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Intervention de Pascal Rogard

Réunion du 11 janvier 2011 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pascal Rogard, directeur général de la SACD :

Il est beaucoup trop tôt pour tirer un bilan de la loi Hadopi, dont l'application réelle n'a débuté qu'il y a trois ou quatre mois. Les ayants droit transmettent à l'Association pour la lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) de très nombreux relevés d'adresses IP de contrevenants – de l'ordre de 25 000 par jour –, mais les courriels envoyés à ces derniers sont bien moins nombreux. Or on estime à 500 000 environ le nombre de téléchargements illicites réalisés chaque jour et l'existence de la loi Hadopi a favorisé le recours à des procédés de « streaming » – contre lesquels, du reste, contrairement à ce que l'on en dit parfois, cette loi donne des moyens de lutter en recourant à une action en cessation qui permet de faire couper les liens avec ces sites. Une telle piraterie est indéfendable, car les sites concernés gagnent de l'argent par la publicité, voire en faisant payer les internautes pour leur donner un accès illicite aux contenus : on est loin des échanges entre internautes évoqués lors des débats sur la loi Hadopi !

En tout état de cause, il me semble que l'on ne sera en mesure de faire raisonnablement le bilan de cette dernière qu'à la fin de 2011. Je me bornerai à souligner une lacune dans l'application de ce texte : la Hadopi ne se penche pas assez sur l'offre légale, alors que le dispositif n'a de sens que s'il fait migrer vers celle-ci les personnes qui téléchargent de façon illicite. Il faut donc renforcer l'incitation au développement de ces offres. Cet aspect est, selon nous, plus important que la sanction.

Pour ce qui est des catalogues, il me semble possible d'en assurer la traçabilité. Il faut en revanche améliorer la législation : il devrait être impossible de vendre un catalogue sans avoir apuré les dettes à l'égard des auteurs, c'est-à-dire en laissant subsister des dettes cachées qui peuvent correspondre à dix ou quinze ans de rémunération. Aujourd'hui, en effet, l'acheteur ignore le montant de ces dettes au moment de l'achat.

Pour ce qui est de l'action culturelle au profit du spectacle vivant, la SACD pratique une mutualisation forte, l'essentiel des moyens disponibles à cet usage provenant en effet de la rémunération liée à la copie privée, elle-même générée par l'audiovisuel. Les baisses dont vous faites état, monsieur Rogemont, s'expliquent par des baisses de cette rémunération.

L'action culturelle est également financée par les sommes non réparties, de sorte qu'une amélioration de la répartition des rémunérations se traduit mécaniquement par une diminution des sommes disponibles à cet effet. Nous n'avons toutefois nullement l'intention de réduire le montant de l'action culturelle en faveur du spectacle vivant, dont nous connaissons l'importance. Nous avons d'ailleurs fêté hier les vingt-cinq ans de la copie privée, qui a été créée par la loi Lang sur le droit d'auteur et a irrigué l'ensemble de la vie culturelle de notre pays.

Certaines organisations de producteurs – généralement celles qui ont coutume de refuser les principes de transparence – se sont plaintes de l'accord conclu avec YouTube. Celui-ci est cependant de même nature que celui que nous avons conclu quelques mois auparavant avec France Télévisions – soumis du reste au conseil d'administration de cette dernière – et il vise à assurer aux auteurs une rémunération proportionnelle aux recettes du site communautaire. Il est également de même nature que celui que nous avons conclu avec Dailymotion et la SACD ne saurait délivrer d'autorisation à un particulier qui mettrait sur le site communautaire une oeuvre dont il ne détiendrait pas les droits. Il n'est pas question pour nous de légaliser une telle piraterie. L'accord ne concerne donc que les oeuvres mises en ligne avec l'accord des producteurs, des distributeurs ou de tous autres détenteurs des droits d'exploitation.

La SACD n'est pas un organisme de retraite et ne verse donc pas de pensions, mais des « libéralités », instituées à l'époque où la retraite des auteurs de l'audiovisuel et du spectacle vivant était très faible du fait de mauvaises conditions de gestion. M. Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il était Premier ministre, a procédé à une réforme qui a sensiblement amélioré la retraite complémentaire normale des auteurs : celle-ci fait désormais l'objet d'un précompte pour la partie des droits versée directement par les producteurs – alors que les auteurs devaient précédemment verser eux-mêmes les sommes correspondantes, ce qu'ils oubliaient souvent de faire ! En outre, les producteurs ont dû, comme le font les employeurs pour leurs salariés, participer au financement de cette retraite. Grâce à cette réforme, les sommes perçues par la caisse de retraite complémentaire des auteurs ont doublé. La situation des auteurs s'est donc améliorée de ce point de vue. Les libéralités ne sont pas un droit acquis et pourraient s'interrompre faute de financement. La SACD n'a du reste pas le droit de gérer un régime de retraite complémentaire et, au surplus, n'en aurait pas la capacité, car il y faudrait des provisions supérieures à nos ressources.

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