Mais ce n'est pas tout : comme cela a été dit précédemment, la question des moyens se pose également, avec une grande acuité.
Il n'est pas exact de dire qu'aujourd'hui, la garde à vue constitue uniquement un moyen d'enquête.
Elle remplit plusieurs fonctions.
Premièrement, elle est évidemment un temps de l'enquête, en particulier de l'enquête pénale.
Deuxièmement, elle est le cadre légal qui permet de retenir des gens qui ont été généralement appréhendés en flagrant délit. Ces personnes peuvent avoir troublé l'ordre public, par exemple en se battant à la sortie d'un bar, avoir été arrêtées par les équipes de police secours parce qu'elles commettaient des violences familiales, notamment en frappant leur conjoint – le plus souvent, d'ailleurs, il s'agit d'une conjointe –, ou pour tout autre motif, comme un flagrant délit de vol.
Le temps que les choses se calment un peu, la garde à vue est le cadre légal qui permet de garder un certain nombre de gens dans des cellules dont l'état laisse parfois à désirer, mais c'est là une autre question sur laquelle nous reviendrons éventuellement.
Troisièmement, la garde à vue permet un ajustement entre le flux des personnes amenées au commissariat par les services de police et les capacités de traitement de ce commissariat et de la justice.
En clair, les moyens sont calculés au plus juste ; l'organisation est pensée de telle façon que, la nuit, dans les commissariats, l'officier de police judiciaire de permanence n'a pas le temps de traiter les dossiers. Il se contente la plupart du temps de notifier la garde à vue aux personnes et de les informer de leurs droits. Il décide un placement en garde à vue jusqu'au lendemain matin, c'est-à-dire jusqu'au retour des services enquêteurs.
Dans le même temps, les deux mille procureurs qui sont chargés du contrôle ne sont pas en nombre suffisant pour assurer une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept en dehors de Paris et – peut-être – de la région parisienne. S'il y a un véritable contrôle jusqu'à vingt-trois heures, parce qu'une permanence est assurée par un magistrat d'astreinte, cela est difficile au-delà. Comme l'a expliqué tout à l'heure notre collègue M. Braouezec, on adresse un fax à un bureau vide ; l'activité judiciaire ne recommence que le lendemain matin.
Il n'y a pas dans mes propos la moindre critique : les moyens humains ne sont pas suffisants pour assurer de véritable contrôle.