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Intervention de Nicole Notat

Réunion du 11 janvier 2011 à 17h15
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Nicole Notat, présidente de Vigéo :

Je vous remercie, monsieur le président, et je vous présente à mon tour, ainsi qu'à l'ensemble des commissaires, mes voeux les meilleurs pour 2011.

Si je me sens autorisée à vous entretenir de sujets aussi importants que la RSE ou la mise en place des labels écologiques, c'est notamment parce que j'ai eu l'honneur de présider le premier groupe de travail du Grenelle de l'environnement dédié à la gouvernance écologique. En effet, au-delà de la reconnaissance des différents acteurs environnementaux, ce dernier a non seulement permis de déterminer les modalités avec lesquelles les acteurs économiques doivent prendre en compte les défis et les mutations que représentent le développement durable, la construction d'un nouveau mode de croissance, la rareté des énergies fossiles ou les émissions de gaz à effet de serre, mais il a également formulé un certain nombre de recommandations quant à la nécessaire adaptation des modes de production, de consommation et de transport qui, en pleine mondialisation, ne manqueront pas d'impacter les entreprises.

Je tiens aussi à préciser que la RSE ne se limite pas aux relations avec les salariés : elle inclut aussi les dimensions économique, sociétale et environnementale permettant aux entreprises de tenir compte des enjeux que je viens d'évoquer. Mon activité en tant que présidente de Vigéo vise justement à évaluer la façon dont ces dernières intègrent ces défis au sein de leur stratégie, bien au-delà des déclarations d'intention, des rapports convenus ou de l'affirmation de simples valeurs.

Si les entreprises se préoccupent de plus en plus de développement durable c'est, tout d'abord, en raison des grands changements liés à la mondialisation : d'une part, en effet, les multinationales – en particulier – se développent en s'implantant dans de nombreux pays qui sont confrontés à des situations sociales ou environnementales délicates et, d'autre part, la prise de conscience mondiale des défis écologiques ainsi que des inégalités de développement et des écarts de prospérité s'accroît. À défaut d'un gouvernement mondial, l'action de ces entreprises peut donc être déterminante, en bien comme en mal.

En outre, les institutions internationales ont joué en la matière un rôle fondamental, par exemple dans le cadre des sommets de Rio, Johannesburg et Copenhague afin de sensibiliser, certes, les citoyens et les États, mais aussi les entreprises jusqu'à faire naître une véritable opinion publique internationale « citoyenne », les ONG travaillant quant à elles de plus en plus sur un plan mondial et n'hésitant pas à leur demander des comptes quant au respect des droits de l'homme ou à la valorisation des territoires. Controverses, campagnes médiatiques, procès parfois, se sont succédé, conduisant les entreprises à prévenir tout risque environnemental ou sociétal qui pourrait les mettre en péril. À cela s'ajoute que certains dirigeants sont intimement persuadés que le développement de leur société ne passe pas uniquement par les seuls rendements financiers, mais aussi par la formation des salariés et le respect des droits de l'homme.

C'est ainsi que le concept de RSE s'est développé, que les médias s'y réfèrent, qu'un nombre de plus en plus important d'acteurs se mobilise et qu'il s'est peu à peu inscrit au coeur des entreprises, et même dans l'esprit de certains financiers. En effet, quelques investisseurs – il est vrai d'une espèce particulière – considèrent qu'ils se doivent de connaître les conditions dans lesquelles les entreprises prennent en compte ces questions sociales et environnementales, non par philanthropie, mais par intérêt bien compris, ces questions étant selon eux appelées à avoir de plus en plus d'impact, y compris quant à la sécurité des placements et à leurs rendements à moyen ou à long terme. Ils ont ainsi élaboré six principes dits d'investissement responsable visant à inclure dans le ratio risquerendement les fameux critères écologiques, sociaux et de gouvernance (ESG).

En tant qu'agence extra-financière, nous vendons aux investisseurs socialement responsables les informations qui leur permettront de définir une stratégie de gestion. En l'état, nous travaillons sur 2 000 multinationales à partir des renseignements fournis par les entreprises ou de ceux que nous glanons auprès d'autres acteurs. Voilà dix ans, lorsque j'ai créé Vigéo, j'avais le sentiment de faire un pari : en effet, il n'était pas facile de faire prospérer une société dédiée à la collecte, au traitement et à la qualification des informations relatives à l'engagement environnemental et sociétal des entreprises – si le reporting financier était déjà très répandu, il n'en allait pas de même sur ce plan-là ! Vous connaissez d'ailleurs fort bien ce dossier puisque le reporting a fait l'objet d'un article du Grenelle de l'environnement, un décret devant d'ailleurs bientôt paraître s'agissant des informations qui devront être rendues publiques en matière de RSE. J'ajoute que, depuis 2002, l'obligation de remettre un rapport sur le développement durable a incontestablement contribué à accroître la sensibilisation des entreprises dans ce domaine.

La diffusion de l'information est certes importante mais l'action doit également être au rendez-vous. Si les premiers rapports ressemblaient un peu au catalogue de La Redoute – un rassemblement hétéroclite de bonnes actions, de bonnes idées et de bons sentiments –, l'amélioration de la situation des entreprises françaises, européennes et américaines, notamment, est aujourd'hui patente : ces entreprises ont en effet compris, même s'il n'existe pas encore de normes précises, que leur intérêt dépend autant des informations sociales et écologiques que des informations financières.

Par ailleurs, il importe d'évaluer la pertinence de l'information et la façon dont elle impacte l'entreprise. Vous n'en serez pas étonnés : le contraste est grand en fonction des sociétés et des secteurs. Quoi qu'il en soit, je le répète, si les progrès sont réels, le chemin qui reste à parcourir est encore long.

Pour une multinationale, le point nodal est de savoir si les informations données par une entreprise à Paris, Berlin, Londres, Madrid ou Stockholm quant au respect des droits de l'homme, de la négociation collective et de la biodiversité, à la lutte contre les discriminations et la pollution, à la formation et à la qualification, aux procédures de licenciement et aux restructurations, aux relations avec les clients et les fournisseurs s'appliquent dans d'autres territoires. En l'occurrence, il s'avère que la pente naturelle d'une entreprise est de respecter ces engagements sur le plan européen sans qu'il en soit toujours de même en Chine, en Afrique, en Inde ou en Amérique latine.

Parce que les PME, quant à elles – le Grenelle s'y était également montré très attentif –, sont aussi confrontées aux enjeux de développement durable, il a semblé opportun que leur engagement en matière de RSE soit signalé par un label témoignant qu'elles respectent un certain nombre de règles. Des expériences ont d'ores et déjà été mises en place – je songe, en particulier, à la labellisation de certains fournisseurs dans le secteur des télécommunications. J'ajoute que l'Agence Lucie a élaboré une charte de développement durable pour les PME souhaitant accéder à ce type de label et que, si de beaux projets sont en cours, nous attendons les conclusions du groupe de travail qui permettra leur généralisation.

Enfin, je signale que le patronat marocain a créé une charte de développement durable incitant les PME à s'y affilier afin d'accroître leur attractivité, une quarantaine d'entre elles étant à ce jour labellisées, preuve que ce processus peut aussi constituer un élément important de valorisation dans les pays en voie de développement.

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