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Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 18 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Motion de renvoi en commission

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg :

Je ne méconnais pas ce qu'ont dit M. Huyghe et M. le rapporteur, qui ont expliqué que la jurisprudence de la Cour de cassation obligeait à placer en garde à vue dès lors qu'il existait un mécanisme de contrainte. Pour autant, faire du nombre de gardes à vue un indicateur de l'efficacité des services de police – une initiative du ministre de l'intérieur, devenu ensuite Président de la République – s'est obligatoirement traduit par une augmentation du nombre de gardes à vue. C'est la première des raisons pour lesquelles nous sommes obligés de statuer dans l'urgence.

La deuxième raison, que Jean-Jacques Urvoas a déjà évoquée dans son explication de vote, réside dans le fait que nous avons beaucoup tardé à comprendre que les conceptions respectives du droit européen et du droit français allaient entrer en conflit. Il aura fallu attendre l'arrêt Medvedyev, l'arrêt Salduz, rendu contre la Turquie en novembre 2008, l'arrêt Pishchalnikov, rendu contre la Russie en septembre 2009, l'arrêt Dayanan contre la Turquie, et finalement l'arrêt Brusco, rendu contre la France, pour comprendre que la garde à vue à la française n'allait pas résister à l'examen qu'allaient lui faire subir les juges inspirés par la législation européenne. Si l'on peut parfois penser que cette législation est un peu hésitante, un peu aléatoire, et d'une nature composite, puisqu'elle s'inspire de différentes législations et procédures, elle ne s'en applique pas moins à notre pays !

Les tribunaux français en ont tiré les conséquences qui s'imposent, j'en veux pour preuve la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 30 juillet 2010 et celle rendue par la Cour de cassation le 19 octobre 2010. Ces décisions nous obligent aujourd'hui à réformer dans l'urgence un élément très important de notre procédure pénale, à savoir la garde à vue. Au risque de paraître désagréable à certains, je me dois de souligner qu'il y a, sur ce point, un criant manque d'anticipation. Nous pouvions légitimement penser que le vieillissement de la procédure pénale allait être pris en compte et que, dès lors, les réformes s'imposant allaient être mises en oeuvre. Au lieu de quoi, le Président de la République qui avait instauré la religion des chiffres de la délinquance, régulièrement invoqués de façon incantatoire, nous lançait sur deux pistes.

Ainsi, en janvier 2009, lors de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, il nous expliquait qu'il était nécessaire de supprimer le juge d'instruction. Branle-bas de combat, multiplication des commissions : tout cela pour que, deux ans plus tard, il ne soit plus question de cette hypothèse ! Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une nouvelle injonction tout aussi pressante : instaurer des jurys populaires pour les tribunaux correctionnels.

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