…et nous partageons votre sentiment sur ce point.
En revanche, dire que le Gouvernement a beaucoup tardé me semble vraiment abusif. La réforme de la procédure pénale est engagée depuis maintenant de longs mois, vous le savez pour avoir participé à des groupes de travail sur ce sujet à la Chancellerie.
Il y a donc eu une anticipation. Il est vrai aussi qu'il y a eu une accélération ces derniers temps, je n'ose parler d'une course de vitesse entre le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation.
Je n'oublie pas non plus le rôle qu'a pu jouer la réforme constitutionnelle de 2008, voulue par la majorité, qui a introduit les questions prioritaires de constitutionnalité. C'est aussi à l'occasion de leur examen que le Conseil constitutionnel a fait évoluer sa jurisprudence. Le reproche de ne pas avoir anticipé me paraît donc totalement infondé.
Vous demandez aussi que le statut du parquet soit réglé au préalable. Mais il ne faut pas mélanger les choses ! Sans doute, la question peut se poser. Elle découle de la jurisprudence de la CEDH, mais aussi de la Cour de Cassation. Peut-être le débat devra-t-il s'ouvrir, à un moment ou à un autre, de façon plus large qu'aujourd'hui, mais en ce qui concerne la garde à vue la question ne me semble pas se poser : la Cour de Cassation, dans son arrêt du 15 décembre 2010, a tranché.
Certes, elle a évoqué la difficulté que représente le statut du parquet – je veux bien entendre pour une part l'argument –, mais elle a réaffirmé qu'il était tout à fait possible que le parquet contrôle la garde à vue. Sur ce point, il me semble donc que la décision nous donne entière satisfaction.
La question des moyens se pose, sans doute. Je l'ai du reste évoquée, comme d'autres. Il s'agit d'abord des moyens de l'aide juridictionnelle, mais je crois que, là aussi, nous avons au moins pour une part répondu à cette question et aux attentes. La loi de finances initiale pour 2011 se traduit ainsi par une très nette augmentation de l'aide juridictionnelle.
Sans doute, là aussi, y aura-t-il quelques ajustements à opérer, mais à chaque jour suffit sa peine. La réforme entrera en vigueur le 1er juillet ; nous nous retrouverons dès le mois d'octobre pour débattre de la loi de finances pour 2012 : il sera alors temps de regarder si les budgets prévus cette année pour l'aide juridictionnelle sont, ou pas, suffisants. Mais, d'ores et déjà, l'augmentation est très importante.
Les barreaux, vous avez raison, devront se réorganiser, nous sommes nombreux à en convenir. Mais en l'état actuel du texte qui nous est soumis, rien ne les en empêche. Il nous revient d'organiser la garde à vue ; aux barreaux de s'organiser, librement, comme ils l'entendent. Il me semble qu'il n'y a pas non plus de manquement de la commission sur ces points.
Quant au contradictoire, nous voyons, c'est vrai, une évolution importante : sans doute le mode accusatoire s'efface-t-il un peu. Je suis pour ma part très attaché à notre droit continental ; mais qu'il soit mâtiné d'autres influences n'est pas nécessairement choquant.
C'est là un vrai débat, qui va au-delà de nos discussions sur ce projet de loi : quel type de droit voulons-nous ? Je défends pour ma part le droit continental. L'approche du droit anglo-saxon est autre ; son économie, sa façon de penser sont différentes. Et, ma foi, je ne vois pas pourquoi nous devrions nous y soumettre.
Ce projet de loi me semble équilibré. Certes, il apporte des modifications, et introduit du contradictoire dans l'enquête – la garde à vue, je le rappelle, fait partie de la phase d'enquête. Mais il ne s'agit pas de reproduire ce que l'on ne nous demande pas.
Pour toutes ces raisons, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir, ce projet de loi me paraît équilibré. Il fait rentrer l'avocat, sans regret, je le dis à nouveau : celui-ci sera présent, et pas seulement pour faire joli dans le décor ; il sera présent pour intervenir, et nous avons prévu un délai de carence. Nous sommes ainsi respectueux des droits de la défense.
D'un autre côté, ce dispositif permet aux forces de l'ordre de travailler correctement ; l'officier de police judiciaire assurera toujours la police de l'audition, ce qui est bien la moindre des choses.
Enfin, en contrepartie de droits nouveaux, les responsabilités nouvelles des avocats sont affirmées.
La commission a travaillé dans le calme et la sérénité, souverainement, sans précipitation. Nous nous sommes réunis le 15 décembre ; les amendements déposés au titre de l'article 88 du règlement ont été examinés aujourd'hui. Il s'est donc écoulé un mois supplémentaire. Nous avons eu avec le Gouvernement de nombreux échanges.
L'audition libre, qui faisait débat, est aujourd'hui écartée, tant par la commission que par le Gouvernement et par un certain nombre de collègues qui auraient souhaité y revenir.
Il n'est donc absolument pas nécessaire de renvoyer ce texte en commission.