Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues : « Où est donc la démocratie, si ce n'est dans le troisième pouvoir que la science politique n'a point défini et que j'appelle le contrôleur ? » Chacun se souvient de ces propos du philosophe Alain, dont nous mesurons tous les jours l'exigeante modernité.
Quelles que soient les réflexions que nous ayons entendues ici ou là, je suis de ceux qui considèrent que nous sommes avec ce texte sur la voie des libertés publiques et je m'en réjouis. La révision constitutionnelle porte en elle l'affirmation de cette démarche et place la France parmi les pays qui, dans le monde, font un effort déterminant dans ce domaine. Cet effort prend la forme de la valeur constitutionnelle conférée à cette nouvelle structure. C'est ce qui en change totalement la philosophie, la portée, la nature et l'autorité.
Pour être membre d'un organe de traités en charge de la discrimination, je puis dire que ce qui est exigé des États membres par les instances internationales ce n'est pas telle ou telle structure, mais une obligation de résultats. Il faut pour cela, au plus haut niveau, un mécanisme institutionnel qui réponde à l'obligation faite aux États par la communauté internationale de faire droit aux libertés publiques et à la défense des citoyens.
Ce texte, très sensiblement modifié par les travaux du Sénat et de notre commission des lois répond à ce voeu. Le regroupement des différentes structures ne doit pas être considéré comme un affaiblissement. C'est une façon de créer un ombudsman à la française, nous inscrivant parmi les cent vingt pays ayant choisi une telle structure et nous donnant indéniablement une visibilité plus forte. Je considère également que cette institution nous donnera une cohérence plus affirmée sur certaines questions transversales.
Je ne pense pas en revanche qu'il faille craindre la collégialité. Je suis très sensible aux observations de la commission des droits de l'homme, dont je suis membre, comme à celles des nombreuses associations, mais je pense qu'il faut éviter les procès d'intention. Je veux voir au contraire dans la démarche que nous entreprenons la volonté, par nous tous partagée, de voir renforcer la défense des droits des citoyens.
Je tiens également à préciser que ce qui affaiblirait cette institution, ce serait le rétrécissement de ses missions et la réduction du périmètre de ses interventions. Or nous sommes tous convaincus qu'il s'agit au contraire, avec ce projet de loi, de renforcer la portée des interventions du Défenseur des droits. Il faut pour cela que les missions soient clairement définies et que les responsabilités, notamment celle du Défenseur des enfants, soient identifiées.
L'inquiétude, monsieur le ministre, pourrait venir des nombreuses exceptions prévues pour la délégation des compétences. Il me paraît donc très important de veiller à ce qu'aucune hiérarchie ne soit faite entre les missions et à ce que le champs des secteurs pris en compte soit défini avec exhaustivité.
Le Défenseur des droits aura notamment à connaître de toutes les discriminations, directes et indirectes, prohibées à la fois par la loi et par nos engagements internationaux. Nous devons pour cela être attentifs à ce que l'information soit la plus large possible sur les droits renforcés dont disposent nos concitoyens, notamment les plus vulnérables. Il faut, d'autre part, faire en sorte que les saisines soient facilitées.
Vous me permettrez enfin, monsieur le ministre, de revenir sur un point qui me tient à coeur, à savoir le respect par la France de ses engagements internationaux. Il serait utile à cet égard que nous disposions d'un mécanisme permettant d'évaluer en permanence notre capacité à appliquer les normes internationales. Nous devons en effet toujours pouvoir nous prévaloir de la capacité de la France à être en phase avec ses engagements internationaux.
Enfin, il est très important que le futur Défenseur des droits poursuivre la coopération européenne engagée par Jean-Paul Delevoye, de façon à ce que l'Union européenne poursuive son harmonisation en matière de droits des citoyens, pour elle-même et pour l'exemple qu'elle donne au monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)