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Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Réunion du 18 janvier 2011 à 17h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :

Je vous remercie de votre accueil et j'accepte bien volontiers de revenir prochainement devant votre commission. Beaucoup de sujets nous occuperont en effet en 2011 : cette année verra s'achever un cycle ouvert à l'automne 2007 avec le Grenelle de l'environnement, qui s'est poursuivi avec les lois Grenelle I et II, puis la publication de plus de 200 décrets d'application, dont 135 à prendre en Conseil d'Etat en 2011.

Vous étiez présent à Cancún, Monsieur le président. Cette audition me donne l'occasion de remercier les parlementaires qui m'ont accompagnée, Bertrand Pancher et Philippe Tourtelier dans votre commission, mais aussi Aurélie Filippetti. Nous avons vécu des moments intenses. Tout l'enjeu de la conférence tenait à un objectif aussi simple que difficile : restaurer la confiance dans un système de négociation onusien ébranlé par la conférence de Copenhague. La présidence mexicaine a beaucoup oeuvré en ce sens : elle a démontré que l'on pouvait déboucher sur un accord solide – bien qu'incomplet – en dépit de la règle de l'unanimité, qui prévaut pour toute négociation internationale. Il nous manquait en l'occurrence l'aval des Boliviens, mais l'accord a tout de même été obtenu.

Il s'agissait bien de restaurer la confiance mutuelle. Un certain nombre de pierres ont été posées. Je pense notamment au système d'enregistrement et de suivi des objectifs de réduction des émissions, pomme de discorde entre les États du sud et les économies émergentes d'un part, et les pays engagés dans la lutte contre le changement climatique, d'autre part.

Beaucoup de ce qui a été obtenu à Cancun participe de l'association des pays du Sud au processus de lutte contre le changement climatique. Nous avons avancé sur la lutte contre la déforestation, qui se mène principalement dans ces pays et à leur profit, sur l'adaptation, sur le transfert de technologies ainsi que sur la création d'un Fonds vert. Certes, il reste à alimenter celui-ci, mais il est créé et ses règles de gouvernance sont établies – ce qui était en soi un défi. En ce qui concerne ses moyens, 30 millions d'euros d'amorçage sont prévus, mais 100 milliards par an – dont l'essentiel devra provenir de financements innovants – sont attendus à l'horizon 2020.

Tels sont les acquis de Cancun, et ils méritent d'être salués, car leur absence aurait signifié l'échec du système de négociation onusien. Un certain nombre de délégations étaient d'ailleurs venues pour assister à son enterrement, non pour vivre cette renaissance ! Mais nous n'avons pas tout gagné pour autant. Le principal enjeu des négociations climatiques, en 2011, sera la suite du protocole de Kyoto. Certains États ont dit clairement, lors de la conférence, que rien n'était négociable en la matière. C'est le cas de la Russie, coutumière de ce type d'annonces, qui n'empêchent d'ailleurs pas de trouver des accords par la suite, mais aussi du Japon. J'en tire une conclusion personnelle : pour réussir une négociation avec les Japonais, il faut qu'elle ait lieu chez eux. C'est ainsi qu'ils avaient pris des engagements très forts lors du protocole de Kyoto, au-delà même de leurs capacités économiques et techniques –.

Quoi qu'il en soit, il faudra aboutir lors du sommet de Durban de décembre 2011. La période d'engagement du protocole de Kyoto s'achève en effet fin 2012. Si aucune suite ne lui est donnée d'ici là, nous n'aurons plus d'instrument contraignant. La convention climat est certes normative pour partie, mais elle ne fixe pas d'objectifs chiffrés. J'ajoute que la disparition des plafonds risque de conduire à un effondrement du marché du carbone, sur lequel nous misons pour le financement d'un certain nombre d'actions en direction des pays du Sud. C'est notamment sur la base du marché du carbone que les financements innovants doivent être mis en place. Bref, sans contrainte, il n'y a plus de marché du carbone, et sans marché du carbone, il n'y a plus de moyens ni de possibilité d'associer les pays du Sud : c'est l'ensemble d'un système, certes imparfait mais qui a le mérite d'exister, qui s'effondre.

Voilà donc l'enjeu de l'année 2011, sachant que le contexte est délicat au plan européen, puisque la présidence hongroise et la présidence polonaise qui lui succédera ne s'avouent ni l'une ni l'autre véritablement passionnées par les questions de développement durable.

2011 sera donc une année active sur le plan international. La France et le Brésil co-présideront au premier semestre le partenariat REDD + contre la déforestation. La France et le Kenya lanceront une initiative pour l'accès à l'énergie durable, notamment en Afrique : il s'agit de mobiliser des financements et de préfigurer ce que pourrait être l'association du secteur privé dans la perspective de l'abondement du Fonds vert. Le G8 et le G20 permettront également d'évoquer ces questions et la gouvernance mondiale en matière d'environnement. Cette année préparera enfin la conférence de Rio + 20, qui se tiendra en mai 2012 à Rio de Janeiro. Le seul sujet enregistré à ce jour est l'économie verte. Pour un sommet international marquant le vingtième anniversaire de la prise de conscience de 1992, cela me semble insuffisant. La France s'efforce donc de remettre à l'ordre du jour la gouvernance internationale de l'environnement : cette conférence sera le moment ou jamais pour une organisation mondiale de l'environnement, qui permettrait de renforcer le système. Il faut en effet rappeler que le suivi des protocoles et conventions est actuellement éclaté entre différents secrétariats.

J'en viens au Grenelle de l'environnement. Depuis 2007, un certain nombre de projets techniques ont mûri, et 2011 devrait voir la concrétisation du nouvel appel à projets de transports en commun en site propre, avec 600 millions d'euros. Différents projets d'ajustement en matière d'énergies renouvelables – éolien maritime, refonte du soutien à la filière photovoltaïque, nouveaux systèmes de promotion du biogaz, avec des tarifs de rachat adaptés aboutiront ; nous parlerons aussi ville durable, EcoCité, éco-quartiers. Je pense aussi à la dimension sociale du Grenelle de l'environnement, comme le programme « Habiter mieux », d'un montant de plus d'un milliard d'euros, financé conjointement par l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) et au titre des investissements d'avenir. Il s'agit d'un conventionnement avec les conseils généraux, qui permet de subventionner les travaux d'amélioration énergétique dans les logements des personnes qui, ne disposant pas d'une trésorerie suffisante, supportent des charges énergétiques qui grèvent lourdement leur budget.

Nous verrons aussi se conclure un projet antérieur au Grenelle, la cohorte ELFE –étude longitudinale depuis l'enfance, qui permet d'étudier l'influence de l'environnement sur la santé de l'enfant. À partir de l'automne, des caractères plus ou moins émissifs des matériaux de décoration et de mobilier seront publiés.

Je pense encore à des sujets qui intéressent le grand public, comme l'affichage environnemental. L'appel à expérimentation est en cours de dépouillement. L'expérimentation qui débutera cet été sera conduite à grande échelle – plus de 200 entreprises ont répondu – et dans l'idée, bien entendu, d'étendre la mesure ultérieurement. Il s'agit aussi pour nous de développer des emplois et des filières industrielles en France. Les projets que j'ai cités prennent tous en compte cet objectif, qui nous conduit à réajuster certains d'entre eux, par exemple dans le domaine photovoltaïque.

Nous entendons concrétiser tous ces projets en approfondissant l'esprit du Grenelle, qui est celui de la « gouvernance à cinq », sans jamais renoncer à la concertation avec les différents acteurs. Ce n'est pas toujours facile, d'autant qu'en matière environnementale, nous sommes toujours soumis à un effet de balancier lors des crises économiques. C'est le cas aujourd'hui, et nous abordons paradoxalement l'année 2011 dans un contexte où l'opinion publique y est moins réceptive que naguère. C'est pourquoi nous avons besoin de la mobilisation de votre commission. Nous avons 200 décrets à prendre, dont 135 en Conseil d'Etat, avec des consultations en amont. Certaines sont prévues par les textes – je pense à la commission consultative d'évaluation des normes lorsque le texte a un impact sur les collectivités territoriales. Compte tenu de l'ampleur du travail, il était acquis que nous aurions besoin d'un délai supérieur aux six mois dont dispose en principe le Gouvernement pour élaborer les textes d'application des lois. Nous nous y sommes attelés avec détermination. Le travail avance : j'espère avoir publié plus des trois quarts des textes en juillet prochain, et leur totalité d'ici la fin de l'année. J'entends le faire en privilégiant la transparence et la concertation. J'informerai régulièrement le Comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement et je souhaite, en particulier sur la partie réglementaire, pouvoir collaborer avec votre commission de manière efficace et permanente.

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