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Intervention de Marie-Josée Roig

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Josée Roig :

Ce que j'organise dans ma ville depuis de très nombreuses années remonte à un événement ancien. La ville d'Avignon a un patrimoine architectural exceptionnel que tout le monde connaît, y compris à l'étranger : le plus grand palais gothique d'Europe, 4,7 kilomètres de remparts, et puis le pont, qui a cette chance extraordinaire d'être à moitié détruit.

Cette ville exceptionnelle a réuni deux hommes de génie : d'abord, René Char, ce poète immense, né dans le Vaucluse, qui aimait Avignon. René Char, aidé par le maire de l'époque, le Dr Pons – les maires font beaucoup pour la culture à Avignon – a organisé en 1947 une exposition d'art contemporain. Pensant que cette exposition risquait de manquer de visiteurs, il avait eu l'idée avec René Char de demander à Jean Vilar de venir donner quelques représentations de théâtre « à la recette », sans aucune subvention. A cette fin, René Char a conduit Jean Vilar dans la cour d'honneur ; ce dernier l'a traversée en disant : « Jamais personne ne fera de théâtre là-dedans, c'est un lieu impossible ! » René Char a insisté et le festival d'Avignon est né en 1947 pour se poursuivre jusqu'à aujourd'hui. Ce qui est important c'est de voir comment cette ville est devenue une ville de théâtre. Après leur patrimoine, les Avignonnais ont découvert la culture et le spectacle vivant, qu'ils ont fait leur. Ils vivent le théâtre.

Aujourd'hui, cette ville de 96 000 habitants compte plus de sièges de théâtre par habitant que Paris. Cette ville connaît la chance pendant trois semaines du mois de juillet de recevoir 1 178 spectacles différents. Dans cette ville en proie au théâtre pendant trois semaines et qui reste toute l'année nourrie par la création théâtrale, tout le monde vit la culture. Il n'y a pas une rue de la ville intramuros qui n'ait son théâtre l'hiver et deux ou trois pendant l'été.

A partir de là, la population a touché à la création avec cette chance exceptionnelle que quelques directeurs de festivals ont, à partir du théâtre, fait une ouverture totale à la danse, à la musique et, depuis peu, aux arts plastiques. C'est une ville qui vit de la culture. M. Mignon a parlé d'une petite ville avec les moyens qui s'accordent à une petite ville ; Avignon est une ville plus grande, mais qui ne dispose que de très peu de moyens. C'est une ville pauvre, mais de culture. Elle ne compte que 36 % de contribuables et comprend 38 % de logements sociaux. Pourtant, la culture irrigue aussi les quartiers difficiles, dits « sensibles ». Et cette population, cette jeunesse sait vivre la culture avec les moyens qu'elle a, parce que nous arrivons à octroyer des moyens adaptés à chaque quartier. Des quartiers vivent des musiques actuelles, d'autres sont tournés davantage vers les arts plastiques et, bien entendu, le graff et la fresque, parce que telle est la manière dont les jeunes s'expriment aujourd'hui. Même une ville qui n'a que 36 % de contribuables peut consacrer 19,5 % de son budget global à la culture. C'est ce qui fait vivre Avignon, petite exception française dans le domaine de la culture. Cela pourrait donner des idées à d'autres villes, au reste de l'Europe et pourquoi pas au reste du monde. Je vous invite donc à voir comment on peut pratiquer la culture sans grands moyens et au plus haut niveau.

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