Les travaux de la mission d'information, notamment, ont permis de dégager trois conclusions qui ont servi de guides à cette commission spéciale. Premièrement, nous devons avoir pour objectif de respecter la dignité humaine sans entraver la recherche médicale, et cela apparaît possible. Deuxièmement, la recherche du tout génétique est un danger pour notre société et, surtout dans notre République, l'éducatif et l'affectif doivent primer sur le biologique. Enfin, la médecine est essentiellement faite pour réparer des anomalies ou soigner des pathologies, et non répondre à toutes les insatisfactions qui s'expriment dans notre société, ou aux désirs individuels.
Partant de là, nous avons choisi de nous pencher sur trois sujets. Le premier, que je me permettrai, avec l'accord de mes collègues, d'éliminer rapidement, concerne la gestation pour autrui : l'immense majorité des députés ayant participé à la mission d'information et à la Commission spéciale ne défend pas l'idée d'une autorisation, que le projet de loi n'a d'ailleurs pas retenue.
Le deuxième sujet est le don de gamètes. Il existe une différence majeure entre les conclusions de la mission d'information et le projet de loi, qui prévoit une levée, certes encadrée, de l'anonymat. Je passerai sur le problème de la rétroactivité de la loi et sur la crainte qu'ont exprimée les CECOS et les médecins de voir baisser le nombre de ces dons pour m'en tenir aux questions de principe. La recherche du « père biologique », expression malheureuse que l'on rencontre parfois, est contraire aux valeurs que nous défendons tous. Il n'y a pas d'histoire à rechercher, comme dans les cas d'abandon ou de naissance sous X, lorsque le don est altruiste et gratuit. Le génétique ne doit pas prendre le pas sur l'apport affectif et éducatif des parents – non pas les « vrais parents », mais les seuls parents. Sur ce point, il semblerait que se dégage une majorité plus large que la simple majorité présidentielle.
J'ai avoué mes hésitations concernant la recherche sur l'embryon. Je suis revenu aujourd'hui à la position que vous préconisez, monsieur le ministre. J'aurais souhaité parvenir à un clivage entre le « tout » et la « partie », comme l'a dit Axel Kahn, entre la recherche sur l'embryon, qui aurait été interdite avec possibilité de dérogation, et la recherche sur la cellule souche embryonnaire, qui aurait été autorisée. Mais juridiquement, biologiquement et éthiquement, cette différence est quasiment impossible à établir.
Il faut donc choisir entre les deux régimes. Je me prononcerai en faveur de l'interdiction avec dérogation, pour une raison simple, souvent évoquée par Paul Jeanneteau : partout dans le code civil, la vie, dès qu'elle est constituée, est protégée. S'écarter sur un point de ce principe de protection de l'embryon remettrait en cause les autres dispositions de ce code.
Dernier problème, soulevé par la mission parlementaire mais qui trouve une nouvelle actualité avec le rapport auquel travaille actuellement l'IGAS en vue de vous le remettre en février : pourquoi le nombre des dons d'ovocytes est-il si faible ? La raison de cette pénurie est simple : les femmes, pour donner leurs gamètes, doivent se soumettre à une stimulation hormonale et à une ponction, accepter la douleur, les déplacements fréquents et un risque potentiel pour leur santé. Pour remédier à ce problème, la commission spéciale a largement rejeté la solution d'une indemnisation qui s'apparenterait, comme dans le système espagnol, à une rémunération. Mais elle pourrait se prononcer en faveur d'une autre, qui ne faisait pas partie des préconisations de la mission d'information : cette proposition consisterait à rendre les femmes nullipares éligibles au don, en contrepartie de quoi certains de leurs ovocytes seraient conservés pour elles, en cas d'infertilité ultérieure.
En tant que rapporteur, je suis donc opposé à la levée de l'anonymat du don de gamètes et favorable au principe d'interdiction avec dérogation de la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires. Cependant, cette interdiction serait assortie d'une précaution : la remise du rapport de l'Agence de la biomédecine (ABM) à l'OPECST serait suivie d'un débat à l'Assemblée nationale, débat qui comporterait obligatoirement un volet sur l'état de la recherche en France afin que nous puissions vérifier que ses progrès ne sont pas entravés par la législation. Si tel était le cas, nous serions alors amenés à revoir notre position.