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Intervention de Jean Launay

Réunion du 27 mars 2008 à 9h30
Débat sur la situation économique sociale et financière de la france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, avant le débat de ce matin, j'ai relu – et, croyez-moi, l'exercice fut pénible – les déclarations de Mme Lagarde lorsqu'elle nous a présenté, le 10 juillet 2007, l'architecture du projet de loi dit « TEPA » – travail, emploi et pouvoir d'achat –, le péché originel de cette treizième législature, texte qui reposait sur trois principes : « croissance, confiance et emploi ».

Je vous en livre un florilège : « Cessons d'opposer les riches et les pauvres » ; « Le bouclier fiscal n'est pas seulement destiné aux riches, car il prend en compte les impôts locaux » ; « Je vous l'annonce, il y a des parachutes dorés qui pourraient bien ne pas s'ouvrir » ; « Ce n'est pas le tout d'avoir de l'argent, il faut pouvoir le dépenser » ; « L'ensemble de nos mesures devraient coûter 13,6 milliards d'euros en régime de croisière ». Autant de poncifs que les Français ressentent aujourd'hui comme des agressions.

Au plan économique, Mme Lagarde ajoutait : « Pour financer ces mesures, nous maîtriserons la progression de la dépense publique, en la ramenant à 1 % en 2008 ; nous augmenterons également les recettes : grâce aux réformes structurelles et grâce au choc de confiance, la croissance devrait progresser de près d'un demi-point en 2008. »

Hier, lors d'une réunion de la commission des finances, des banquiers nous ont expliqué, à propos de la crise financière actuelle, que la confiance était une variable essentielle de la politique économique. À cet égard, Mme Lagarde est une véritable adepte de la méthode Coué. J'en veux pour preuve les propos qu'elle avait tenus lors de l'examen du projet de loi TEPA et dont je vous cite encore quelques extraits : « Hausse de la croissance parce que j'y crois. Je suis convaincue que nos mesures porteront rapidement leurs fruits. J'espère que nous serons vite entraînés dans le cercle vertueux de la croissance et non “coulés” par la spirale vicieuse du doute et de la procrastination » ; « C'est de la confiance que naîtra la croissance » ; « La croissance se gagne et nous sommes en train de la gagner ».

Mais la conjoncture économique est encore plus têtue que vous ! Lors des explications de vote du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche sur le projet de loi de finances pour 2008, j'avais dit à Mme Lagarde que la confiance, pas plus que la croissance, ne se décrétait. Six mois après, vous vous entêtez dans un optimisme troublant, alors que vous vous êtes privés, dès cet été, de marges de manoeuvre déjà limitées, en menant une politique mal orientée, anti-redistributive et injuste.

Les Français, du moins la grande majorité d'entre eux, en font doublement les frais, puisqu'ils en souffriront également par le biais de leurs collectivités territoriales. Vous agissez d'autant plus cyniquement que celles-ci sont, et plus encore depuis le 16 mars dernier, majoritairement à gauche. Les propos du rapporteur général Gilles Carrez sur la dépense publique locale sont, à cet égard, très inquiétants.

À l'article 12 du projet de loi de finances pour 2008, vous avez substitué au contrat de croissance et de solidarité en vigueur jusqu'en 2007 un constat de stabilité pour la seule année 2008, au prétexte de rendre compatible l'indexation des dotations aux collectivités territoriales avec les objectifs de maîtrise des dépenses que s'impose l'État. En fait, vous faites peser, et vous le ferez plus encore demain, le coût de votre politique sur les collectivités locales, au mépris de leur autonomie financière.

Ainsi, vous diminuez la taxe professionnelle sans en compenser intégralement le coût, puisqu'une fraction du coût de plafonnement est à la charge des collectivités locales – ce qui vous permet d'afficher à bon compte votre volonté de diminuer les prélèvements obligatoires. Vous transférez aux collectivités une partie de la dette et des charges qui incombent à l'État sans compensations sur des bases suffisantes – je pense à la prise en charge des personnels TOS des collèges et des lycées en année pleine à partir de 2008. Vous transférez des recettes moins dynamiques que celles des charges qu'elles visent à compenser – je pense au RMI-RMA – et vous multipliez les retards et les désengagements dans l'application des contrats de plan État-région.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, au cours de ce débat sur la situation économique, sociale et financière de notre pays, nous voulons réaffirmer que les collectivités locales sont des acteurs majeurs de la vie économique française puisqu'elles assurent plus des deux tiers de l'investissement public de notre pays. Les communes, les départements, les régions et les EPCI sont essentiels pour l'économie et la cohésion sociale. Nous voulons vous rappeler que l'État joue un rôle capital dans le financement des collectivités et que nous ne voulons pas que celles-ci deviennent la variable d'ajustement de son budget dans les années à venir. Après l'atteinte portée au caractère symbolique de la DGF dans le projet de loi de finances pour 2008, nous souhaitons des réponses effectives sur la péréquation et sur la prise en compte de la hausse de la population française dont témoignent les derniers recensements. Nous voulons enfin vous dire solennellement que réduire les flux financiers vers les collectivités locales, c'est faire peser un risque sur la croissance économique de notre pays, lequel n'en a pas besoin. Nous croyons au rôle moteur des communautés d'agglomération et des communautés de communes, au rôle économique des régions et au rôle social des départements.

L'objectif de redressement des comptes publics est louable, mais il ne pourra être atteint que dans la clarté et la concertation, et non en montrant du doigt, en pénalisant et en stigmatisant les autres acteurs de la dépense publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)

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