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Intervention de Ariane Salmet

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Ariane Salmet, chef de la mission pour le développement des publics à la délégation au développement et aux affaires internationales du ministère de la culture et de la communication :

Je situerai la mission « Vivre ensemble » dans le cadre des programmes qui sont développés par le ministère de la culture et de la communication, à destination des publics ou des territoires spécifiques.

Favoriser l'accès du plus grand nombre aux oeuvres de l'art et de l'esprit fonde une des missions premières du ministère de la culture et de la communication. Cependant, la nécessité de reposer la question des publics de la culture a été confortée par la publication de l'enquête Pratiques culturelles des Français, réalisée par Olivier Donnat du service des études du ministère. Cette enquête fait le point sur les comportements culturels et sur les profondes mutations liées à la révolution numérique et à la diffusion de l'Internet.

Si certains loisirs du temps ordinaire, comme l'écoute de la télévision ou la lecture d'imprimés sont en recul, la fréquentation des équipements culturels a connu peu d'évolutions spectaculaires au cours de la dernière décennie. 51% des Français n'ont assisté en 2008 à aucun spectacle vivant dans un établissement culturel au cours des 12 derniers mois. La proportion des Français n'ayant pas visité de lieux d'expositions ou de patrimoine au cours des douze derniers mois est respectivement de 58 % et de 62 %, niveaux proches de ceux de 1997.

Par contre, le développement du numérique et de l'Internet a profondément transformé le paysage des pratiques en amateurs, en favorisant l'émergence de nouvelles formes d'expression, mais aussi de nouveaux modes de diffusion des contenus culturels autoproduits dans le cadre du temps libre. La diffusion des outils numériques dans les foyers a renouvelé la manière de faire de la photographie, de la vidéo, mais aussi de faire de l'art en amateur dans les domaines de l'écriture, de la musique ou des arts graphiques.

La diffusion de cette étude, comme les précédentes, a remis en avant le thème de l'échec de la démocratisation culturelle. Si cette question reste rarement abordée avec sérénité, il reste indéniable que sans une action déterminée en faveur de l'élargissement du développement des pratiques artistiques et culturelles, engageant des savoirs faire adaptés et des moyens importants, les caractéristiques sociologiques des publics de la culture ne bougent que marginalement.

Par ailleurs, le bilan des politiques culturelles ne peut être isolé d'un contexte plus global où les politiques éducatives, sociales ou économiques ont un impact direct sur la réussite des politiques culturelles. La nécessité de combiner les politiques ministérielles plus activement est indispensable pour obtenir de meilleurs résultats. Il y a un problème d'inégalité en matière d'accès à la culture qui doit être pris en compte à différents endroits : au niveau de l'éducation (y compris tout au long de la vie), au niveau du champ social, au niveau de territoires déficitaires culturellement.

Le ministre de la culture s'attache à prendre en compte des populations en situations « spécifiques ». La diversification des publics de la culture passe nécessairement par des actions soigneusement ciblées et pleinement assumées comme telles, puisque « convertir » les personnes les moins portées vers l'art exige plus de temps, d'énergie et de pouvoir de conviction et, par conséquent, réclame plus de moyens.

La prise en compte de populations en situation spécifique fait l'objet de politiques interministérielles tant au niveau central qu'au niveau déconcentré, implique l'ensemble des institutions du secteur patrimonial, des structures du spectacle vivant et des arts plastiques. Au fil du temps, le rôle des collectivités territoriales est devenu de plus en plus important dans ces politiques interministérielles. C'est le cas notamment pour les rapports politiques culturejustice : un nouveau protocole a été signé en 2009 entre les ministères en charge de la culture et de la justice. Renouvelé en mars dernier, il a pour objectif d'amplifier l'existant en ouvrant les actions aux jeunes placés sous main de justice.

Un autre protocole a été signé en mai dernier entre le ministère de la culture et le ministère de la santé pour la promotion d'une politique conjointe à destination des personnes hospitalisées, politique qui veut s'ouvrir au secteur médico-social, plus large que le seul secteur de l'hôpital. Un autre programme encore porte sur la culture et l'exclusion : dans le cadre de l'année européenne de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, nous avons signé une série de conventions avec les grandes associations de solidarité, dont ADT Quart Monde et le Secours populaire. La politique handicap vise à développer les actions favorisant la pratique culturelle et artistique des personnes handicapées et pas seulement de prendre en compte l'accès à l'offre culturelle.

Une politique interministérielle fondamentale, en lien avec l'éducation nationale, vise à toucher le maximum de jeunes et d'enfants dans le cadre scolaire. L'éducation culturelle et artistique doit s'ouvrir à la question des nouveaux médias et de l'Internet afin de former les jeunes au sens critique et de porter un regard pertinent sur les images qui leur sont offertes.

Au-delà des publics spécifiques, l'élargissement de l'accès à la culture passe aussi par la prise en compte de territoires déficitaires ou de « failles » qui subsistent. Les territoires d'intervention prioritaire du ministère de la culture sont : les zones périurbaines, le milieu rural et les Dom-Tom.

L'ensemble de ces champs placent au coeur des actions l'artiste et l'équipe artistique. Dans chacun des projets qui sont soutenus, les populations, dans des situations spécifiques ou sur territoires spécifiques, rencontrent un artiste ou une équipe artistique. Dans le cadre de l'ensemble de ces politiques, j'aimerais mettre un accent sur la mobilisation des établissements public au titre de la mission « Vivre ensemble ». Cette mission permet d'avancer dans une direction un peu particulière : les exclus de la culture prennent en charge eux-mêmes leur destinée culturelle. Cette expérience, nous pouvons la résumer ainsi : comment toucher des personnes qui ont en commun de croire qu'elles n'ont pas leur place au musée ? Comment réparer ce défaut d'accès, comment favoriser l'accès à tous dans le cadre d'un projet d'un musée pour tous, intégré à la cité et présent à la vie sociale ?

De nombreuses causes empêchent certains publics de se déplacer jusqu'aux institutions culturelles. Le fait de « sortir » constitue souvent le premier obstacle. La non-maîtrise de la langue française en rend difficile le projet. Certains ignorent l'existence des structures culturelles et n'expriment donc aucune demande. D'autres connaissent les établissements, mais leur réputation de temple de la haute culture les en éloigne, parce qu'elle les intimide. Ce public imagine que le billet d'entrée est cher, et il ne cherche pas à s'informer sur les tarifications adaptées.

Afin de rendre les établissements publics plus accueillants, ceux-ci travaillent en collaboration avec des établissements du champ social. Des travailleurs sociaux, des formateurs et des bénévoles sont invités à s'engager dans un rôle de « relais » vis-à-vis des publics « en difficulté ». La mission « Vivre ensemble » dispose de 1 500 partenaires du champ social, appelés, pour simplifier, « relais ». Les musées et les établissements organisent des « Rencontres » pour les familiariser avec ses collections et ses services. Dans un second temps, les « relais » partagent cette connaissance des lieux avec leurs publics. Ils organisent des visites conduites soit par des conférenciers du musée, soit par les « relais » eux-mêmes munis du droit de faire visiter le musée.

La prise en compte des publics éloignés de la culture par les établissements publics implique :

– la diversité des publics en tant qu'ils sont reconnus multiples et différents, reconnus égaux dans leurs droits, mais pas toujours dans leurs possibilités d'accès ;

– la diversité des médiations, en tant que chaque public nécessite une approche spécifique et peut demander une offre culturelle particulière, sans pour autant qu'elle constitue un enfermement ou exclue toute autre possibilité de rencontre avec le musée et ses collections ;

– une politique tarifaire adaptée et attractive.

Le ministre de la culture et de la communication propose une nouvelle prise en compte des populations sous le vocable synthétique « la culture pour chacun ». Cette notion met en valeur l'hétérogénéité du public, la diversité de ceux qui le composent. Les facteurs discriminants, permettant de rendre compte de cette diversité, sont clairement énoncés : les références culturelles de chacun désormais considérées dans leur contenu positif, l'origine et le milieu social d'appartenance, l'âge, le territoire de vie. Promouvoir la « culture pour chacun » c'est affirmer qu'on ne peut mener une politique culturelle sans tenir compte de la diversité des publics auxquels on s'adresse et, au-delà de ces publics, aux populations dans leur ensemble. C'est aussi tenir compte de l'individualisation croissante des pratiques culturelles et de l'utilisation de l'Internet comme premier vecteur d'accès à la culture.

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