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Intervention de Nora Berra

Réunion du 19 janvier 2011 à 16h30
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi relatif à la bioéthique

Nora Berra, secrétaire d'état chargée de la sant :

À travers ce projet de loi, nous sommes effectivement conviés à une interrogation essentielle sur notre responsabilité et sur les valeurs qui fondent notre société. Les enjeux sont considérables, non seulement parce que ce texte a trait à l'exercice des libertés individuelles et au respect de la dignité humaine, mais aussi parce que, vingt ans après le vote des premières lois de bioéthique, il s'agit de s'adapter à de nouvelles perspectives.

La demande sociale d'aménagement et d'assouplissement tournée vers la satisfaction des aspirations individuelles a pris le pas. Néanmoins, le besoin d'encadrement continue de se faire sentir, notamment face aux progrès rapides des technologies médicales qui peuvent démultiplier les risques de dérive.

Permettez-moi de revenir sur certains points de ce projet de loi. L'article 5 traite des dons croisés d'organes. Malgré l'efficacité des techniques chirurgicales, des traitements anti-rejet et l'amélioration de la qualité de vie des personnes greffées, nous devons faire face, vous le savez, à une pénurie préoccupante de greffons. Depuis 2004, le nombre de greffes n'a que très faiblement augmenté, passant seulement de 3 900 à 4 600, cependant que celui de donneurs vivants restait stable, à un niveau très bas.

Le texte de loi comporte une avancée notable, puisqu'il ouvre la possibilité d'organiser la pratique de dons croisés entre donneurs vivants, en n'en réservant plus le bénéfice à la seule parentèle proche, mais en encadrant plus fortement ce type de prélèvement.

Les formalités demeurent inchangées pour le receveur. Pour le donneur, la procédure de consentement, très lourde, a été maintenue, afin de s'assurer de l'absence de coercition. Informé par le comité d'experts des risques qu'il encourt et des conséquences éventuelles du prélèvement, l'intéressé exprime son consentement libre et éclairé, consentement à tout moment révocable. Sur le plan pratique, les prélèvements et les greffes doivent être réalisés de manière simultanée : contrainte forte, mais qui apparaît indispensable pour le succès des interventions en réduisant le temps d'ischémie.

Ces dispositions, qui pourraient concerner cinquante à cent greffes par an, pourraient faire croître le nombre total de greffes et celui des donneurs vivants, qui ne comptaient que pour moins de 8 % des donneurs en 2009.

En ce qui concerne l'assistance médicale à la procréation, le projet de loi autorise la mise en oeuvre de procédés à même d'améliorer sensiblement les techniques. C'est le cas de la vitrification d'ovocytes, qui a déjà fait ses preuves ailleurs en Europe : cette technique devrait éviter d'avoir à féconder tous les ovocytes et donc permettre, en diminuant le nombre de ceux qui seront prélevés, de réduire celui des embryons surnuméraires.

S'agissant du diagnostic prénatal, le texte renforce l'accompagnement et l'information de la femme enceinte, en particulier lorsqu'une affection d'une particulière gravité est suspectée. Il vise à améliorer la qualité du diagnostic prénatal et à garantir un service de qualité homogène sur le territoire national.

Le recueil du consentement écrit de la femme enceinte, après une information adaptée sur les objectifs, sur les modalités, sur les risques et sur les limites des examens de diagnostic prénatal, constitue une avancée importante. L'accent ainsi mis sur l'information garantira que l'intéressée reste entièrement maîtresse de sa décision de poursuivre ou non sa grossesse.

Le projet de loi fait évoluer le dispositif relatif à l'accès aux origines, pour les personnes issues d'un don de gamètes. Le donneur sera désormais informé au moment du don de la possibilité d'une levée de son anonymat, mais son consentement ne sera sollicité que lorsque l'enfant manifestera son désir de connaître ses origines.

À titre personnel, j'estime que le secret peut avoir des effets délétères sur le devenir de l'enfant. L'intérêt de l'enfant issu du don, qui peut souhaiter connaître certains éléments de son histoire naturelle ou des éléments médicaux, doit en tout cas être pris en considération, sans toutefois négliger celui du donneur, qui peut vouloir garder l'anonymat, ni celui des parents, qui peuvent ne pas souhaiter révéler les circonstances de la naissance. Divers risques afférents à la levée de l'anonymat ont été évoqués. Pour ma part, j'insisterai sur la nécessité de ne pas négliger les aspects psycho-affectifs, en se limitant au biologique.

Je veux rendre hommage au travail important que vous avez fourni et à votre souci constant d'apporter des réponses courageuses à des questions sensibles, touchant à l'humain. Vous avez été guidés par un esprit de modestie, par une grande détermination et par la conscience des intérêts supérieurs de notre société, qui vous ont permis de tracer des limites claires, indispensables à un exercice raisonné des libertés individuelles.

Ces sujets ont en commun de toucher à l'intime de chacun, mais ils nous touchent aussi collectivement. Une phrase de George Sand dans Histoire de ma vie me paraît parfaitement résumer cet engagement humaniste : « La vraie vie de chacun, c'est la vie de tous ».

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