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Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Réunion du 18 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas :

Le groupe socialiste approuvera la motion déposée par le groupe GDR.

Nous le ferons pour permettre au Gouvernement de revoir son texte. En effet, il propose une réforme qui ne nous semble pas financée. Il ne paraît pas non plus avoir été anticipé : on a le sentiment que vous êtes dans l'urgence. Et surtout, cette réforme n'est, pour le moment, pas équilibrée.

Nous sommes surpris de voir que vous n'avez pas saisi les signaux qui ont été lancés à partir de 2008. Le premier arrêt, Medvedyev contre France, date du 10 juillet 2008 : la CEDH y annonce ce que vous êtes aujourd'hui contraints de faire. À l'époque, il n'en a pas été tenu compte, pour des raisons qui nous échappent. Peut-être est-ce dû au fait que l'entourage policier du chef de l'État ne voulait pas avancer, considérant que la situation était parfaite. Toujours est-il que cela vous a placé, surtout après la décision du Conseil constitutionnel, dans une situation d'urgence, puisqu'une date butoir a été fixée : le 1er juillet 2011. Vous travaillez ainsi dans des conditions baroques, ce qui aboutit à un texte d'une instabilité étonnante, et qui, au total, n'est propice ni au bon déroulement des enquêtes ni à la protection des futurs gardés à vue.

Bref, vous avez fait preuve d'une absence d'anticipation phénoménale, sur un sujet qui n'est évidemment pas anodin, puisqu'il touche, comme l'a souligné Patrick Braouezec, aux libertés publiques.

Cette absence d'anticipation est d'autant plus surprenante que vous aviez toutes les cartes en main, au début du quinquennat, pour nous présenter une réforme globale, qui aurait pu aborder tous les aspects, dont nous concédons d'ailleurs qu'ils sont compliqués. Il n'est évidemment pas simple d'arriver au bon compromis entre les différentes tentations qui existent et que nous allons d'ailleurs probablement retrouver dans cet hémicycle.

Plutôt que d'anticiper, vous avez créé des commissions. Et vous n'avez pas été avares dans ce domaine. Vous avez installé une commission Varinard, qui devait travailler sur une réforme de la justice des mineurs, dont certains aspects vont venir percuter la garde à vue. Vous avez installé une commission Léger, qui devait travailler sur une réforme du code de procédure pénale. Vous avez installé une commission Coulon, qui devait travailler sur une dépénalisation du droit des affaires. Vous avez installé une commission Guinchard, qui devait réformer le contentieux.

Le résultat de tout cela, c'est un texte extrêmement médiocre – pardon de le dire comme cela, monsieur le ministre –, qui ne retient aucunement les aspects positifs qu'on avait pu relever, ici et là, dans les travaux des différentes commissions. Il était possible de concevoir une architecture d'ensemble pour un texte audacieux, en tout cas à la hauteur de ce que les tribunaux vous avaient demandé. Au lieu de cela, vous nous proposez une réforme minimale, déséquilibrée et, surtout, non financée.

À cet égard, j'ai été stupéfait à la lecture de votre étude d'impact. Je trouve d'ailleurs que nous ne consacrons pas suffisamment de temps aux études d'impact. À l'avenir, et je le dis en m'adressant au président de la commission des lois, il serait peut-être bon, quand nous serons saisis d'un projet de loi accompagné d'une étude d'impact – et ce sera le cas de tous les textes – de consacrer la première réunion de la commission à discuter de celle-ci. Parce qu'elle dit beaucoup de choses, l'étude d'impact.

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