En 2004, l'inspection générale des affaires sociales – l'IGAS – a analysé le dispositif de tarification des accidents du travail et maladies professionnelles et s'est naturellement demandé si ce dernier remplissait bien sa fonction originelle, si, oui ou non, la tarification contribuait à la réduction des risques professionnels.
Or dans son rapport, Pierre-Louis Bras a clairement démontré que la tarification ne jouait pas son rôle. Il a identifié les raisons pour lesquelles, non seulement le dispositif n'incite pas les entreprises à la prévention, mais comment, de surcroît, au plan économique, il pénalise l'entreprise qui investit dans la prévention par rapport à celle qui la néglige.
Sont en cause principalement la part prépondérante des entreprises assujetties à des taux collectifs de cotisations, et la large mutualisation des coûts des maladies professionnelles qui en résulte, alors même que la tarification est d'autant plus incitative qu'elle est individualisée, c'est-à-dire liée à la sinistralité de l'entreprise. Sont en cause également, les longs délais de prise en compte des sinistres, alors que l'incitation à la prévention est d'autant plus forte que la durée de répercussion des accidents et maladies professionnelles est raccourcie.
Fort opportunément, l'auteur de ce rapport de l'IGAS s'est aussi demandé si la politique d'exonération de cotisations sociales – particulièrement favorable aux entreprises ou aux secteurs à faibles rémunérations – n'annulait pas les effets attendus de la tarification visant à pénaliser les secteurs d'activité ou les entreprises à risques élevés, sinistralité et bas salaires étant par ailleurs étroitement corrélés. La situation du BTP, de la métallurgie, des secteurs des services et de l'industrie de l'alimentation en témoigne.
Afin de préserver la logique d'incitation-pénalisation du dispositif de tarification, l'IGAS recommandait logiquement d'exclure les cotisations au titre des accidents du travail et maladies professionnelles AT-MP, des dispositifs d'exonérations de cotisations patronales. Et, précision importante, cette préconisation s'appliquait aussi bien aux exonérations totales de cotisations patronales liées aux caractéristiques du salarié, à la localisation de l'entreprise, qu'aux exonérations partielles portant sur une part seulement du salaire.
Sensible à cet argument, conscient de la spécificité de la branche accidents du travail – maladies professionnelles, exclusivement financée par les cotisations employeurs dont le taux est, plus ou moins parfaitement, fonction des risques encourus et des performances de l'entreprise pour les prévenir, et convaincu de la nécessité de mieux responsabiliser financièrement les entreprises, afin qu'elles satisfassent à leur obligation en termes de prévention, je n'ai eu de cesse, ces dernières années, de proposer que l'on traduise au plan législatif le principe général de non- exonération des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles.
Cette question de la tarification et des exonérations figure en bonne place dans la proposition de loi que je viens de déposer, visant à améliorer la santé au travail des salariés et à prévenir les risques professionnels auxquels ils sont exposés.
L'an dernier encore au Sénat, en réponse à mon amendement visant précisément à exclure les cotisations AT–MP des dispositifs d'exonération, je me souviens m'être entendu répondre que la priorité devait être donnée à la réduction du coût du travail, ce dans une logique de soutien à la création d'entreprise – bref, que la santé des salariés valait moins que les impératifs économiques.
Aujourd'hui, je note l'évolution de la position du Gouvernement, qui s'est enfin décidé à admettre que la persistance des exonérations de cotisations sociales AT-MP était une anomalie largement préjudiciable au renforcement de la prévention des risques professionnels.
Je regrette toutefois cette politique des petits pas en matière de santé au travail, qui contraste singulièrement avec les bonds de géant réalisés au profit d'une frange de nantis, en matière fiscale et de droit du travail, depuis l'arrivée au pouvoir de M. Sarkozy.
Que propose exactement l'article 14 du PLFSS pour 2008 ? Supprimer purement et simplement les exonérations de cotisations au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ? Certainement pas. Notre rapporteur a d'ailleurs pris grand soin de rassurer les employeurs, en précisant que des exonérations totales de cotisations AT–MP au titre des allégements ciblés pour les stagiaires, notamment, demeureront. De plus, les exonérations partielles de cotisations AT–MP liées aux allégements généraux Fillon jusqu'à 1,6 SMIC ainsi que ceux issus de la loi TEPA n'étaient pas remis en cause. Autant dire que le Gouvernement n'adresse aux employeurs que de très faibles incitations à la prévention, alors qu'il faudrait les pénaliser ou les intéresser financièrement et socialement afin qu'ils changent l'ordre de leurs priorités, pour qu'un drame comme celui de l'amiante ne puisse plus se reproduire.
Autant dire également, que le Gouvernement est moins volontaire…