Je me réjouis que la Commission des finances s'empare d'un sujet aussi important. En effet, avec le taux de centralisation, ce qui est en jeu, c'est la capacité pour notre pays de financer non seulement le logement social et la politique de la ville, mais aussi des investissements de long terme dans une période de ressources budgétaires limitées. Nous avons bien vu, au cours du débat sur le programme « investissements d'avenir », que les besoins en la matière étaient considérables et qu'ils étaient loin d'être tous couverts par ce programme. Or il se trouve que, depuis quelques années, ils sont également couverts, quoique dans une moindre proportion, au travers des nouveaux emplois du fonds d'épargne qui permettent de consentir aux collectivités territoriales des prêts à des conditions exceptionnelles, pour une très longue durée – en moyenne quarante ans, ce qu'aucun autre établissement financier ne peut bien évidemment proposer.
Le fonds d'épargne répond à quatre objectifs. Le premier est de rémunérer les épargnants, ce qui concerne tous nos concitoyens dans la mesure où 58 millions de Français détiennent un livret A. Le deuxième objectif est de rémunérer le réseau bancaire, qui collecte cette épargne. C'est l'objet d'un des deux décrets soumis pour avis à la commission de surveillance et dont j'ai souhaité qu'ils vous soient distribués afin que vous sachiez exactement de quoi il retourne. Le troisième objectif est de rémunérer l'État, avec une contribution atteignant en moyenne un milliard d'euros chaque année, ce qui n'est possible que grâce au niveau de liquidité du fonds d'épargne. À ce propos, le rapport de la Cour des comptes insiste sur le fait que l'équilibre financier dépend de plus en plus des performances des marchés, le résultat du fonds dépendant davantage des politiques de placement que du rendement des prêts, consentis comme je l'ai dit à des conditions exceptionnelles et même, dans un certain nombre de cas, comme l'a rappelé hier Thierry Repentin, à un niveau inférieur au coût de la ressource. Enfin, le fonds d'épargne est destiné à prêter dans l'intérêt général, en équipant nos villes et nos campagnes en logements et en finançant les investissements de long terme – lignes à grande vitesse, transports en site propre, hôpitaux, universités.
La loi de modernisation de l'économie a réformé la distribution du livret A. Il s'agissait en particulier de tenir compte des plaintes déposées par certains établissements financiers auprès de la Commission européenne contre la distorsion de concurrence qu'entraînait selon eux le monopole de distribution du livret A. Une autre raison, mise en avant notamment dans le rapport de Michel Camdessus, était que nous allions avoir à faire face, à partir de 2014, à un pic dans le financement du logement social et que les ressources qui étaient alors dégagées par la collecte du livret A ne seraient plus suffisantes. J'observe d'ailleurs que cette hypothèse a d'ores et déjà été plus que confirmée par l'évolution des besoins, telle que l'a exposée hier Thierry Repentin, et par celle des prêts, telle que nous-mêmes la constatons. Nous avons ainsi adopté, dans la loi de finances pour 2011, un certain nombre de dispositions, comme celle qui vise à faire face à ce que l'on appelle la « bosse » de l'ANRU. Mais s'il y a cette bosse, c'est parce qu'il y en a aussi une pour le financement du logement social et de la politique de la ville.
La LME pose trois règles pivots. Premièrement, les emplois du fonds d'épargne sont toujours fixés par le ministre de l'économie. C'est donc à partir d'une décision ministérielle que nous ouvrons de nouveaux emplois, notamment pour les projets de financement des infrastructures, des hôpitaux et des universités. Disposer de cette ressource à bas coût, permettant de prêter dans la durée, constitue donc bien une capacité d'action pour l'État. Deuxièmement, le taux de centralisation est arrêté par décret, avec un plancher de 125 % des encours des prêts au logement et à la politique de la ville. Le président de la Commission a insisté sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un plafond. La politique de la ville ne figurait pas dans le texte initial et nous l'avons introduite par voie d'amendement, mais nous savions déjà qu'il existait d'autres besoins, parfois directement liés : un programme d'aménagement urbain s'accompagne le plus souvent d'un projet en matière de transports. Nous nous sommes demandé s'il convenait ou non d'élargir l'assiette et le plancher de 125 % a été fixé en fonction de ce périmètre dont nous savions qu'il n'englobait pas la totalité des besoins. D'où le débat approfondi que nous avons eu sur ce que devait être le taux de centralisation, les 70 % correspondant à une moyenne entre la centralisation constatée du livret de développement durable – 9 % – et celle du livret A – 100 %.
La commission de surveillance, qui a d'abord été saisie des décrets pour fixer les règles de la période transitoire, a été amenée à émettre un avis négatif sur le premier projet, parce qu'il ne faisait pas référence aux conditions de la sortie de cette période. C'est à la suite de cet avis que, après un arbitrage rendu par le Premier ministre, nous avons fait figurer dans le deuxième décret la règle des 70 % comme objectif de sortie permettant d'assurer à la fois les emplois et la liquidité du dispositif. Le président Cahuzac a souligné à juste titre qu'il n'y a pas d'équivoque quant à ce taux de 70 %, auquel la ministre de l'économie et des finances a d'ailleurs fait référence à plusieurs reprises.
La part qui n'est pas centralisée à la Caisse des dépôts, et qui est donc conservée par les établissements financiers, obéit à des règles précises fixées par les articles L. 221-5 et L. 221-9 du code monétaire et financier, issus de la LME, qui prévoient la publication, au plus tard le 31 mars, d'un rapport annuel présentant l'emploi des ressources non centralisées, ainsi qu'une information écrite trimestrielle sur les concours financiers accordés à l'aide de ces ressources. Un certain nombre de décrets et de circulaires ont été pris en application de ces articles, précisant les conditions dans lesquelles ces informations doivent être fournies, en stock et en flux.
Les établissements financiers qui n'ont pas l'emploi de ces sommes sont tenus à une obligation de recentralisation auprès de la Caisse. Mais j'insiste – car il me semble qu'il y a une certaine confusion à cet égard dans le projet de décret – sur le fait que la centralisation, qui garantit la ressource dans la durée, et la recentralisation, qui varie de façon aléatoire en fonction de la capacité des établissements bancaires à prêter conformément aux obligations légales, sont deux sujets différents, que la loi a traités séparément.
Je laisse la parole à Augustin de Romanet, que je remercie pour son engagement, de même que la direction du fonds d'épargne, qui fait un travail remarquable tant dans la mise en oeuvre des politiques qui lui sont confiées par le Gouvernement que dans l'analyse des besoins à long terme.