Ce projet de loi est l'aboutissement d'une longue période de réflexion et de riches débats préparatoires. Sous votre conduite éclairée, monsieur le président, monsieur le rapporteur, la commission spéciale a mené un travail de grande qualité, en évitant toute fracture partisane. La richesse des auditions, la pertinence des sujets abordés, la transparence des conclusions ont contribué à nous éclairer sur les grands enjeux du texte.
Ce projet de loi est attendu. Il est également nécessaire, puisque cette révision de la loi de 2004 était expressément prévue par cette dernière – et, à ce propos, je veux rendre hommage au rapporteur de l'époque, Pierre-Louis Fagniez, pour son souci de prendre en compte les évolutions de la société comme de la médecine. Mais il s'agit aussi, comme le Président de la République l'a rappelé lors de ses voeux aux parlementaires, d'un texte sensible, dans la mesure où il touche à la définition même de la personne humaine.
Avec Nora Berra, nous abordons ce débat sans a priori, conscients de l'ampleur et de la complexité des questions. Près de vingt ans après le vote des premières lois de bioéthique, il nous faut encore chercher à concilier les progrès de la science et de la recherche médicale, les revendications individuelles et les principes éthiques.
Ces questions ne sont pas réservées aux spécialistes et aux experts : j'en veux pour preuve le succès des états généraux de la bioéthique, organisés en 2009, qui ont intéressé, au-delà des chercheurs, du monde médical, des universitaires et des juristes, tous nos concitoyens.
Ces états généraux ont aussi montré l'adhésion des Français aux principes fondateurs des lois de bioéthique : le respect de la dignité humaine et le refus de toute forme de marchandisation et d'exploitation biologique du corps humain. Ce sont ces principes que nous avons tenu à préserver dans le projet de loi et que je revendiquerai en tant que ministre lors de son examen.
Nous disposons aujourd'hui d'un corpus de règles appropriées et proportionnées. Comme vous le savez, ce projet de loi ne comporte plus de clause de révision périodique des lois de bioéthique, mais le législateur n'en devra pas moins continuer d'exercer sa vigilance à l'égard de toute nouvelle avancée, et il pourra réviser la loi chaque fois qu'il le jugera nécessaire, sans être entravé par l'existence de « rendez-vous » fixés d'avance.
Je voudrais revenir sur les innovations que comporte ce projet de loi. Comme vous le savez, la loi de 2004 avait ouvert la possibilité de recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires, par dérogation au principe d'interdiction, pour une période limitée à cinq ans. Ces possibilités arrivent à échéance le 6 février prochain.
Le Gouvernement partage les conclusions de la mission d'information sur cette question, et propose de maintenir l'interdiction de principe des recherches sur l'embryon. Par conséquent, le texte pérennise la possibilité de mener des recherches sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires, mais cette possibilité constitue toujours une dérogation au principe de l'interdiction.
Ce nouveau cadre donnera aux chercheurs suffisamment de visibilité pour conduire leurs projets dans la durée. En même temps, le maintien du principe d'interdiction montre l'importance que notre société accorde à la protection de l'embryon. La mesure peut sembler symbolique mais, s'agissant d'une question aussi sensible que le respect de l'embryon et de la vie humaine dès son commencement, les symboles ont leur importance. Et cette position n'est pas une position de fermeture mais, simplement, de fermeté. De fermeté sur les valeurs.
En ce qui concerne l'assistance médicale à la procréation, le texte permet notamment la mise en oeuvre de la vitrification des ovocytes. Ce procédé de congélation ultrarapide permet de mieux conserver les ovocytes, et donc de réduire le nombre d'embryons congelés.
Par ailleurs, les couples liés par un pacte civil de solidarité seront, par souci d'égalité avec les couples mariés, éligibles à l'assistance médicale à la procréation dès la conclusion du pacte.
Le projet de loi favorise aussi l'accès aux origines pour les personnes issues d'un don de gamètes. S'inspirant de la proposition du Conseil d'État, il privilégie l'option consistant à ne lever l'anonymat qu'avec le consentement du donneur. Je sais que ce point fait l'objet de débats au sein de votre commission. Je comprends et partage les réticences de certains. C'est pourquoi j'ai besoin d'entendre les uns et les autres s'exprimer sur cette question.
Tous les projets de loi sont importants, mais certains sont davantage porteurs de sens. Au travers de ce texte, nous nous interrogeons sur notre responsabilité, sur les valeurs qui fondent notre société, sur le sens du progrès technique. Nous savons que les réponses que nous apporterons à ces questions nous engagent vis-à-vis des générations futures. Les questions de bioéthique sont des questions difficiles. Nous pensons, avec Nora Berra, que cela nous impose d'y apporter des réponses claires avec la participation active de la représentation nationale.