À sa demande !
Aucun membre des ministères publics des États membres du Conseil de l'Europe, y compris ceux qui sont totalement indépendants, comme en Italie, ne peut donc exercer le contrôle juridictionnel visé dans l'article 5, paragraphe 3, puisqu'ils sont toujours autorités de poursuite.
La question qui se pose à nous est de savoir quand et comment ce contrôle doit intervenir. C'est la deuxième question qu'a résolue la Cour de Strasbourg à travers sa jurisprudence.
Nous sommes tous d'accord pour dire que le procureur de la République ne peut opérer ce contrôle. Il faut bien voir que nous partons de loin. La Convention des droits de l'homme comporte deux versions faisant toutes deux foi – l'une en anglais, l'autre en français – mais dont les termes ne sont malheureusement pas traduits de manière équivalente. La Cour le souligne dans son arrêt Brogan du 29 novembre 1988 : « La Cour doit interpréter les textes d'une manière qui les concilie et de façon à atteindre le but et à réaliser l'objet du traité ». C'est ainsi qu'a été mise au point la notion de promptitude, qui donne lieu à une appréciation in concreto des faits de chaque espèce.
Dans un arrêt Aquilina contre Malte, où est posée pour la première fois cette règle, il est indiqué que, si la comparution survient deux jours après l'incarcération, l'article 5, paragraphe 3 est respecté. Dans l'arrêt Varga du 1er avril 2008, trois jours permettent de satisfaire aux exigences de l'article 5, paragraphe 3 et, dans l'arrêt Ipek contre Turquie – il est rédigé en anglais mais je vous épargnerai sa lecture qui signifierait la fin de la langue de Shakespeare (Sourires) –, la Cour réitère la position qu'elle a souvent exprimée en indiquant que quatre jours permettent de se conformer à ces exigences.
Autrement dit, la Cour européenne ne se reconnaît pas le droit de s'immiscer dans la période inférieure à trois ou quatre jours, suivant les circonstances de l'espèce, dès lors qu'est satisfait le respect des droits suivants : la personne est à même de bénéficier d'un avocat dès son arrestation et elle est informée du droit de se taire. Le droit français, en réduisant à quarante-huit heures le délai maximal de privation de liberté avant la présentation à un juge, répond aux exigences posées dans la Convention de sauvegarde des droits de l'homme.
Pour la période qui précède, chaque État organise comme il l'entend sa procédure dans son droit interne. La majeure partie des États européens laisse la police libre d'agir. La France a fait un autre choix que le Gouvernement entend confirmer dans ce texte : elle a instauré un contrôle judiciaire confié au procureur de la République afin que la légalité comme l'opportunité de la garde à vue au-delà des vingt-quatre premières heures soient assurées par un magistrat. C'est ce qu'a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision de juillet 2010.
L'intervention du procureur de la République n'est pas contraire à la convention dès lors qu'elle intervient dans un délai inférieur à trois ou quatre jours. Elle trouve son fondement dans la Constitution. C'est ce qu'a rappelé avec force le Conseil constitutionnel dans l'une de ses décisions en visant expressément l'article 66 de la Constitution relatif au rôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle. Cette décision, nous le savons tous, est incontestable, eu égard à l'article 62 de la Constitution. De plus, le Conseil constitutionnel affirme clairement l'unité de l'autorité judiciaire qui « comprend à la fois des magistrats du siège et du parquet », selon les termes du considérant 30 de la décision en question.
Monsieur Houillon, vous pouvez toujours faire la moue, mais je vous rappelle que l'article 62 de la Constitution dispose que les décisions du Conseil constitutionnel s'imposent aux pouvoirs publics. C'est donc le cas pour nous.
Nous n'avons pas à regretter cette position car, très honnêtement, du point de vue de la garantie des droits et du contrôle des droits, la France est en avance. Elle peut être fière du double contrôle qu'elle a mis en place : conventionnel, d'une part, …