dans sa formation disciplinaire, le Conseil ne compte pas de professionnels. On conciliera ainsi les principes du droit européen et du droit français avec la nécessaire coopération entre personnes ne provenant pas du monde de l'économie et personnes insérées dans l'économie culturelle, secteur particulièrement complexe.

L'adoption de la proposition de loi me paraît urgente dans la mesure où elle vise à transposer, avec déjà un retard de plus d'un an, la directive européenne et à améliorer le dynamisme potentiel des entreprises françaises en facilitant la diversité des formes commerciales et les choix d'activités. J'ajoute que si les ventes de gré à gré figurent désormais au nombre des activités ouvertes aux maisons de ventes aux enchères publiques volontaires, il ne sera pas pour autant interdit aux marchands de gré à gré de s'engager dans les activités d'enchères publiques s'ils y voient un intérêt. Le décloisonnement des activités doit s'entendre dans les deux sens. Les stratégies d'entreprises pourront ainsi évoluer dans un contexte plus équitable.

Sans redonner les chiffres qui figurent dans le rapport annuel du Conseil pour 2009, je rappelle que le volume global des adjudications est de l'ordre de 2,2 milliards d'euros annuellement, dont plus de la moitié concerne les objets d'art. Depuis deux ans, nous procédons aussi, grâce aux éléments que nous rassemblons, à l'analyse du marché mondial des ventes aux enchères. Nous avons ainsi, l'année dernière, identifié environ 11 000 sociétés de ventes dans le monde exerçant des métiers très proches de ceux pratiqués par les sociétés françaises, dont 3 200 oeuvrant sur le marché de l'art.

Les dix sociétés qui ont eu le plus fort volume d'activité en 2009 ont déjà publié leurs chiffres pour 2010. On relève que leur volume d'adjudication a été de 676 millions d'euros. À le comparer aux 708 millions d'euros enregistrés lors du pic d'activité de 2007, la crise semble en voie d'être effacée.

Plus généralement, le déclin du marché français de l'art ne me paraît pas inéluctable. La France a des atouts considérables et un marché de l'art dynamique. Je citerai en premier lieu une concentration de savoirs impressionnante. Le lien interactif puissant et fructueux entre les institutions publiques patrimoniales et les acteurs du monde artistique est un autre facteur déterminant, et la diversité des acteurs un élément constructif. L'ouverture engagée par la loi du 10 juillet 2000, qui va se poursuivre avec la transposition de la directive, a eu un effet positif. La vente de la collection Bergé - Saint Laurent, comme certaines ventes aux enchères intervenues en 2010 au cours desquelles des records mondiaux ont été atteints, montrent qu'une préparation bien conduite porte ses fruits, et il n'y a aucune raison que ce marché ne se développe pas en France comme ailleurs. Enfin, l'immense richesse du patrimoine mobilier français est un autre de nos atouts ; toutefois, ce patrimoine s'exporte plus qu'il ne s'importe.

Je tiens que la France peut être un lieu majeur d'échanges commerciaux dans le domaine de l'art, un marché de premières ventes et de découverte des artistes contemporains aussi bien qu'un marché portant sur le patrimoine plus ancien. Alors que la mondialisation se renforce et que de nouveaux acteurs apparaissent, la révision de la législation me semble avoir des effets constructifs pour le marché français de l'art, pour lequel le pessimisme ne me paraît pas de mise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion