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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 11 janvier 2011 à 21h30
Hommage de l'assemblée — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Lorsque nous avions voté la réforme de la Constitution, il s'agissait de faire un ombudsman à la française et nous estimions que ce texte, bien qu'en retrait avec les propositions du comité Balladur, constituait une avancée intéressante. Or, aujourd'hui, le présent projet est particulièrement décevant.

Je ne reviens pas sur les critiques, qui ont déjà été formulées par mes collègues et que je partage, sur l'indépendance de ce Défenseur, sur l'étendue de ses pouvoirs face aux collèges qui composeront l'institution ou encore sur les modalités de sa saisine.

Comme tout le monde bien entendu, je déplore la disparition du Défenseur des enfants ou de la CNDS qui, par leurs interventions objectives et mesurées, avaient gagné leur place dans la défense des libertés publiques et des droits individuels.

J'insisterai plus particulièrement sur la question de la HALDE. La disparition de la HALDE et son intégration n'étaient pas prévues dans le texte d'origine du Gouvernement. C'est le résultat d'une initiative du Sénat que nous ne parvenons pas à comprendre. Nous ne comprenons pas que le Gouvernement et le Parlement décident la suppression d'une institution, créée il y a six ans, et qui, par son travail, avait gagné la considération générale.

L'initiative du Sénat n'a pas soulevé une grosse émotion, le grand public ne se rendant sans doute pas compte des conséquences, mais elle plaît aux parlementaires de cette majorité qui, année après année, discutait, ergotait sur le budget de la HALDE. Pourtant, celui-ci n'était pas considérable pour le budget de l'État au regard de la gravité des problèmes qui sont abordés par la HALDE.

En quelques années, grâce justement à une communication adaptée, la HALDE a rendu plus compréhensible la notion de la discrimination par l'opinion publique. En quelques années, la HALDE a traité un nombre considérable de plaintes – 10 000 en 2009. Cette institution est ainsi parvenue à se faire reconnaître et à faire admettre que la notion qu'elle défendait était importante.

Aujourd'hui, vous nous dites que ses missions seront mieux remplies par le Défenseur des droits. J'en doute, parce que la HALDE intervient sur un sujet spécifique. Elle travaille avec de nombreux experts, des juristes pointilleux et a développé un réseau de correspondants locaux. Même s'il est prévu de mettre en place des correspondants du Défenseur des droits, il est évident qu'il n'y aura pas, au sein de ses antennes, d'interlocuteurs pour chacune des autorités administratives absorbées. Nous le savons parfaitement, ceux qui vont disparaître sont ceux qui sont les moins en cour et les moins importants pour vous : ce sont donc les correspondants de la HALDE qui vont faire les frais de cette fusion-absorption.

On a nommé à grand renfort de communication M. Sabeg, pour traiter la question de la discrimination. Mais une fois nommé, il a disparu corps et biens. Cela montre bien l'intérêt que ce Gouvernement apporte à cette question. Comme le dit notre collègue sénateur, Alain Anziani, chez vous, la balance penche plutôt du côté de la RGPP que du côté de la défense des libertés publiques.

Dans ce nouveau dispositif, la HALDE ne pourra pas avoir la même expertise juridique qu'elle avait avec un collège aussi spécialisé. Par ailleurs, elle s'appuyait sur des associations qui faisaient le lien avec la société civile et qui permettaient d'avoir des remontées émanant du terrain, extrêmement importantes dans ce domaine.

Vous ne mesurez pas ce qu'il y a de grave dans la disparition d'une autorité qui était un symbole en matière de lutte contre les discriminations. La HALDE était très souvent saisie pour des discriminations en matière d'emploi. Dans ce pays, les difficultés d'accès à l'emploi pour les gens des quartiers populaires et pour les handicapés est une plaie béante que nous ne parvenons pas à panser. Or vous affaiblissez précisément l'instrument qui traitait de cette question.

Il y a, par ailleurs, quelque chose que je ne comprends pas.

Le Défenseur des droits aura pour mission principale de veiller au respect des droits et libertés dans le cadre du fonctionnement d'une administration de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public. Quant à ses adjoints, ils auront des fonctions qui leur seront déléguées, donc qui devront correspondre à celles du Défenseur des droits. Or nombre de dossiers concernant les discriminations mettent en cause non pas des collectivités publiques, mais des particuliers ou des sociétés privées. Comment un adjoint en charge des discriminations pourra-t-il régler des dossiers ne correspondant pas à la définition des fonctions du Défenseur des droits ? Soit on admet que de tels cas ne seront pas réglés, soit on considère que l'adjoint n'aura pas les mêmes attributions que le Défenseur des droits, ce qui est incompréhensible. Moi j'ai plutôt l'impression que vous allez renoncer à traiter de certaines discriminations.

M. Borloo avait dit, en créant la HALDE, qu'il s'agissait d'une « étape fondamentale pour notre pacte républicain ». Quant à Mme Bougrab, elle avait affirmé, lors de sa nomination, il y a peu de temps : « Supprimer la HALDE, ce serait un très mauvais signe politique. Je me battrai comme une tigresse pour sauver cette institution, pas pour moi, mais pour les gens qui la saisissent. » Mme Bougrab a été dégagée sur le secrétariat d'État à la jeunesse. Elle a ainsi entériné la fin de la HALDE et je le déplore.

Je me demande aujourd'hui ce qui a changé pour que l'on puisse se permettre de supprimer cette institution, en tout cas de lui ôter son indépendance, son autonomie.

Mme Bougrab disait aussi ne pas comprendre que l'on veuille remettre en question une institution qui fonctionne. La HALDE aurait-elle donc échoué pour que vous lui fassiez un tel sort ? Ou bien la lutte contre les discriminations ne compte-t-elle plus pour cette majorité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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