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Intervention de Gaëtan Gorce

Réunion du 18 janvier 2011 à 10h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaëtan Gorce :

Je voudrais d'abord, au nom de mon groupe, rendre hommage aux victimes des événements qui viennent de se dérouler en Tunisie. Il en est temps.

Je voudrais également apporter au peuple tunisien mon appui, et, je pense, celui de mon groupe et de la représentation nationale, dans la lutte qu'il a engagée pour la mise en place d'une véritable démocratie. C'est le rôle de la France, je crois, de montrer combien elle est vigilante et attachée à la construction de celle-ci.

Il ne s'agit pas là de commentaires après coup, madame la ministre. Je crois parler dans la continuité de nos observations de ces dernières semaines, notamment de la semaine dernière lors des événements.

Pour nous – et c'est particulièrement préoccupant – le Président de la République et le Gouvernement ont affaibli, en une succession surprenante et condamnable de bévues, la position de la France dans le monde, en Afrique, et auprès du peuple tunisien.

C'est d'abord de la complaisance qu'a manifestée l'exécutif. J'en veux pour preuve les propos tenus il y a une dizaine de jours par le ministre de l'agriculture – qui n'était sans doute pas, ès qualités, le mieux qualifié pour s'exprimer sur le sujet –, ou encore ceux du Président de la République lors de son voyage en Tunisie en 2008 : il y présentait le président Ben Ali comme un homme auquel on pouvait faire confiance et le félicitait pour avoir supprimé la peine capitale dans son pays ! Ces félicitations prennent un relief tout particulier aujourd'hui.

Il y a là une logique. C'est pourquoi je ne vous jetterai pas la pierre, madame la ministre : c'est cette complaisance qui a conduit à l'erreur d'appréciation que vous avez commise en proposant à l'Assemblée nationale de privilégier les formes de coopération policière en réponse à la crise dans laquelle la Tunisie était plongée.

Vous avez le choix entre regretter vos propos – et, à la limite, vous en excuser – et les assumer ; mais, dans ce cas, vous devez les assumer en totalité. Le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale ne fait apparaître nulle condamnation des violences dans votre déclaration. À aucun moment vous n'avez employé les termes d'« usage disproportionné » de la force. Vous avez juste déploré ces violences. Vous n'avez pas cité une fois le gouvernement tunisien pour regretter ses méthodes. En réponse aussi bien au président Poniatowski qu'à M. Lecoq, vous avez fait état très concrètement, à plusieurs reprises, d'une proposition de coopération policière. Ces propos, complètement déplacés et choquants, ont donc normalement choqué. Si vous souhaitez les assumer, comme aujourd'hui – ce qui est faire preuve de cohérence –, assumez-les en totalité.

L'exécutif est ensuite passé de la complaisance et de l'erreur d'appréciation au désarroi, voire à l'indifférence. Phénomène très particulier dans le fonctionnement de notre République, alors que le président Ben Ali avait quitté le pouvoir vendredi à 17 heures et que la crise en Tunisie atteignait son apogée, le Président de la République a été dans l'incapacité de réunir un comité interministériel : le ministre des affaires étrangères, le ministre de la défense, le ministre de l'intérieur – et accessoirement le porte-parole du Gouvernement – étant absents de Paris. Vous devez vous en expliquer devant le Parlement et l'opinion publique.

Enfin, sur quels éléments vous êtes vous fondés pour commettre une telle erreur d'appréciation ? Quelles informations vous permettaient de penser que la réponse était dans la coopération policière ? Sur quels éléments le Gouvernement s'est-il appuyé pour tarder à réagir à ce point ? Pourquoi est-ce l'administration américaine qui a exprimé le plus directement sa condamnation, et ce sans juger utile d'en référer au gouvernement français, contrairement à l'habitude ?

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