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Intervention de Muriel Marland-Militello

Réunion du 3 novembre 2010 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Marland-Militello :

Avant même de leur adresser mes remerciements, je voudrais dire à nos Présidents de Commission que je sais combien ils se sont investis dans l'action culturelle. Je leur dois beaucoup, en particulier d'avoir organisé cette réunion. Gvozden Flego a accepté de l'externaliser à Paris et Michèle Tabarot a eu la gentillesse d'en faire une réunion conjointe de nos deux commissions. J'y suis extrêmement sensible, parce que je pense que c'est un signe de l'investissement de Michèle Tabarot dans la dimension européenne de la France d'abord et de sa culture.

Permettez-moi d'exprimer ma profonde gratitude au Président de la République française qui a bien voulu placer cette journée sous son haut patronage. Ce geste illustre une fois de plus la volonté du Président, et donc de la France qu'il incarne, non seulement de promouvoir l'exception culturelle, ce que nous savons, mais aussi de chercher les meilleurs processus pour sensibiliser notre jeunesse à l'ensemble des expressions artistiques afin de susciter en elle le désir d'y participer.

La présence de Mme Catherine Pégard, Conseillère du Président de la République, qui nous fait l'immense honneur et le plaisir d'être parmi nous, le confirme. Je veux lui dire ici combien je suis heureuse qu'elle ait accepté de se joindre à nous. Je connais son attachement à la vie artistique et culturelle ; nous connaissons tous les actions qu'elle a menées et qu'elle continue de mener auprès de Nicolas Sarkozy, et son souci constant de prendre en compte la dimension européenne. Merci d'être parmi nous.

Permettez-moi maintenant de remercier les trois Présidents des Commissions de la culture.

Monsieur Legendre, vous nous avez fait un exposé qui me ravit, qui montre à quel point le Sénat est à la pointe de l'éducation artistique et culturelle et de la démocratisation culturelle.

Monsieur Flego, vous avez été l'un des premiers à cosigner la proposition de préparer ce rapport. Je vous remercie encore d'avoir eu l'extrême gentillesse de nous réunir à Paris et de solliciter nos collègues.

Je voudrais remercier Michèle Tabarot, car cette réunion conjointe présente bien des avantages. Elle donne une dimension européenne aux travaux de la culture. Agissant ainsi, Michèle Tabarot montre son attachement personnel à la dimension culturelle. En particulier, étant à la fois députée de la Nation et maire d'une commune – Michèle Tabarot est maire du Cannet ; nous sommes élues du même département –, elle révèle sa conscience de la valeur de la participation des élus dans les territoires. En effet, Michèle Tabarot a pris le risque, en tant que maire d'une petite ville, de créer le musée Bonnard. En cette période de budget contraint, la décision d'un maire d'investir dans un musée pour un artiste de renommée internationale, mérite que l'on s'en félicite et montre que les territoires en France sont bien défendus.

Je veux également vous remercier, Michèle Tabarot, d'avoir accepté de publier le recueil de nos travaux sous la forme d'un rapport d'information ainsi que d'avoir accepté d'ouvrir notre réunion à la presse, qui, j'en suis sûre, aura à coeur de donner un large écho à notre thématique de démocratisation culturelle.

Je voudrais vous exprimer les regrets du ministre de la culture et de la communication français, Frédéric Mitterrand, qui souhaitait vraiment se joindre à nous ce matin. Il le regrette profondément. Jusqu'au dernier moment, il a souhaité venir. Parmi ses lourdes fonctions de ministre, il doit défendre ces jours-ci son budget. Ce qu'il fait avec pugnacité ! Nous en avons eu un exemple hier après-midi. Mais c'est un effort de chaque instant et donc, chaque instant, il oeuvre pour la culture. Nous ne pouvons donc pas lui reprocher de ne pas être parmi nous.

Je voudrais terminer cette séquence de remerciements en exprimant ma reconnaissance à Jean-Claude Mignon, député français, Président de la délégation française à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Il anime cette délégation avec une détermination, un enthousiasme extraordinaire. Il contribue grandement à faire connaître la qualité des travaux du Conseil de l'Europe, en France et ailleurs. Il contribue également à donner une image extrêmement positive de notre pays et de nos travaux. Excusez-le de son retard, il est sur l'autoroute, pris dans un embouteillage qu'il ne maîtrise pas – c'est d'ailleurs l'une des rares choses qu'il ne maîtrise pas !

Grâce à lui, nous avons pu organiser pour vous cette journée qui, je l'espère, vous satisfera. Nous entendrons des intervenants passionnants. Cet après-midi, nous vous proposerons un exemple vivant en nous rendant à l'exposition du musée d'Orsay ; ce sera également l'occasion d'illustrer ce que fait le musée d'Orsay en matière d'accueil des jeunes publics et des jeunes artistes.

Le sujet de mon rapport est « Le droit de chacun de participer à la vie culturelle ». Je ne vais pas faire une centième profession de foi pour expliquer son utilité. Nous la connaissons tous ici.

En général, lorsque l'on parle de démocratisation culturelle, on a en vue la démocratisation de l'accès à la culture pour les publics. Or, il ne sert à rien de démocratiser l'accès à la culture pour les jeunes publics s'il n'y a pas d'artistes à voir, à entendre, à écouter, à suivre. J'ai donc conçu une pièce de théâtre avec trois acteurs : les artistes émergents ; les jeunes publics ; les pouvoirs politiques et les responsables culturels, publics et privés. C'est ensemble qu'ils contribuent à rendre effectifs les droits naturels à la culture qu'évoquera notre expert M. Patrice Meyer-Bisch. Ces acteurs doivent vivre et travailler conjointement, chacun dans leur spécialité.

Ce sujet étant vaste, j'ai choisi des manifestations artistiques et culturelles qui rassemblent à la fois les publics et les artistes, qui occasionnent le mouvement des publics sur un lieu de rencontre. En effet, animer la vie culturelle, c'est susciter des rencontres.

Deux champs artistiques m'ont paru particulièrement propices à développer ces thématiques.

D'une part, le spectacle vivant, qui se situe à la frontière de plusieurs cultures – musique, texte, décors, costumes, mise en espace, mise en scène et en lumière – autrement dit, qui mobilise un faisceau d'intervenants artistique, tous contribuant à la qualité d'une représentation d'un spectacle vivant, que ce soit du théâtre, de la musique, du mime, du cirque. L'ensemble de ces expressions artistiques concourent à la transversalité des moyens artistiques.

Le deuxième avantage du spectacle vivant réside dans la valorisation d'un lieu attitré : on se déplace vers un lieu, l'artiste se déplace, le public se déplace. C'est très important pour animer la vie artistique, car l'un des dangers de l'accessibilité à la culture par le numérique serait de confondre le virtuel et la vie réelle. Rien ne remplace la vie « vivante » de l'expression artistique.

Le rapport insistera, d'autre part, sur les performances en matière d'arts plastiques. Les arts plastiques ont sensiblement évolué avec les arts visuels et avec les performances.

Les expositions d'arts plastiques commencent dans la rue, se poursuivent dans des friches, dans des garages. Les arts plastiques évoluent en fonction des arts visuels – on se sert des écrans, de l'informatique – mais également des performances et des installations. On se situe à la jonction de plusieurs arts, d'expressions artistiques diverses. Une de nos réunions de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe se déroule pendant Musica à Strasbourg. Une manifestation, Ososphère, réunit des plasticiens, des preneurs de son, des spécialistes en lumière, de mise en espace. Ils travaillent ensemble, avec des plasticiens, ce qui est essentiel.

Vous aurez compris que j'axe mon rapport sur l'innovation et la création et sur le processus qui y conduit : le processus d'émergence. Il n'y aura pas de constitution de patrimoine culturel dans le futur sans émergence de la création et pas d'émergence de la création sans émergence elle-même.

C'est pourquoi j'ai voulu axer ce rapport sur les jeunes : les jeunes publics de 15 à 25 ans et les jeunes artistes. Les artistes émergents de soixante ans, si l'on peut en rencontrer, restent rares ! Si l'on veut ouvrir le droit de chacun à la culture, il faut aider au commencement. Les artistes doivent participer à la vie culturelle. Et il faut se demander comment les jeunes artistes peuvent émerger.

Dans ces deux domaines – spectacle vivant et arts plastiques – le public revêt une grande importance. Ces domaines entretiennent en outre des résonances avec les nouvelles technologies.

Un jeune homme se sent une âme d'artiste. Sa production artistique, si elle n'est pas reliée à un public, n'a pas de sens. Pour un musicien, ne pas être entendu, pour un plasticien ne pas être vu, pour un homme de théâtre ne pas être écouté est catastrophique. Ils ne peuvent perdurer dans leur art, pas uniquement pour des raisons financières, mais pour des raisons liées à leur propre inspiration ; ils ont besoin du public. Je suis contente qu'un musicien et son manager soient présents aujourd'hui pour évoquer leur « parcours du combattant », le processus pour se faire connaître. Comment émerge-t-on ? Dans quel lieu ? Comment accroche-t-on son public ? Au fond, faciliter ce parcours c'est promouvoir la participation à la vie culturelle. Comment être à côté des jeunes artistes, avec eux ? Et quels sont les moyens pour le jeune public d'avoir accès à leurs oeuvres, mais pas uniquement ? Nous devons prononcer ici le mot « participer ».

J'ai tenu à mettre en avant la jeunesse, car elle est notre avenir. La création artistique d'aujourd'hui, c'est le patrimoine de demain. Ce sont les jeunes artistes qui alimenteront nos publics adultes de demain. C'est très important, mais je n'oublie pas une phrase du rapport de Mme Cliveti qui m'a impressionnée. Deux jeunes filles, une Bolivienne et une Monégasque, ont déclaré ceci : « Nous sommes des jeunes. Vous considérez que nous sommes votre avenir, mais pas du tout ! Nous sommes votre présent. »

Cette phrase m'a interpellée, car des personnes moins jeunes sont susceptibles d'avoir une influence sur la création des jeunes et sur les publics des jeunes. Ces recouvrements générationnels constituent une interrogation qui doit figurer dans notre rapport.

Le troisième acteur est formé des pouvoirs politiques de l'État et des territoires. Il se compose également de l'ensemble des responsables culturels, qu'ils soient publics – les Directions régionales des affaires culturelles dans les territoires, les administrations au niveau de l'État – ou privés, issus du monde associatif ou des fondations. Il est intéressant de voir comment toutes ces personnes aident à l'émergence de talents et à l'accès à la culture de jeunes qui, a priori, n'y étaient pas destinés, donnent des moyens à des personnes éloignées de la culture, que ce soit par leur situation géographique, leurs conditions de vie sociale ou simplement par leur nature biologique. Je pense notamment aux personnes qui ont un handicap. Nous allons essayer de donner une vitalité à ces questions en les étudiants sous cet angle très particulier.

Quelles sont les obligations des acteurs publics qui, si je devais caricaturer, disposent de la manne financière, mais aussi de l'expertise scientifique de la qualité artistique ? Quelles sont les contradictions dans la gestion du soutien à la culture ?

Nos États démocratiques se sont donné une obligation de neutralité. Les responsables politiques et culturels ne doivent en aucun cas limiter l'expression artistique des artistes ni l'accès à la culture des jeunes publics. Dans nos systèmes libéraux, cette obligation de neutralité est le garant de la démocratisation et de la diversité culturelle. Parallèlement, si nous voulons aider, il convient d'entrer dans le cadre d'une obligation positive de moyens et de résultats. Il faut donner des moyens à certains et, en contrepartie, demander des résultats.

Certaines obligations sont totalement neutres. Par exemple, quand on donne le droit d'accès gratuit aux musées. On n'impose pas d'aller voir tel ou tel artiste. Au Luxembourg, Mme Brasseur nous l'a expliqué, la gratuité ou des coûts réduits s'appliquent aux personnes connaissant des conditions sociales difficiles : c'est également neutre. L'Europe permet à des jeunes de moins de 26 ans de voyager à des coûts très réduits dans les 47 pays européens, c'est neutre. A Nice, nous avons institué la gratuité des musées. Parallèlement, dans le cas de l'éducation artistique, on privilégie telle ou telle partie de la culture. En France, les Directions régionales des affaires culturelles (DRAC), privilégient telle ou telle association, bien sûr, après expertise artistique et après avoir obtenu la caution de leurs compétences. Il faut toutefois se poser la question de savoir jusqu'où nous devons aller, car l'obligation positive n'est pas neutre. C'est une question que notre rapport doit envisager et que soulèvent souvent les jeunes artistes émergents : « Pourquoi pas moi ? » Et les publics interrogent : « Pourquoi ne pouvons-nous entendre tel chanteur, telle manifestation ? »

Voilà de façon personnelle la présentation de ce rapport. Sa légitimité se fonde sur le droit de l'UNESCO et de l'ONU. Je remercie Patrice Meyer-Bisch d'être parmi nous, car il m'offrira sa caution juridique. Il vous expliquera que nous avons le droit pour nous. Lorsque le droit à la culture sera un droit de l'homme à part entière, nous aurons gagné notre combat.

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