Notre troisième objectif est le respect des droits des victimes, car c'est à elles que nous devons penser en priorité. Tel est le triptyque auquel nous devons donner un équilibre, nécessairement fragile parce que difficile à trouver.
Le projet de loi initial a été sensiblement modifié par la commission des lois, parfois contre l'avis du rapporteur. Je présenterai les principales modifications de manière détaillée, puis j'évoquerai rapidement les autres précisions et ajouts figurant dans le texte adopté et qui nécessiteraient peut-être encore débat.
La principale évolution adoptée par la commission, à l'initiative conjointe de Philippe Houillon et de moi-même, est la suppression de l'audition libre. Cette difficulté étant évacuée, ce sujet n'en est plus vraiment un aujourd'hui. Ce n'est pas tant l'idée d'un dispositif adaptable qui était en cause que la difficulté juridique qui en découlait. Cette affaire est désormais réglée ; je m'en réjouis et je remercie le Gouvernement, le ministre en particulier, de sa sagesse ainsi que nos collègues Éric Ciotti et Jean-Paul Garraud qui ont retiré leur amendement, facilitant ainsi les choses.
La deuxième évolution importante, adoptée contre l'avis du rapporteur, est le contrôle de l'exécution de la garde à vue par un juge du siège – celui des libertés et de la détention – ou, à défaut, par le président du tribunal de grande instance plutôt que par le procureur. Je crois très important de revenir sur ce vote, qui me semble fondé sur une lecture ambiguë, voire mauvaise, des textes et de la jurisprudence. Il nous faudra revenir sur ce point majeur. Au-delà des aspects juridiques, sans doute plus ou moins discutables, il met en cause des aspects pratiques de la chaîne pénale française, qui a fait ses preuves et qu'il importe de ne pas désorganiser. Les procureurs ont fait la preuve de leur efficacité, leur compétence est aujourd'hui reconnue. Il ne faut pas casser ce système qui fonctionne.
La commission a par ailleurs précisé et complété des dispositions importantes relatives à l'assistance de la personne gardée à vue par un avocat. Un délai de carence de deux heures a été institué, avant l'expiration duquel la première audition du gardé à vue ne pourra pas débuter. C'est une exception qui peut paraître curieuse et qui a fait débat. Ce délai de carence a pour but de laisser à l'avocat le temps de se rendre dans les locaux où se déroule la garde à vue et d'agir de façon à rendre le droit effectif, concret.
Le projet prévoyait aussi la possibilité, dans les gardes à vue de droit commun, d'un report de douze heures, décidé par le procureur de la République, de la faculté pour l'avocat de consulter les procès-verbaux d'audition et d'assister aux auditions. La commission a adopté un amendement du Gouvernement prévoyant la possibilité, pour les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, d'un deuxième report de la présence de l'avocat, jusqu'à la vingt-quatrième heure. C'est une possibilité de travail supplémentaire, me semble-t-il.
Selon le texte, l'avocat assistant à l'audition d'une personne gardée à vue n'avait que la possibilité de présenter des observations écrites, toute intervention orale étant exclue. La commission a préféré adopter un amendement du rapporteur, qui accorde à l'avocat le droit de poser des questions à la fin de l'audition, de sorte qu'il pourra jouer un rôle effectif et ne pas se contenter de faire de la figuration.
En complément de cette disposition, nous avons proposé l'introduction de responsabilités supplémentaires pour l'avocat. Plus de droits impliquant plus de devoirs, certains éléments de déontologie sont élevés au rang législatif pour leur donner plus de force, même si la déontologie est aujourd'hui globalement respectée. Puisque les choses se passent bien, elles se passeront mieux encore en les disant. Il n'y a là aucun procès d'intention : c'est simplement la volonté d'appliquer un principe de responsabilité attaché aux droits et aux devoirs, et de mieux assurer un équilibre.
Autre modification importante, la définition de la garde à vue a été précisée, en rassemblant à l'article 1er tous les critères qui la justifient : une personne ne peut être placée en garde à vue que si elle est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et si la mesure constitue l'unique moyen de parvenir à la réalisation d'un des six objectifs fixés par le projet de loi. Il s'agit notamment d'empêcher la modification des preuves, la concertation avec des complices ou d'éventuelles pressions sur les témoins. Cette définition plus stricte, encadrée, est de nature à faire diminuer très sensiblement le nombre des gardes à vue, ce qui est l'un de nos objectifs principaux.
À l'initiative de Mme Delphine Batho, et contre mon avis et celui du Gouvernement, la commission a adopté un amendement tendant à établir un procès-verbal unique de déroulement de la garde à vue. L'idée est séduisante, c'est vrai, en pratique, mais elle soulève quelques difficultés juridiques.