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Intervention de Jean-Pierre Balligand

Réunion du 11 janvier 2011 à 16h15
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Balligand :

Je remercie M. Repentin, dont j'approuve le propos. Une campagne est manifestement en cours dans certains organes de presse à propos du taux de centralisation de la collecte du Livret A à la Caisse des dépôts et consignations. Ce matin encore, dans un quotidien économique, le directeur général de la Fédération nationale du Crédit agricole tirait argument de la situation spécifique de son établissement pour mettre le dispositif en question.

On sait la modération habituelle de mon expression. Aujourd'hui, je tiens à mettre à nouveau chacun en garde et j'espère être entendu. Mettre le doigt dans l'engrenage d'une centralisation autre que complète de l'encours de l'épargne réglementée à la Caisse des dépôts, c'est tuer les fonds d'épargne. Je l'avais dit au cours du débat sur le projet de loi de modernisation sociale, je n'ai pas changé d'avis. À l'époque, les banques se battaient pour obtenir la banalisation du Livret A, non pour la décentralisation partielle des encours. Aujourd'hui, nous sommes engagés dans une bataille qui me conduit à vous le dire : prêter la main à une telle évolution, c'est signer la fin du seul coup de génie bancaire français qu'a été la transformation, voici bientôt deux siècles, de l'épargne liquide en prêts à long terme d'intérêt général. Ce coup de génie a permis de financer bien des politiques nationales. Il ne faut pas se focaliser exclusivement sur le logement social, même s'il doit rester prioritaire : il y a aussi les autres missions d'intérêt général que sont la politique de la ville, les transports collectifs en site propre, la rénovation de nos universités - qui sont dans un état lamentable - et celle des hôpitaux.

Pour aucune de ces politiques indispensables il n'y a plus d'argent public et, quel que soit le gouvernement, il n'y en aura plus pendant longtemps. Dans le même temps, le rapporteur général s'est inquiété à juste titre du coût cumulé des partenariats public-privé créés pour externaliser ces dépenses, et une enquête est en cours à ce sujet. Autant dire que nous devons absolument garder la ressource que constitue la collecte du Livret A pour financer le logement social et les quelques missions d'intérêts général que j'ai citées.

Je me dois de souligner qu'en revanche le financement des PME n'est pas une mission d'intérêt général. Cela relève du métier de banquier, et il revient au CIC, au Crédit agricole, aux Banques populaires, aux Caisses d'épargne – des établissements qui, pour certains, ont une assise mutualiste – de prêter aux particuliers, aux PME et aux TPE. Sachant que personne – pas même la ministre de l'économie, elle l'a reconnu – n'a la moindre idée du montant qui a été distrait des sommes collectées par le biais du livret de développement durable, l'ancien Codevi, pour financer effectivement les PME, nous devons suivre cette affaire avec la plus grande vigilance.

Je rappelle enfin que l'avantage fiscal consenti dans ce dispositif n'a été jugé compatible avec la réglementation européenne que parce qu'il s'agit de financer une mission d'intérêt général. Si l'on finance ainsi, outre le logement social, la politique de la ville, la reconstruction d'universités et d'hôpitaux, on reste dans les limites fixées ; mais si l'on centralise moins la collecte et que l'on s'oriente vers le financement de l'économie, le principe de l'épargne administrée sera immanquablement remis en cause.

La sagesse doit nous conduire à ne pas détruire ce formidable outil.

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