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Intervention de Gilles Perrot

Réunion du 22 décembre 2010 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Gilles Perrot, directeur photovoltaïque-branche énergies nouvelles chez Total :

Notre société, qui produit principalement du pétrole et du gaz, a adopté une position d'énergéticien, considérant qu'au cours des prochaines années il faudra mobiliser toutes les énergies pour répondre aux besoins. Dès lors, les sources d'énergie ne sont pas en concurrence : les énergies nouvelles et renouvelables compléteront les hydrocarbures et le charbon, secteur dans lequel nous sommes présents grâce aux mines que nous possédons en Afrique du Sud.

Consentant traditionnellement des efforts importants en R&D, Total a choisi de privilégier les énergies nouvelles qui ont une forte composante technologique. Nous en avons sélectionné deux, que nous pensons pouvoir développer sur le long terme : la biomasse, en écartant toute concurrence avec l'agro-alimentaire, et l'énergie solaire, dont le photovoltaïque n'est qu'un aspect. Total est en effet en train de construire à Abou Dabi la plus grande centrale à concentration du monde.

Après analyse du secteur, nous nous sommes convaincus de l'importance d'être intégrés sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Le photovoltaïque se caractérise, comme beaucoup d'industries nouvelles, par des déplacements de marges très brutaux. Depuis quatre ou cinq ans, ce sont surtout les producteurs de silicium et les développeurs de parcs au sol qui ont gagné de l'argent, ce qui, auparavant, était surtout le cas des fabricants de cellules et de modules. Le fait d'être intégré n'implique cependant pas de couvrir toutes les technologies. Face à la concurrence des pays asiatiques à bas coût, Total peut apporter beaucoup. Le groupe poursuivra l'important effort de R&D déjà consenti en collaboration avec les pouvoirs publics.

Notre société, présente en France et dans le reste du monde sur plusieurs maillons de la chaîne du silicium cristallin, entend l'être sur l'ensemble du processus. Mais, pour être rentables sur le long terme, nous devons être plus compétitifs, ce qui suppose de jouer sur les coûts, la technologie et l'accès aux marchés.

La première phase de production est la purification du silicium. Actionnaires d'un projet innovant fondé sur une nouvelle technologie, nous avons construit un pilote de 200 millions de dollars en Pennsylvanie, aux États-Unis, et nous collaborons avec l'un des plus gros fabricants mondiaux de cellules, le Taïwanais Moteck. En cas de succès, le procédé divisera par quatre ou cinq la quantité d'énergie nécessaire à la purification du silicium, ce qui représente un intérêt majeur sur les plans économique et environnemental. Nous sommes en phase de démarrage. Comme dans tout projet fortement innovant, la réussite n'est pas assurée, mais tout laisse penser qu'avant dix-huit mois nous serons en mesure de décider de la construction d'une usine de taille mondiale.

Une fois produit, le silicium purifié doit être fondu en lingots et découpé en plaquettes (wafers). Sur ce deuxième maillon de la chaîne, nous avons examiné un certain nombre de possibilités sans prendre de décision en termes de technologie et de localisation. Nous fabriquons d'ores et déjà des cellules multicristallines, mais nous passerons sans difficulté au monocristallin, par le biais de la société Photovoltech, basée en Belgique, que nous détenons à parts égales avec GDF-Suez. Cet été, nous avons décidé de doubler notre production pour atteindre 150 mégawatts, contre 80 il y a un an. Cette société à fort contenu technologique est adossée à l'Institut de micro-électronique et composants (IMEC) de Louvain, un des plus gros d'Europe. À l'origine, Photovoltech était une émanation du laboratoire de l'IMEC, qui a trouvé lui-même ses actionnaires. Même en période difficile, nous avons accepté de la supporter, ce qui nous a permis de doubler nos capacités. Nous espérons réaliser, après investissement, des productions bien supérieures. Mais, face à la forte concurrence des pays asiatiques, nous ne nous en sortirons pas si nous faisons du tout-venant, comme on peut en trouver en Asie, où les coûts sont plus faibles que les nôtres. En outre, dans la région du Brabant flamand, nous n'avons touché aucune subvention, alors même que nous avons déjà créé 300 emplois et que nous recruterons encore si nous poursuivons le projet.

Le troisième maillon de la chaîne concerne la fabrication des modules et des systèmes, ainsi que leur installation sur les toits ou dans des fermes photovoltaïques. Nous possédons la moitié de la société Tenesol, dont l'autre moitié est détenue par EDF. Tenesol emploie 1 200 personnes, dont près d'un millier en France, le secteur de l'installation utilisant beaucoup de main-d'oeuvre. Les modules sont fabriqués dans deux usines de taille égale. L'une, produisant 485 mégawatts, est située pour des raisons historiques au Cap, en Afrique du Sud. L'autre, qui a doublé ou triplé sa capacité depuis deux ans, a été créée à Toulouse en 2005-2006. Nous possédons en outre une marque d'onduleurs et nous réalisons des installations, essentiellement en France. Tenesol, qui a commencé à développer son activité en Italie, en Allemagne et en Espagne, envisage à présent de l'étendre à la Grèce. En outre, elle emploie de 300 à 400 personnes dans les DOM-TOM, où elle représente 30 % des parts de marché. Cependant, on peut craindre que les changements législatifs, peut-être justifiés, qui sont intervenus récemment ne compromettent la rentabilité de ce secteur dans les prochaines années, voire qu'ils lui portent un coup d'arrêt.

Actuellement, nous ne sommes pas présents dans le secteur des fermes solaires ni dans les installations solaires sur les toits pour les particuliers ou dans l'industrie. Mais il sera difficile, si nous voulons stabiliser notre production industrielle, de ne pas nous y implanter. Nous étudions la possibilité de le faire seuls ou en partenariat avec d'autres industriels français.

À terme, nous ne demeurerons dans cette industrie que si nous y sommes compétitifs, ce qui suppose de gagner tant sur les coûts que sur la technologie. À cet égard, nous collaborons activement avec le CNRS, le laboratoire de l'École nationale polytechnique et le futur centre de recherches d'EDF à Saclay. Par ailleurs, nous avons des accords ponctuels avec l'Institut national de l'énergie solaire (INES), l'IMEC, et d'autres instituts situés hors de France. C'est pour nous un axe de développement essentiel, puisque nos coûts ne seront jamais aussi compétitifs que ceux que pratiquent les Chinois. Nous aurons d'autant plus de mal à gagner la bataille que nous ne percevons aucune subvention et que la concurrence n'est pas égale.

Sur les technologies de la deuxième génération, les couches minces auxquelles le centre de recherche de Saclay consacrera des efforts importants, rien n'est décidé de notre part.

Pour la troisième génération, qui concernera les années 2015-2020, Total a réalisé un investissement à hauteur de 50 millions de dollars. Le groupe est le principal actionnaire de la société Konarka, fondée par Alan Heeger, prix Nobel de chimie 2000, qui développe du photovoltaïque organique. Les problèmes industriels et technologiques ne sont pas encore résolus, mais cette solution nous offrira peut-être une production extrêmement compétitive ouvrant sur de nouveaux métiers et de nouvelles applications.

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