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Intervention de David Fleming

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

David Fleming, directeur des musées nationaux de Liverpool :

Je veux vous dire combien je suis content d'être ici et ravi que l'on m'ait demandé de m'entretenir d'un sujet qui me passionne, à savoir l'accès aux musées. Je pense que vous m'avez sollicité du fait de mon activité des dix ou vingt dernières années, au cours desquelles j'ai beaucoup travaillé dans les musées, et de mon activité ces derniers temps pour la ville de Liverpool.

Le musée traditionnel est statique, concentre de multiples objets ; son public, qui a un bon niveau d'éducation et de culture, est limité. Ce n'est plus acceptable.

M. Mignon nous a parlé de l'accès au conservatoire lorsqu'il était jeune garçon ; c'était un lieu très intimidant. Il en va de même des musées pour bien des personnes. Je parle des visiteurs au plan local, de l'accès qu'ils ont à leur culture, à leurs musées.

Le musée de Liverpool est certainement l'un des plus grands musées du Royaume-Uni après la Tate Gallery de Londres. Il y a plus d'interactivité, plus d'interprétation, plus de variété, ce qui permet de recevoir un public plus large et surtout des personnes issues des classes défavorisées.

Quelques mots sur le contexte dans lequel je travaille. Nous sommes un groupement qui gère huit musées et galeries d'art, qui emploie 600 personnes sur la base d'un budget annuel d'environ 25 millions d'euros. Liverpool est une métropole régionale. Il n'empêche que, même si ce n'est pas la capitale, le projet est financé par le Gouvernement dans la mesure où les musées ont été nationalisés par le gouvernement Thatcher en 1986. Le musée de Liverpool a été nationalisé pour échapper au contrôle de la gauche qui dirigeait alors la ville de Liverpool.

A l'origine, le musée était très pauvre. Liverpool n'est pas une ville riche, c'est une ville dure qui enregistre un taux de chômage élevé, sa population est pauvre, elle vit pour partie dans la misère. Il est important de comprendre dans quel contexte nous gérons le musée. Ce n'est pas une ville touristique ni une ville riche.

En 2008, Liverpool a été Capitale européenne de la culture. C'est la raison pour laquelle nous avons réussi à ouvrir l'accès aux musées. Nous pensons qu'ils jouent un rôle fondamental en matière d'éducation. Tout le monde n'est pas d'accord avec cette affirmation ; certaines personnes pensent que les musées ont un autre sens. Selon moi, ils ont pour objectif l'éducation. Les musées sont des lieux d'idées, de dialogue, qui doivent inspirer. Nous ne nous contentons pas de montrer des collections qu'il faut admirer ; nous essayons d'expliquer ce qui se passe et de faire réfléchir. Nous sommes un service de musées démocratiques, nous croyons au concept de justice sociale. Nous sommes financés par l'ensemble des publics. En retour, nous essayons de leur offrir un service excellent. Bien des personnes travaillant pour des services publics de la culture n'adhèrent pas à cette vision des choses.

En retour, nous devons offrir un service à l'ensemble du public et non à un groupe restreint. C'est précisément une situation qui est en train de changer. Les musées peuvent promouvoir une bonne citoyenneté. Nous avons évoqué ce matin la possibilité de faire évoluer la situation et les musées font partie de cet agenda. Bien des personnes trouvent que l'activité culturelle est intimidante ; à cet égard, les musées semblent plus accessibles. Il est moins difficile que le conservatoire. On n'a pas besoin d'un instrument de musique.

Il faut trouver de nouvelles opportunités, de nouvelles façons de travailler. Nous sommes en 2010, non au XIXe siècle, il faut que les musées évoluent, ils doivent être vivants et rechercher l'intérêt et le soutien du public. L'accès libre est essentiel. A Liverpool, tous les musées, toutes les expositions sont gratuites, il n'y a aucune entrée payante, car nous pensons que ce serait là un élément discriminatoire sur le plan social. Faire payer rapporte peu de recettes en même temps que cela limite grandement l'accès à un large public. Les frais d'entrée réduisent la possibilité d'accès et de diversification. Le Gouvernement conservateur qui est en place depuis quelques mois a réaffirmé l'intérêt de maintenir les entrées gratuites, sans lesquelles il y aurait une véritable discrimination sociale. Finalement, vu l'échelle de temps dont nous parlons, cela n'aurait pas d'intérêt.

La Walker Art Gallery comprend un espace pour les enfants, du grand art pour les petits artistes. Il est essentiel de capter l'intérêt des enfants pour la culture lorsqu'ils sont très jeunes, car, ensuite, il est trop tard.

Il convient d'agir de même avec les adolescents, qui représentent un public très difficile, qu'il convient d'impliquer.

De 600 000 entrées en 2001, nous sommes passés à 3 millions de visiteurs en 2008, soit une progression de 300 % sur une période de sept ans, avec un pic en 2008 quand Liverpool a été Capitale européenne de la culture. La tendance se traduit par une augmentation du nombre d'entrées de la population locale. Voilà ce que la programmation intelligente et l'entrée libre ont eu pour effet. D'après les classifications socio-économiques réalisées, le nombre des personnes défavorisées qui se rend au musée est croissant. En 2008, on a enregistré un pic de la fréquentation des groupes minoritaires sur le plan ethnique et la tendance est orientée à la hausse.

Ce qui est en augmentation, c'est le nombre de familles qui visitent les musées. Les musées peuvent cibler les familles, même si ce n'est pas simple. Cela signifie introduire de la variété, proposer une série d'activités adaptées à toutes les tranches d'âge afin que les familles se rendent ensemble au musée. C'est fondamental et c'est pourquoi nous avons réussi à augmenter le nombre des entrées.

J'ai récemment reçu un courrier d'une jeune femme qui m'écrivait ceci : « Veuillez trouver une lettre de mon garçon de six ans, qui est un fan des musées de Liverpool. Il est impatient de visiter la nouvelle galerie. » Voici la lettre du garçon : « Je m'appelle Finn O'Hair, j'ai presque six ans. J'attends avec impatience l'ouverture du nouveau musée. Est-ce que je peux participer à la cérémonie d'ouverture ? Ce sera super ! Moi, je suis bon quand il faut ouvrir des choses. Est-ce que je peux ouvrir le musée, s'il vous plaît ? »

On a écrit à Finn pour l'inviter à participer à l'ouverture du musée de Liverpool, qui coûtera près de 80 millions d'euros et qui ouvrira ses portes au mois de juillet prochain. C'est le musée de la ville. Et quand on me demande ce qu'il y aura à l'intérieur, je réponds : La ville de Liverpool ! Si vous avez envie de savoir pourquoi les Beatles viennent de Liverpool, venez au musée !

Pourquoi le secteur culturel est-il si dynamique ? Au cours des décennies passées, nous n'aurions jamais eu de crédits, mais heureusement des hommes et femmes politiques se sont attachés à y parvenir. Contrairement à certains en Grande-Bretagne, je crois beaucoup à la coopération internationale. C'est la raison pour laquelle je suis impliqué dans différents groupes. Il nous faut échanger les bonnes pratiques. Il en existe partout de par le monde, il faut apprendre des uns des autres et instaurer des politiques de coopération sur lesquelles les professionnels puissent s'appuyer.

Je suis président du Comité de gestion du Conseil international des musées (ICOM), basé à Paris. Il s'agit d'une organisation mondiale. Ce comité international pour la gestion a publié un code de déontologie destiné aux musées et fait des droits de l'homme une profession de foi. L'ICOM pense que c'est la responsabilité fondamentale des musées d'être actifs lorsqu'il s'agit de promouvoir la diversité, les droits de l'homme, le respect, l'égalité entre les personnes de toutes croyances et toutes origines. Il y a vingt ans, politiquement, cela aurait paru insensé. Cela m'a été imposé par des jeunes qui me demandaient une déclaration. Finalement, nous sommes arrivés à la publication de ce code. Les politiques doivent comprendre que c'est ainsi que pensent les jeunes gens.

Autre exemple, pour rester du côté des droits de l'homme : je suis Président de la Federation of International Human Rights museums. Les membres du Conseil viennent du monde entier ; c'est une organisation qui s'occupe des droits de l'homme ; elle rassemble les musées de l'Holocauste, de l'esclavage, des génocides. Pour les membres de cette organisation, il ne s'agit pas seulement d'exposer des peintures, des objets du passé, il convient de s'impliquer dans les problèmes politiques actuels.

Les jeunes gens pensent qu'il ne sert à rien de travailler dans les musées s'ils ne sont pas populaires, accessibles ; le musée traditionnel commence à appartenir au passé alors que le musée dans sa forme nouvelle est un endroit extrêmement intéressant et très attirant.

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