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Intervention de Patrick Braouezec

Réunion du 18 janvier 2011 à 15h00
Garde à vue — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Braouezec :

La Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Medvedyev du 29 mars 2010, disqualifie le ministère public qui, selon elle, ne présente pas de « garanties d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'elle puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l'instar du ministère public ».

Le procureur de la République est parfaitement qualifié pour décider du placement en garde à vue, pour être avisé de ce placement, pour être destinataire des comptes rendus d'audition et pour mettre fin à cette mesure lorsqu'il l'estime utile. En revanche, parce qu'il est la partie poursuivante, il n'est manifestement pas en mesure, avec l'impartialité et l'apparence d'impartialité nécessaires, de décider du report de l'avis à famille, du report de l'intervention de l'avocat ou de la prolongation de la garde à vue.

Il revient donc à un magistrat du siège, avec l'impartialité qui convient, de décider de ces mesures qui font directement grief aux personnes gardées à vue et qui constituent en vérité le coeur du contrôle judiciaire de la garde à vue.

Il faut du reste souligner que cette solution présenterait un important mérite, celui de soumettre ce type de décision à un contrôle juridictionnel a priori, ce qui vaudrait singulièrement mieux qu'un contrôle a posteriori qui aurait nécessairement pour conséquence l'annulation de la garde à vue. En tout état de cause, la situation actuelle, concernant le report de l'avis à famille, n'est manifestement pas satisfaisante : il s'agit d'un des seuls cas où le ministère public prend des décisions attentatoires aux libertés individuelles sans qu'elles puissent être soumises au contrôle juridictionnel du juge du siège.

Le présent texte aurait dû être l'occasion de faire évoluer les régimes d'exception qui sont en contradiction avec la jurisprudence. Ce n'est pas le cas ; mieux même, en août dernier, le ministère de la justice n'hésitait pas à affirmer, par incompétence ou par manque de courage politique, que le Conseil constitutionnel avait validé ces régimes dérogatoires, alors qu'il n'avait fait qu'estimer, sur ce point, sa saisine irrecevable ! Ce n'est pas précisément la même chose. Je dois reconnaître que la demande du syndicat de la magistrature est plus que raisonnable puisqu'elle vise à supprimer l'ensemble des régimes dérogatoires et à les confondre avec le régime général, tant du point de vue de leur durée que des droits qui y sont attachés.

Le principe doit donc devenir, en matière de régimes dérogatoires, une intervention de l'avocat dès la première heure de la garde à vue. C'est seulement à titre exceptionnel qu'une restriction à ce droit pourrait être fondée sur des raisons impérieuses tirées des circonstances de l'espèce, constatées et motivées par un juge.

Pour conclure, je reprendrai les propos du Premier ministre devant la commission nationale consultative des droits de l'homme. Il affirmait : « la garde à vue ne peut pas être un instrument banal de procédure. La privation de liberté est un acte grave qui doit rester exceptionnel ». Ce projet de loi ne rend pas la garde à vue plus exceptionnelle qu'auparavant et certaines de ses dispositions, comme je me suis efforcé de le montrer, peuvent même être entachées d'inconstitutionnalité.

Ces raisons justifient en partie la présente motion de rejet préalable. Reste que le groupe GDR sera attentif à la prise en considération de ses amendements qui visent à une amélioration substantielle de ce projet dans le respect des libertés individuelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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