Je souhaite examiner ce texte sous deux aspects : la création du Défenseur des droits représente-t-elle un progrès pour les citoyens ? Est-ce une avancée pour les libertés individuelles ?
Je fus rapporteur de la loi du 6 juin 2000 qui a créé la commission nationale de sécurité de la déontologie, et j'ai eu l'honneur de siéger dans cet organisme pendant ses six premières années en tant que représentant de l'Assemblée nationale.
La CNDS avait pour objet de veiller au « respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République. » Quelle fut son action depuis sa mise en place effective en 2001, et avec quelle efficacité ?
La CNDS a porté un regard sur le fonctionnement d'organismes et d'institutions qui, jusque-là, n'étaient soumis qu'à un contrôle hiérarchique et judiciaire. Elle s'est mise en place avec peu de moyens, portée par la volonté que Lionel Jospin, alors Premier ministre avait exprimé au colloque de Villepinte. Nous avions d'ailleurs tous voté pour la mise en place de cette autorité. Avec le développement de la police de proximité et celui des activités de sécurité privées, il était important que, rejoignant en cela la pratique de toutes les grandes démocraties, nous ayons une institution chargée de faire respecter la déontologie par les organismes auxquels l'État confère une part de pouvoir dans leurs relations avec les citoyens.
Cette institution, portée par Lionel Jospin, a eu beaucoup de mal à se mettre en place, et je veux rendre hommage à celui qui fut son premier président, Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation, qui a joué un rôle personnel extraordinaire en mettant son énergie, ses connaissances, son sens de l'État au service de la CNDS. Il ne compta ni ses heures, ni ses jours pour la mettre sur la bonne voie. Et c'est ce qu'il a fait. Philippe Léger, puis Roger Beauvois aujourd'hui, tous deux grands serviteurs de l'État, lui succédèrent dans des circonstances difficiles, et furent parfois mis en cause par ceux qui ont en charge de faire respecter la sécurité. Il n'est jamais agréable de dire à des détenteurs d'une part d'autorité qu'ils ont mal fait, qu'ils n'ont pas respecté les procédures. Au fil du temps, la CNDS a su le faire et a pris sa place dans ce meccano compliqué des relations entre nos concitoyens et les forces chargées de leur sécurité.
La CNDS a traité 280 dossiers de 2001 à 2006 et 153 dans la seule année 2009. Elle l'a fait malgré le manque de moyens humains et financiers et malgré des difficultés avec les destinataires de ses avis.
Nous aurions dû écouter la CNDS bien plus tôt, par exemple lorsqu'elle disait que la persistance des manquements dans les domaines faisant l'objet d'un encadrement normatif strict – Pierre Truche citait à ce propos la garde à vue – montre qu'il ne suffit pas de modifier les règles du jeu pour prévenir de tels agissements. Elle soulignait donc déjà, depuis plusieurs années, ce que nous soulignons aujourd'hui sur cette question grave de la garde à vue dont nous allons discuter dans quelque temps.
Pourtant, elle a fait l'objet d'attaques répétées, non de votre part, monsieur le ministre, mais de la part d'un de vos prédécesseurs, Rachida Dati. À la tribune, lors de la révision constitutionnelle, Mme Dati dénonça avec dédain le fait que sur les 147 saisines de la CNDS l'année précédente, toutes avaient été faites par des parlementaires et que jamais aucun particulier n'avait saisi cette commission. Or la loi impose que ce soit un parlementaire qui saisisse la CNDS ! Lorsqu'on veut tuer son chien, on l'accuse d'avoir la rage. Quand on veut se débarrasser d'une institution, on dit qu'elle fonctionne mal, qu'elle ne respecte pas les règles, ne fait pas bien son travail.
Le développement des forces de sécurité privées que permet la LOPPSI votée il y a quelques jours, le regroupement des forces de police et de gendarmerie, l'explosion des nouvelles technologies qui commande à la CNIL et à la CNDS de collaborer étroitement, tout cela doit nous conduire à renforcer les digues en ce qui concerne les rapports entre les forces de sécurité et les citoyens. Je plaide donc vigoureusement pour que le travail fait par la CNDS sous l'impulsion du président Truche puisse être poursuivi, comme c'est le cas dans les grandes démocraties européennes.
Or, et si je disposais de plus de temps, je vous le démontrerais, le Défenseur des droits ne pourra pas l'assurer dans les mêmes conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)