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Intervention de Laurence Dumont

Réunion du 11 janvier 2011 à 21h30
Hommage de l'assemblée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

Monsieur le ministre, en 2008, la réforme de la Constitution instituait le Défenseur des droits, sans bien savoir ce qu'il allait défendre. En sait-on vraiment beaucoup plus aujourd'hui ? Pas vraiment et je tiens, à cet égard, à indiquer à M. Hunault que nous n'avons jamais soutenu cette réforme de la Constitution. Il ne fallait d'ailleurs pas manquer d'audace pour parler de progression de la défense des libertés sous le quinquennat de M. Sarkozy dans cet hémicycle.

Les rapports des différentes autorités et les débats au Sénat ont démontré les insuffisances du texte et la nécessité de l'amender. Les inquiétudes qu'il suscite sont de cinq ordres : perte d'indépendance – et il n'y a là aucun procès d'intention, puisque c'est le mode de désignation même du Défenseur qui l'implique ; dégradation de la visibilité et de la notoriété des autorités concernées ; alourdissement de la procédure ; dilution du savoir-faire et des compétences ; disparition d'une partie des missions actuellement confiées par la loi à ces autorités indépendantes.

Les fondements même de ces instances sont remis en cause par cette réforme. Pour ma part, je souhaite insister sur une institution qui n'était pas prévue dans les attributions du Défenseur des droits mais qui, au fil des débats, y a été finalement intégrée, même si cela ne se fera qu'à l'issue de son premier mandat : je veux parler du contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Attendu depuis de nombreuses années, ce contrôleur a enfin été mis en place en 2007. Dans cet hémicycle, lors des débats, nous nous en étions félicité, tout en regrettant le manque de moyens accordés et l'absence de politique cohérente en matière pénitentiaire. La personnalité de M. Delarue et sa pugnacité ont cependant permis à cette instance de gagner autorité et reconnaissance. Il a exercé pleinement sa mission de contrôle et de prévention, en vue de l'amélioration des conditions de vie des personnes détenues.

Je ne reprendrai pas le débat sur la loi pénitentiaire, qui a bien mis en lumière la nécessité de traiter dignement les personnes détenues afin de leur donner toute les chances de se réinsérer dans la société – ce qui est l'intérêt tout autant des détenus que de la société. Le rôle du contrôleur est de favoriser, grâce à ses compétences spécifiques, ce traitement digne par ses visites impromptues, ses rapports et ses recommandations.

La mission du contrôleur – je vous cite, monsieur le ministre, lors de votre audition par la commission des lois – « présente un certain nombre de particularités : il procède à des contrôles et à des vérifications, indépendamment de tout fait signalé ou de tout litige, alors que le Défenseur jouera plutôt un rôle d'intermédiation dans un litige en cours ». C'est pourquoi cette institution n'a pas été intégrée à l'origine au Défenseur des droits par le Gouvernement et le Sénat. En effet, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a, selon ses propres termes, vocation « à faire un travail de prévention pour empêcher que, dans les établissements privatifs de liberté, les droits fondamentaux des personnes soient méconnus ».

Les avis de la commission nationale consultative des droits de l'homme sont clairs et unanimes à ce sujet. Ils sont relayés par l'ensemble des organisations oeuvrant dans des lieux privatifs de liberté, lesquelles ont d'ailleurs lancé un appel pour demander le maintien du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Citons entre autres l'association nationale des visiteurs de prison, le syndicat de la magistrature, le syndicat de la protection judiciaire de la jeunesse, la FSU, la CGT, le GENEPI, la CIMADE et de la Ligue des droits de l'homme.

Je reprends leur argumentation à mon compte pour vous demander de ne pas intégrer le contrôleur général des lieux de privation de liberté au Défenseur des droits, et ce pour trois raisons : d'abord parce que le contrôleur général des lieux de privation de liberté fonctionne bien et fournit un travail unanimement reconnu, qui nécessite une mission indépendante et spécifique ; ensuite parce que la prévention de la torture, des peines et traitements inhumains et dégradants ne doit pas être confondue avec le travail de médiation et de résolution des litiges entre citoyens et administrations ; enfin, parce que l'intégration du contrôleur général des lieux de privation de liberté au Défenseur des droits annihilera l'efficacité et l'indépendance du contrôle des lieux de privations de liberté, dont notre pays a grand besoin et auquel il s'est engagé à la demande de la communauté internationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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