Le conflit évoqué par Mme Martinel est très ancien. Les réalisateurs de télévision qui ont déposé un recours considéraient qu'ils ne percevaient pas assez de droits d'auteur par rapport aux réalisateurs de cinéma, régis par des règles différentes. Ce conflit ne peut se régler que si les deux parties, scénaristes et réalisateurs, font preuve de bonne volonté pour établir un nouveau barème, qui devra être approuvé par l'assemblée générale des associés. Certains réalisateurs ont cru, contre mon avis, qu'ils pourraient résoudre le différend en saisissant l'Autorité de la concurrence. Ils en ont reçu la réponse que je leur avais prédite : la question ne relève pas de la compétence de cette Autorité. Au reste, si nous avions commis des actes contraires aux règles de concurrence, les plaignants eux-mêmes auraient été sanctionnés, car l'amende infligée à la SACD aurait alourdi les frais de gestion, diminuant d'autant leur rémunération. Ç'aurait été ce qu'on appelle se tirer une balle dans le pied – mais, heureusement de ce point de vue, cela n'a pas été le cas.
Pour ce qui est du Conseil du numérique, nous considérons en effet que les créateurs doivent y avoir leur place. Ce conseil n'est pas encore été constitué et nous attendons qu'on nous sollicite pour y participer. Il est en effet important qu'y siègent, à côté des entreprises de télécommunications et des entreprises de services d'internet, tous ceux qui apportent une valeur ajoutée au fonctionnement du système.
M. Didier Mathus, on le sait, ne craint pas le paradoxe : selon lui, le succès du compte de soutien à l'industrie des programmes (COSIP) pourrait entraîner la mort du cinéma français ! Mais si celui-ci enregistre aujourd'hui autant d'entrées, il y a à cela deux raisons : l'effort de modernisation des salles accompli avec l'aide du Centre national du Cinéma (CNC), mais aussi la diversité et la qualité des films proposés au public grâce au soutien du COSIP. Ainsi, la part de marché du cinéma français, de 35 ou 36 %, se situe bien au-dessus de celle des autres grands cinémas européens sur leur marché intérieur, ce qui prouve l'efficacité de ce système de soutien dont l'intérêt réside dans le fait que ses recettes sont assises sur l'ensemble des modes de diffusion de la création.
La forte augmentation de ces recettes relevée l'année dernière s'explique précisément, pour partie, par l'institution de la taxe sur les fournisseurs d'accès à internet (FAI). Cependant, d'importants besoins doivent être rapidement financés. Il est en particulier indispensable de procéder, dans les deux ans à venir, à la numérisation des salles si l'on veut continuer à y projeter des films, et les plus petites ne disposent pas forcément des moyens nécessaires. Il était donc important que le CNC bénéficie de ressources supplémentaires qu'il pourra affecter à cet objectif. Pour l'avenir toutefois, une réflexion globale s'imposera sur l'utilisation du produit de cette taxe sur les FAI. Car la sage décision que le Parlement avait prise de soumettre la partie audiovisuelle de l'abonnement dit triple play au taux réduit de TVA a été remise en cause. L'ensemble de l'abonnement est aujourd'hui taxé au taux normal, ce qui génère des comportements étonnants, tel celui de l'opérateur Free qui vend la partie télévision de son abonnement à 1,99 euro, alors que lui-même l'avait évaluée à 17 euros quand il s'agissait de bénéficier du taux réduit de TVA. Mais, dans le même temps, par je ne sais quelle magie, le montant de l'abonnement double play a été porté de 13 à 30 euros…
Il est exact que le secteur qui, aujourd'hui, manque le plus de ressources n'est ni le cinéma ni l'audiovisuel – bien qu'ils se plaignent toujours –, mais le spectacle vivant, particulièrement la création théâtrale. Et la situation n'est pas près de s'améliorer : la part du budget de l'État en sa faveur ne paraît pas devoir augmenter cependant que le soutien des collectivités locales va se réduire, si j'en juge par les propos que me tiennent leurs responsables.
C'est pourquoi la SACD défend l'idée de créer, d'une manière ou d'une autre, un système de compte de soutien au spectacle vivant, en particulier pour favoriser la diffusion des oeuvres sur l'ensemble du territoire. La création française est dynamique mais elle manque de moyens de diffusion. Il faut donc maintenant moderniser la gestion du spectacle vivant et réussir pour lui ce que l'on a réussi pour le cinéma. Je trouve formidable que celui-ci, en dépit des bouleversements techniques qui ont profondément modifié son économie au cours des vingt dernières années, demeure le premier d'Europe. Le nombre annuel d'entrées dans les salles est remonté de 120 millions, seuil le plus bas jamais enregistré, à 205 millions et la part de marché du cinéma français reste significativement supérieure, je le répète, à celle du cinéma de nos voisins. Comme il n'existe pas de quotas dans les salles, cela prouve bien qu'une bonne partie des films que nous produisons répond parfaitement à la demande du public. Le mérite en revient certes aux professionnels, mais aussi à la politique française de constant soutien au cinéma national.
Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) – dont certains estiment aujourd'hui qu'il faudrait le fusionner avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) – a toujours sanctionné les diffuseurs, publics ou privés, qui n'ont pas respecté leurs obligations. Ainsi, France Télévisions a dû payer une importante amende, dont le produit a été, selon la règle, versé au compte de soutien. Mais, curieusement, le bilan des chaînes pour 2009, que le CSA a publié en fin d'année au lieu de le publier, comme par le passé, au mois de juin, fait apparaître que M6 – dont les difficultés financières sont bien connues ! – n'a pas versé 9 millions d'euros qu'elle devait au titre de sa contribution au financement de la création patrimoniale française. La chaîne n'a pas respecté un décret résultant d'un accord professionnel signé un an auparavant dans le bureau de Mme Christine Albanel. Le fait que M6 ne respecte pas ses obligations ne surprendra que ceux qui ne sont pas au fait des réalités de l'audiovisuel français. Mais que le CSA ne sanctionne pas ce manquement, que nous lui avons signalé sans qu'il nous ait encore répondu, nous paraît extrêmement grave. Nous ne demandons d'ailleurs pas que M6 paye une amende, mais seulement qu'elle reporte sur 2011 l'effort pour la création qu'elle n'a pas accompli en 2009, ce qui lui permettrait en outre d'améliorer l'attrait de ses programmes.