Pour le moment, le fichier national n'existe pas. Nous avons cherché à comprendre pourquoi des individus interdits de gérer peuvent continuer leur activité dans d'autres sociétés. Les sanctions prévues sont lourdes : jusqu'à cinq ans de prison et 350 000 euros d'amende, sans parler de la dissolution de la société dans laquelle l'interdit exerce. Mais il faut identifier les fraudeurs, ce qui, en l'absence de fichier, n'est pas facile.
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Paris a essayé de contourner la difficulté en créant, avec l'accord de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), un outil appelé PARADE qui recense tous les interdits de gérer à la suite d'une décision judiciaire. Nous recherchons ensuite les sociétés dirigées par des interdits de gérer. Un jour, nous avons gagné le gros lot en dénichant un individu à la tête d'une soixantaine de sociétés. Nous enrichissons la base avec les informations que nous détenons sur les sociétés en question : liquidation judiciaire, existence d'un passif envers l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF)… Notre stratégie consiste à communiquer au procureur de la République la liste des entreprises dirigées par des personnes interdites de gérer pour qu'il prenne des sanctions et décide éventuellement la radiation du registre du commerce, laquelle n'est pas toujours simple surtout si la société emploie du personnel. Nous avons aussi lancé des assignations groupées à l'encontre de toutes les sociétés d'un même dirigeant ayant un passif envers nous, et le tribunal de commerce de Paris les a acceptées alors que nous n'avions pas toujours les titres exécutoires correspondants, autrement dit la preuve de la cessation des paiements.
Le texte que vous avez voté ne sera pleinement appliqué que le jour où le fichier existera et où les greffiers auront l'obligation, au moment de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, de vérifier que le dirigeant n'est pas interdit de gérer. Or cette formalité ne fait pas partie aujourd'hui des missions des greffes. Nous avons de très bons contacts avec le greffe de Paris qui, avec l'accord du procureur, a accepté de prendre en considération les listes de dirigeants interdits de gérer qu'on lui communiquait mais il n'y était pas obligé.