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Intervention de Vincent Bes

Réunion du 22 décembre 2010 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Vincent Bes, directeur administratif et financier de la société Photowatt :

La société Photowatt est présente depuis plus de trente ans dans la filière photovoltaïque, expérience dont bénéficient une ou deux sociétés au monde. À l'origine, en 1979, c'était un laboratoire basé à Caen, qui s'est ensuite déplacé à Bourgoin-Jallieu pour se rapprocher des centres de recherche. Total a effectué la même démarche en Belgique. Nous développons depuis des années une parfaite collaboration avec le CNRS et le Commissariat à l'énergie atomique, devenu Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEAEA). Nous avons également noué une relation particulière avec l'Institut national de l'énergie solaire, ainsi qu'un partenariat avec EDF-Énergies Nouvelles Réparties, dans le cadre de PV Alliance.

Photowatt, qui dispose désormais de deux sites de production à Bourgoin-Jallieu, a intégré depuis l'origine tous les métiers de la chaîne de production d'un module photovoltaïque poly ou monocristallin. Nous sommes compétents en matière de fusion de silicium et de production de lingots. Ceux-ci, d'environ 400 kilogrammes, doivent être coupés en briques, elles-mêmes découpées en plaquettes. Les deux métiers, qui requièrent des compétences importantes en métallurgie, sont un facteur essentiel du rendement photovoltaïque, qui est le nerf de la guerre pour délivrer une puissance électrique sur un module. Interviennent ensuite différents métiers de semi-conducteurs et de micro-électronique, orientés vers la production de cellules. Ils donnent, pour ainsi dire, vie aux plaquettes, qu'ils dotent des propriétés électriques. Depuis dix-huit mois, nous sommes redevenus une référence mondiale pour le rendement photovoltaïque des cellules en polycristallin, rang que nous avions perdu un temps pour avoir changé de substrat et utilisé un silicium un peu moins pur. Aujourd'hui, nos meilleures cellules approchent les records mondiaux de rendement électrique polycristallin, puisque notre production – de 65 à 70 mégawatts au total – se situe en moyenne entre 16 et 17 %. Nous gagnerions encore quelques points en passant au monocristallin. Nous employons 750 personnes sur l'ensemble de nos activités.

Une fois produites, les cellules sont assemblées en modules sur nos sites de Bourgoin-Jallieu. Sur le marché français, nous intervenons aussi en tant que systémiers intégrateurs, et nous proposons à nos clients des installations clé en main de systèmes photovoltaïques. Nous fournissons les onduleurs, les câblages et l'installation. En tant que maîtres d'ouvrage, nous proposons des toits solaires ou de petites centrales au sol, même si nous n'exploitons pas en propre de parc photovoltaïque.

Depuis trente ans, Photowatt fait travailler 1 000 à 1 200 sous-traitants sur des activités de maintenance, de chimie ou d'autres activités parallèles. Nos sites de Bougoin-Jallieu contribuent donc fortement à l'emploi. Depuis 2006, date de l'ouverture du marché français à une politique de rachat imitée du modèle allemand, nous avons investi la somme considérable de 100 millions d'euros sur des sites français. Malgré la concurrence, notamment asiatique, nous maintenons un rythme d'investissement très élevé. Cette année, notre effort sera d'environ 8 millions d'euros, contre 10 l'an dernier. Notre détermination prouve notre confiance dans le photovoltaïque et son avenir.

Cependant, l'année 2008 a fait apparaître une tendance inexorable : l'émergence de capacités de production en Asie a lourdement déséquilibré l'offre et la demande ; les marchés internationaux ont vu s'exercer une pression colossale sur le prix de vente des modules. La société Photowatt a dû se régénérer. En tant que PME, elle dispose d'une capacité de réaction rapide, mais limitée. Quand les prix de vente ont chuté de 40 %, elle a engagé un plan considérable d'amélioration et de transformation de ses méthodes de fabrication, tout en maintenant son modèle économique et en évitant de détruire des emplois sur le site français. Parce qu'elle est intégrée sur l'ensemble de la chaîne de valeur, elle a pu baisser de 30 % ses coûts de production, même si, confrontée au problème structurel des producteurs européens de cellules et de modules, elle est toujours en retard sur l'évolution des prix mondiaux.

Le décalage de 15 à 20 % entre le prix de revient des modules produits en Europe et en Asie vient en partie du fait que nos concurrents asiatiques produisent dans une zone dollar. Quand le dollar est à 1,2 euro, l'écart de prix se situe entre 5 et 7 %, ce qui le situe dans une marge de négociation possible avec un acheteur international. Quand le dollar est à 1,4 euro, l'écart est de 30 %. La parité euro-dollar est donc un élément essentiel de la compétitivité des producteurs européens.

Cela étant, Photowatt n'a pas à rougir de sa compétitivité face aux meilleurs opérateurs allemands ou aux quelques sociétés espagnoles. Nous sommes parmi les rares Européens à être intégrés sur l'ensemble de la chaîne et, à chaque étape de fabrication, nous savons précisément situer notre compétitivité. Aujourd'hui, l'activité la plus éloignée des standards mondiaux est l'assemblage de modules, fortement consommatrice de main-d'oeuvre. En revanche, pour les activités concernant les lingots, les plaquettes et les cellules, la différence avec les meilleurs acteurs taïwanais reste raisonnable, surtout par rapport à la concurrence allemande.

Dans ce contexte, l'annonce du moratoire pèse lourdement sur le carnet de commandes que nous avons constitué patiemment à la suite du retournement du marché, en 2008. Selon une première évaluation, nous perdons près de 35 % de notre plan de charge pour 2011, ce qui nous oblige à revoir complètement notre stratégie de production et à accélérer les réorganisations structurelles que nous avions planifiées. Nous avons, certes, le devoir de nous adapter à la situation, mais cet élément conjoncturel crée une complexité supplémentaire.

Nous restons toutefois convaincus qu'il existe un modèle économique pour une filière industrielle française basée sur la technologie. Dès lors que nous vendons des modules et des cellules en euros par watt, nous pouvons jouer, pour améliorer notre compétitivité, soit sur les euros, en diminuant les coûts engagés pour produire un module, soit sur les watts, en augmentant la performance énergétique des modules. Notre intégration nous permet de travailler sur les deux schémas.

Le coût du silicium considérablement réduit (le kilogramme est tombé de 400 à 45 dollars), nous nous sommes positionnés sur des contrats de long terme qui nous permettent de sécuriser nos approvisionnements sur des cours très favorables. En outre, depuis 2006, nous menons une politique active pour augmenter notre rendement électrique. Nous nous sommes associés tant avec le CEAEA qu'avec EDF-ENR, filiale d'EDF-EN et EDF, pour effectuer un investissement global de 40 millions d'euros dans la première partie du projet PV Alliance, auquel nous contribuons à hauteur de 40 %, (16 millions d'euros). PV Alliance propose une ligne de cellules de 25 mégawatts, présente au sein de nos lignes de fabrication. Le rendement des premières cellules produites en décembre, entre 16 et 17 %, est très encourageant.

Ce premier projet, qui porte sur la technologie homojonction, permettra à Photowatt de retrouver son avance technologique. Ayant réalisé 95 % de notre chiffre d'affaires à l'export jusqu'en 2006, à l'époque où il n'existait pas de marché français, nous bénéficions d'une excellente image auprès de tous les acteurs industriels mondiaux. Nos partenaires taïwanais, chinois, coréens et allemands reconnaissent notre savoir-faire. Nous nous tournons aussi vers l'avenir avec la technologie hétérojonction, qui utilise plutôt du silicium monocristallin. Son rendement pouvant dépasser 20 %, c'est une voie d'avenir pour développer une filière industrielle française autour de Photowatt. Sur la base de ces procédés, nous espérons développer nos capacités en France. Dans l'une ou l'autre technologie, le savoir-faire de nos 550 employés sera le meilleur gage de notre développement industriel.

Cela dit, nous avons consenti depuis quatre ans des efforts de financement considérables. L'investissement nécessaire au développement de capacités de taille significative est énorme puisque, pour concurrencer les meilleurs acteurs mondiaux, une usine française de référence doit dépasser les 400 mégawatts. Avec des rendements de 16 %, la bataille capacitaire semble perdue, car, quand Photowatt produit 70 mégawatts, une unité de fabrication de référence chinoise en produit 1 000. De plus, alors que Photowatt a investi 100 millions depuis 2006, les Chinois ont bénéficié d'afflux financiers de plusieurs dizaines de milliards. Cependant, grâce à l'hétérojonction, qui laisse espérer des niveaux de rendement de 20 à 25 %, nous pourrons retrouver un avantage technologique qui compensera le différentiel de coût.

Un dernier chiffre : la main-d'oeuvre représente 20 % du prix d'un module produit à Bourgoin-Jallieu.

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